Une équipe de l’Université Paris Cité a documenté la mise en place d’un cours de premiers soins en santé mentale destiné aux personnes étudiantes dans le domaine de la santé. Les résultats de leur étude sont présentés dans l’article « Mental health first aid training among healthcare French students: a qualitative study ».

Un programme de formation qui a fait ses preuves

Le cours de premiers soins en santé mentale (PSSM) consiste en une formation intensive d’une durée de deux jours. Elle vise à acquérir des connaissances de base sur les troubles de santé mentale, à reconnaître les différents types de crises, à développer des compétences interpersonnelles, et à apprendre à mieux gérer des comportements agressifs. Il s’agit d’un modèle de cours standardisé, appliqué partout dans le monde et dont les bénéfices ont été documentés par la recherche.

Cette recherche visait à évaluer la pertinence de l’implantation du cours PSSM auprès des étudiantes et les étudiants en sciences de la santé. Cette population étudiante a été ciblée parce qu’elle présente des taux alarmants de troubles de santé mentale, comme les troubles de sommeil, la dépression, l’anxiété, l’épuisement professionnel et les idées suicidaires.

Les étudiantes et étudiants ayant complété, sur une base volontaire, la formation PSSM étaient invités à participer à un entretien semi-directif avec un psychiatre-chercheur. Les entretiens ont été analysés par l’équipe de recherche dans le but d’élaborer un cadre des expériences vécues. Vingt personnes étudiantes (16 femmes et 4 hommes) dans différents domaines de la santé (médecine, pharmacie, soins infirmiers, physiothérapie, pratique sage-femme et médecine dentaire) ont participé à cette recherche.

Des motivations à la fois personnelles, éducatives et professionnelles

L’équipe de recherche a constaté que les personnes participantes étaient fortement motivées à suivre le cours PSSM, et que leurs motivations concernaient trois sphères de leur vie :

  • Personnelle : Les personnes participantes étaient déjà sensibilisées aux enjeux de santé mentale, et certaines avaient une expérience préalable comme aidante ou aidant. Le cours a tout de même constitué pour elles une expérience transformatrice, leur donnant plus de confiance dans leurs interventions auprès de leurs proches.
  • Étudiante : Le cours était vu comme une occasion d’apprendre ou de réviser des notions de psychiatrie. Même si l’approche participative a été appréciée, certaines personnes ont trouvé que les apprentissages n’allaient pas assez loin. Par ailleurs, plusieurs ont déploré l’absence de sujets pertinents pour la population étudiante, comme les troubles alimentaires, l’automutilation et les violences sexuelles et de genre.
  • Professionnelle : Les personnes participantes avaient aussi un intérêt professionnel pour l’intervention en psychiatrie. La formation leur a permis de réfléchir aux savoir-faire, notamment communicationnels, ainsi qu’aux savoir-être dans la relation de soin, mais certaines orientations ne convenaient pas à des futurs professionnels.

Une formation appréciée, mais mal adaptée

Les résultats de cette recherche qualitative confirment la pertinence de la formation PSSM, mais montrent que la version standard pourrait être adaptée à la réalité de la population étudiante, notamment celle des personnes qui étudient dans le domaine de la santé.

Premièrement, l’équipe de recherche plaide pour que les thèmes pertinents, comme les troubles alimentaires, l’automutilation et les violences sexuelles et de genre, soient intégrés à une version conçue spécifiquement pour la population étudiante. Cette formation de base devrait faire partie d’un programme institutionnel plus large pour répondre aux besoins de la population étudiante en matière de santé mentale, qui pourrait comprendre :

[…] des politiques de prévention, des programmes d’accès à des services en santé mentale, des stratégies de communication pour briser le silence, contrer la stigmatisation et promouvoir le bien-être, des dispositifs d’évaluation en continu des besoins en matière de santé mentale étudiante.

(p.9, traduction libre)

Deuxièmement, la formation PSSM devrait être bonifiée et mieux intégrée au parcours de formation pour ceux et celles qui se destinent à une profession dans le domaine de la santé. Ces personnes se projettent dans leurs rôles futurs d’intervenantes et d’intervenants professionnels, la formation devrait donc viser le transfert des savoirs en milieux de pratique. À cette fin, les auteurs et l’autrice de l’étude recommandent d’ajouter des contenus relatifs à la santé mentale dans les curriculums en santé, d’offrir une version adaptée du cours PSSM dans les premières années du parcours universitaire, et de créer une formation de deuxième niveau pour les actuels et futurs professionnels et professionnelles en soin.

Référence

Sibeoni, J., Ellul, P., Bubola, T., Debiche, Y. et Piot, M.-A. (2023). Mental health first aid training among healthcare French students: a qualitative study. Frontiers in Medicine, 10, 1268277. https://doi.org/10.3389/fmed.2023.1268277