Une recherche identifie quelques pistes d’action pour accompagner les étudiants et étudiantes dans le développement de leurs compétences en cuisine.

L’équipe de recherche, composée de Lisa M. Soederberg Miller, Jennifer Falbe, Gwen M. Chodur, de l’Université de Californie, et de Sally K. Chesnut de l’Université d’Helsinki, s’intéresse à l’apport de la cuisine à la maison pour lutter contre l’insécurité alimentaire dans leur article Home-prepared meals among college students at-risk for food insecurity: A mixed-methods study.

L’importance de savoir cuisiner

S’appuyant sur diverses études, Miller, Falbe, Chodur, et Chesnut font valoir que la capacité à préparer des repas est une compétence utile pour tous les étudiants et toutes les étudiantes. De plus, comme le fait de savoir cuisiner est associé à une meilleure nutrition, une plus faible consommation d’aliments transformés et des coûts d’alimentation plus faibles, les chercheuses ajoutent que ce savoir-faire serait particulièrement bénéfique pour celles et ceux en situation d’insécurité alimentaire.

Pourquoi lutter contre l’insécurité alimentaire des étudiants et étudiantes ?
L’insécurité alimentaire est définie comme le manque d’accès à une nourriture suffisante pour mener une vie saine, en raison des coûts ou d’autres obstacles (Coleman-Jensen et al., 2017 ; Gundersen et Ziliak, 2015 dans Miller et al, 2023).

Elle est notamment associée à une alimentation de plus faible qualité, une plus faible santé mentale et des résultats scolaires inférieurs. Pour en savoir plus, consultez la notion clé Se nourrir, une condition pour réussir du récent dossier de l’ORES sur l’accessibilité financière aux études.

Qu’est-ce qui motive les étudiants et étudiantes à cuisiner ?

Dans leur étude, les chercheuses ont comparé les compétences culinaires et la motivation à cuisiner des personnes étudiantes en situation de sécurité et d’insécurité alimentaire grâce à un questionnaire auquel ont répondu 226 personnes étudiantes, dont 30% ont déclaré avoir souffert d’insécurité alimentaire dans les neuf mois précédant l’enquête.

Par le biais de sept groupes de discussion auxquels ont participé 60 étudiants et étudiantes, elles ont ensuite exploré les attitudes entourant la préparation des repas et les mesures qui pourraient être mises en place à l’université pour encourager cette pratique .

Bien s’alimenter : une volonté partagée

L’analyse quantitative a montré que les étudiants et étudiantes en situation d’insécurité alimentaire avaient des scores moins élevés en matière de préparation des repas et de suivi d’un régime alimentaire sain. Ils et elles avaient aussi une plus faible perception de leur capacité à cuisiner. Néanmoins, toutes les personnes répondantes avaient la volonté d’avoir une bonne alimentation.

L’analyse qualitative, quant à elle, a permis de mieux comprendre les habitudes actuelles et souhaitées des étudiants et étudiantes ainsi que les mesures que l’université pourrait mettre en place pour les soutenir dans l’amélioration de leurs habitudes alimentaires.

Les habitudes alimentaires actuelles

Les personnes participantes aux groupes de discussion ont surtout justifié leurs habitudes alimentaires par les coûts et la commodité. Elles ont également nommé la santé, le goût et dans une moindre mesure les préoccupations environnementales pour expliquer leurs choix.

Plusieurs participants et participantes, par souci d’économie, préfèrent retourner manger à la maison entre les cours ou, pour ceux et celles habitant trop loin, attendre la fin de la journée pour s’alimenter. Pour d’autres personnes, la volonté de réduire les coûts motive la préparation de lunchs et de collations à apporter sur le campus. Cependant, les contraintes de temps influencent le type de repas préparés.

Les étudiants et étudiantes n’ayant pas l’habitude d’amener de la nourriture à l’université ont expliqué manquer de temps pour préparer, emballer ou réchauffer leur repas. Certaines personnes ont aussi rapporté des contextes de cohabitation qui limitent leur accès à une cuisine.

Les habitudes souhaitées

Questionnés sur leurs aspirations quant à la préparation de repas à la maison, les participants et participantes indiquent avoir plusieurs objectifs. Leurs réponses brossent ainsi le portrait de l’alimentation souhaitée, mais actuellement inatteignable, principalement en raison d’obstacles financiers et du manque de temps.

Les étudiants et étudiantes souhaitent :

  • Accroître leur consommation de fruits, de légumes et de protéines;
  • Avoir une alimentation respectueuse de l’environnement (ex. manger moins de protéines animales, adopter un régime végétarien ou végétalien);
  • Manger des aliments plus variés. Les personnes répondantes expliquent que le manque de temps, les coûts, la disponibilité des ingrédients ou les habiletés en cuisine engendrent une certaine monotonie dans leur alimentation;
  • Préparer des repas en grande quantité [batch meal preparation]. Cette pratique est perçue de façon positive en raison du gain de temps qu’elle procure. En revanche, certains étudiants et étudiantes mentionnent qu’il est difficile de maintenir leur motivation à son endroit, et que cette pratique nuit à la variété de leur alimentation.

Comment les établissements peuvent aider ?

Les groupes de discussion ont aussi fait ressortir ce que les établissements pourraient mettre en œuvre pour soutenir les efforts de préparation des repas de leurs étudiants et étudiantes :

  • Faciliter le partage d’information sur les pratiques alimentaires étudiantes, afin de motiver les étudiants et étudiantes à cuisiner à la maison, en plus de leur donner de l’inspiration;
  • Fournir du matériel de cuisine (ex. mijoteuse, casseroles, poêlons, électroménagers);
  • Accroître l’accès aux programmes déjà offerts sur le campus pour lutter contre l’insécurité alimentaire, grâce à l’élargissement des heures d’ouverture et la relocalisation des services dans des endroits plus accessibles ;
  • Aider les étudiants et étudiantes à apprendre à cuisiner (grâce à des vidéos explicatives, des cours de cuisine, des clubs de cuisine, des livres de cuisine adaptés à la réalité étudiante*, etc.)

Les chercheuses ajoutent que ce type d’initiatives pourraient être pilotées par des personnes professionnelles de la nutrition. Elles suggèrent par ailleurs d’impliquer des étudiants et des étudiantes vivant de l’insécurité alimentaire dans la mise en œuvre de ces initiatives pour s’assurer de répondre à leurs besoins.

*À cet égard, des personnes œuvrant au Département de nutrition de l’Université de Montréal ont lancé, en 2019, un livre de cuisine visant à soutenir les étudiants et les étudiantes dans la planification et la préparation de leurs repas. Cette initiative s’accompagne d’une chaîne YouTube présentant des courtes capsules de cuisine.

Référence

Miller, L. M. S., Falbe, J., Chodur, G. M., et Chesnut, S. K. (2023). Home-prepared meals among college students at-risk for food insecurity : A mixed-methods study. Appetite, 188, 106632. https://doi.org/10.1016/j.appet.2023.106632