Deux chercheuses en psychologie s’intéressent au coût perçu des études chez la population étudiante, de même qu’à son lien avec la motivation et les résultats scolaires.

Le coût perçu des études est un prédicteur important de la réussite (Wu et Corpus, 2023). Or, les travaux précédents sur ce thème s’appuient souvent sur des données quantitatives, laissant peu de place à une analyse qualitative.

Cette recherche mixte — quantitative et qualitative — a donc deux objectifs :

  1. Documenter le lien entre, les perceptions du coût des études d’étudiants et d’étudiantes de première année et leurs résultats scolaires à long terme ;
  2. Caractériser la motivation des étudiants et des étudiantes qui perçoivent les coûts des études comme étant élevés ou faibles (ibid.).

Pour ce faire, l’équipe de Wu et Corpus (2023) a mené une enquête sur la perception du coût des études auprès de 298 personnes étudiantes de première année d’un établissement d’enseignement supérieur américain (liberal arts college) (p.3). L’analyse s’est ensuite poursuivie auprès de 185 personnes ont répondu à des questions ouvertes sur la motivation au cours de cette première année d’études. Leurs notes et leur statut d’inscription ont également été examinés pendant l’enquête (ibid.).

Qu’est-ce que le coût perçu des études ?

La théorie attentes-valeurs en motivation, sur laquelle s’appuient les chercheuses, comprend les avantages que l’on perçoit de l’engagement dans une activité/tâche (les études, par exemple), de même que leurs coûts ou leurs inconvénients (p.2).

Les dimensions du « coût perçu » comprennent souvent :

  1. Le coût de l’effort, soit l’effort perçu comme nécessaire et le fait de savoir s’il en vaut la peine ;
  2. Le coût d’opportunité, soit dans quelle mesure il faut renoncer à d’autres activités pour s’engager dans la tâche ;
  3. Le coût psychologique, soit l’expérience d’émotions négatives pendant ou après l’activité/la tâche (Eccles et Wigfield, 2020).

Les chercheuses ont donc adopté une approche globale pour analyser les coûts perçus par la population étudiante et mieux comprendre ses liens avec la motivation et les notes. (Wu et Corpus, 2023, p.2)

Principaux résultats

De manière générale, les résultats montrent que les étudiants et les étudiantes qui perçoivent un coût faible à leurs études ont tendance à rester inscrits et à obtenir de meilleurs résultats scolaires (p.8).

En revanche, ceux et celles qui perçoivent un coût élevé à leurs études sont plus susceptibles d’obtenir de mauvais résultats scolaires et d’abandonner leurs études (ibid.).

La motivation

Wu et Corpus (2023) ont relevé des différences notables chez les personnes répondantes à propos de leur manière de décrire la motivation pendant leur parcours scolaire.

Celles qui perçoivent un coût élevé à leurs études mettent davantage l’accent sur des stratégies d’évitement et priorisent souvent des activités non scolaires. En revanche, celles qui perçoivent un coût faible à leurs études détestent l’ennui, ont un désir de maîtriser la matière et considèrent les baisses de motivation comme étant temporaires ou transitoires (p.8).

Toujours sur le plan de la motivation, les étudiants et les étudiantes qui perçoivent le coût de leurs études comme étant faible recherchent davantage les défis et expriment un véritable intérêt pour l’apprentissage. Ceux et celles qui perçoivent un coût élevé à leurs études ont plutôt tendance à faire le minimum d’efforts dans leurs devoirs (ibid.).

Ces résultats confirment des recherches précédentes selon lesquelles des coûts perçus élevés s’accompagnent d’une faible motivation dite « intrinsèque », c’est-à-dire qu’elle provient de désirs intérieurs (ibid.).

Par ailleurs, selon les chercheuses, il serait intéressant d’examiner si des facteurs sociodémographiques (le milieu socioéconomique, par exemple) ou encore des facteurs liés à la personnalité (le pragmatisme, par exemple) expliquent cette différence de motivation observée entre les deux groupes (ibid.).

Les origines socioculturelles des étudiants et des étudiantes peuvent également influencer la façon dont le coût des études est perçu. Ceux et celles qui proviennent de cultures plus collectivistes (latino-américaines, par exemple) peuvent penser qu’il est de leur responsabilité de bien travailler au collège, afin d’apporter de la fierté à leur famille, et ce, même si la motivation « intrinsèque » fait défaut (ibid.).

L’apport d’une méthode mixte

Les chercheuses soulignent que l’approche à la fois quantitative et qualitative leur a permis d’obtenir des informations clés qui n’auraient pas été obtenues autrement.

Si l’analyse qualitative a confirmé certains résultats quantitatifs, elle a aussi introduit de nouvelles idées, notamment le fait que les personnes étudiantes percevant un coût élevé des études mettent l’accent sur la productivité, alors que celles percevant un coût faible insistent sur la maîtrise du contenu (ibid.).

Au-delà des différences

Wu et Corpus (2023) soulignent que les deux types de perceptions (coût des études « faible » ou « élevé ») possèdent des avantages. Les personnes de la première catégorie, par exemple, peuvent adopter une approche décontractée des études les aidant à gérer le stress des travaux difficiles (p.9).

Les réponses ouvertes ont également révélé des ressemblances dans l’expérience étudiante : peu importe la perception des études, les personnes enseignantes sont déterminantes, en particulier celles qui suscitent la motivation, leur permettent de se plonger dans un sujet d’intérêt ou les encouragent à s’aventurer au-delà de leur zone de confort (ibid.).

Ces résultats confirment ainsi de nombreux travaux précédents portant sur l’importance du lien pédagogique dans la motivation étudiante.

Des implications pratiques

Selon les chercheuses, il pourrait être pertinent d’aborder les perceptions des coûts avec les étudiants et les étudiantes dès le début du parcours postsecondaire. En effet, une perception élevée des coûts peut devenir un obstacle pour s’inscrire à des cours réputés difficiles, mais qui peuvent s’avérer enrichissants. En revanche, avoir une perception faible des coûts des études peut permettre l’exploration d’intérêts (p.9).

Wu et Corpus (2023) proposent en ce sens de questionner la population étudiante dès la première année d’inscription au sujet de la motivation afin d’identifier ceux et celles qui sont à risque d’abandon (ibid.).

Cela pourrait les aider à réinterpréter de manière plus positive les expériences de cours difficiles et les encourager à relativiser leurs croyances sur les coûts des études. Un tel recadrage peut leur faire réaliser que les difficultés scolaires constituent parfois une étape normale et à court terme dans l’adaptation à un nouvel environnement (ibid).

Les enseignants et les enseignantes peuvent également mettre en œuvre des méthodes d’enseignement transparentes (des attentes, des pratiques d’évaluation et des objectifs d’apprentissage clairs, par exemple).

Cette transparence peut aider ceux et celles qui ont une perception du coût élevé des études à faire des choix quant aux activités et aux tâches à privilégier, étant donné l’importance qu’ils accordent à la gestion du temps.

Ces stratégies sont également sans doute bénéfiques à toute la population étudiante, et ce, peu importe son niveau de perception du coût des études.

Références

Eccles, J. S., et Wigfield, A. (2020). From expectancy-value theory to situated expectancy-value theory: A developmental, social cognitive, and sociocultural perspective on motivation. Contemporary Educational Psychology, 61. https://doi.org/10.1016/j.cedpsych.2020.101859

Wu, S. H. et Corpus, J. H. (2023). The role of perceived cost in college students’ motivational experiences and long-term achievement outcomes: a mixed-methods approach. International Journal of Educational Research Open, 4. https://doi.org/10.1016/j.ijedro.2023.100229