Cet article présente quelques résultats découlant d’une recherche qui visait à examiner le rôle des pratiques enseignantes autorapportées sur la réussite académique en première année à l’université.

Pour plus de détails, consulter : Jacquemart, J., De Clercq, M. et Galand, B. (2024). The black box revelation of instructional practices: a mixed study of the transition to HE. European Journal of Higher Education, 1-22.

Contexte 

Le rôle de l’environnement d’apprentissage : l’angle mort des connaissances sur le processus de réussite étudiante 

L’entrée dans l’enseignement supérieur est une étape complexe pour les personnes étudiantes (Trautwein et Bosse, 2017). Elles peuvent vivre beaucoup d’abandons et d’échecs (Heublein, 2014). Cette première année constitue donc un moment charnière dans leur parcours d’études où une attention particulière est portée sur leur processus de réussite (Van Rooij et al., 2018).

Au moins trois catégories de facteurs peuvent expliquer la réussite en enseignement supérieur (Richardson et al., 2012; Schneider et Preckel, 2017) :

Si la majorité des recherches se concentrent sur les deux premières catégories de facteurs, le rôle de l’environnement d’apprentissage, et particulièrement des personnes enseignantes, sur la réussite en enseignement supérieur est moins étudié (Van Rooij et al., 2018; Dupont et al., 2015). Nous comblons cette lacune en analysant en détail le rôle des pratiques enseignantes sur la réussite. Notre étude fournit également des pistes d’action pour mieux soutenir la réussite étudiante dès la première année d’études universitaires.

Concept clé 

Qu’entend-on par pratiques enseignantes ?   

Les pratiques enseignantes sont l’ensemble des actions mises en œuvre par le corps enseignant (consciemment ou non) en interaction (physique ou virtuelle) avec les étudiantes et étudiants d’un cours (Jacquemart et al., 2023).

Nous distinguons quatre types de pratiques enseignantes particulièrement pertinentes :

Tableau 1. Quatre types de pratiques enseignantes Premièrement, le soutien socioémotionnel : pour favoriser un climat positif Deuxièmement, la gestion de classe : pour rendre le cours productif et motiver les étudiants et étudiantes Troisièmement, le soutien pédagogique : pour favoriser la compréhension de chaque apprenant et apprenante Quatrièmement, l’activation cognitive : pour faire réfléchir les étudiants et étudiantes en profondeur

Méthodologie

Une méthode mixte pour étudier les pratiques enseignantes de façon appronfondie

  • Type de recherche : mixte (quantitative et qualitative)
  • Population étudiée : étudiantes et étudiants de première année et enseignants et enseignantes de différentes disciplines dans cinq universités belges
  • Lieu et période de la recherche : en ligne durant l’année 2017-2018 et 2018-2019

Un questionnaire a mesuré les pratiques rapportées par 18 personnes enseignantes. Un autre questionnaire a mesuré le bagage (le genre, le statut socioéconomique, les notes au secondaire) de 932 étudiantes et étudiants de première année ainsi que leurs caractéristiques psychosociales. L’effet sur la réussite (mesurée par les notes) en fin d’année a été analysé via des analyses multiniveaux. Huit groupes de discussion ont permis de recueillir les perceptions de 40 étudiantes et étudiants sur le rôle des pratiques enseignantes dans leur réussite en première année.

Résultats

Le rôle important des pratiques enseignantes sur la réussite en première année d’université

Les pratiques enseignantes jouent un rôle dans la réussite étudiante.

Les résultats des analyses quantitatives suggèrent que 27,5 % de la variation dans les notes des étudiantes et étudiants en première année est liée au contexte de cours (ex. : pratiques en classe, taille de l’auditoire, approche pédagogique). Les pratiques enseignantes pourraient donc être un levier pour la réussite académique en première année à l’université.

Trois dimensions des pratiques enseignantes sont associées à la réussite.

L’analyse des pratiques rapportées par les personnes enseignantes montre que le soutien pédagogique (β=.47 ; p<.01[1]) et le soutien socioémotionnel (β=.36 ; p<.01) sont positivement associés à la réussite lors de la première année d’études à l’université. Aussi, plus les enseignantes et enseignants déclarent favoriser un climat positif et une compréhension du cours, plus les notes des étudiantes et étudiants sont élevées. En revanche, une trop grande attention sur la gestion de classe est négativement associée à la réussite des personnes étudiantes (β=-.22 ; p<.01). L’ensemble de ces pratiques permettent d’expliquer 65,3 % de la variation de la réussite étudiante entre les cours.  

[1] « β » ou coefficient bêta, représente la force de l’effet d’une variable sur une autre. Il s’étend entre -1 et +1. Au plus, sa valeur se rapproche de 1 ou de -1, au plus la relation entre les deux variables est forte. « p » réfère à la p-valeur. Une p-valeur inférieure à 0.05 signifie qu’une relation entre deux variables est significative.

Les personnes étudiantes identifient cinq pratiques enseignantes qui contribuent à leur réussite.

Les groupes de discussion offrent des précisions sur les pratiques enseignantes que les étudiants et étudiantes jugent les plus contributives à leur réussite en première année.

Cinq pratiques susceptibles de favoriser l’engagement, la motivation et la compréhension en profondeur du contenu des cours sont nommées par les participantes et participants :

Tableau 2. Cinq pratiques susceptibles de favoriser l’engagement, la motivation et la compréhension en profondeur du contenu des cours Première pratique associée au soutien socioémotionnel : l’attention du corps enseignant envers les étudiants et étudiantes, c’est-à-dire les encourager, leur donner des commentaires positifs. Deuxième pratique associée à la gestion de classe : les attitudes de communication, c’est-à-dire être éloquent, charismatique. Troisième pratique associée à la gestion de classe : une leçon interactive et divertissante, c’est-à-dire de donner des occasions d’interagir, proposer des exercices pour s’entraîner. Quatrième pratique associée au soutien pédagogique : la flexibilité de la personne enseignante vis-à-vis du déroulé de cours, c’est-à-dire prendre du temps sur une notion difficile, réexpliquer avec d’autres mots. Cinquième pratique associée au soutien pédagogique : des attentes claires et cohérentes, c’est-à-dire proposer une structure de cours et des tâches cohérentes avec le format d’évaluation.

Que retenir de nos résultats ?

Trois leçons clés adressées aux personnes enseignantes pour soutenir la réussite en première année

Les personnes enseignantes devraient renforcer le soutien pédagogique et le soutien socioémotionnel pour soutenir la réussite.

Le soutien pédagogique peut être renforcé par une plus grande flexibilité sur le déroulé de cours, un effort de clarté dans la leçon, l’identification claire des attentes ou encore une attention sur les difficultés de compréhension des personnes étudiantes.

Le soutien socioémotionnel est favorisé en considérant le point de vue de la personne étudiante, lui laissant du choix dans les activités de cours, en favorisant un climat positif et en évitant la comparaison sociale entre étudiantes et étudiants.

Des pratiques de gestion de classe trop rigides pourraient être délétères à la réussite étudiante.

Porter son attention principalement sur le fait d’avancer rapidement dans la matière et sur le respect strict des consignes (notamment le silence) pourrait limiter les possibilités d’interactions entre le corps enseignant et les personnes étudiantes, et rendre le climat de classe moins soutenant. Cette situation réduirait alors les opportunités d’apprentissage et la régulation des difficultés de compréhension.

Le pouvoir d’action de la personne enseignante ne se limite pas aux pratiques enseignantes.

Les caractéristiques et l’organisation du cours ont aussi un effet sur la réussite au-delà des pratiques adoptées pendant le cours. Par exemple, les étudiants et étudiantes ont mentionné l’importance des outils pédagogiques utilisés par l’enseignant ou l’enseignante comme les plans de cours, les outils interactifs et les diapositives. Il est donc intéressant que la personne enseignante travaille à la fois sur ses pratiques en classe et les outils pédagogiques qu’elle va proposer aux personnes étudiantes.

Pour approfondir le sujet

De Clercq, M. et Bournaud, I. (2023). L’accompagnement étudiant dans l’enseignement supérieur : quand objectifs pédagogiques et de réussite s’entremêlent. Formation et profession. Revue scientifique internationale en éducation, 31(3), 1-3.

De Clercq, M., Frenay, M., Wouters, P. et Raucent, B. (2022). Pédagogie active dans l’enseignement supérieur : description de pratiques et repères théoriques. Peter Lang.

Jacquemart, J., De Clercq, M. et Galand, B. (2024). Développement et validation d’un protocole d’observation des pratiques enseignantes dans l’enseignement supérieur. Évaluer – Journal international de recherche en éducation et formation, 10(3), 95-129.


Références

Dupont, S., De Clercq, M. et Galand, B. (2015). Les prédicteurs de la réussite dans l’enseignement supérieur : revue critique de la littérature en psychologie de l’éducation. Revue française de pédagogie, 191, 105-136.

Heublein, U. (2014). Student drop‐out from German higher education institutionsEuropean Journal of Education49(4), 497-513.

Jacquemart, J., De Clercq, M. et Galand, B. (2023). Mieux comprendre les pratiques enseignantes en classe dans l’enseignement supérieur : proposition d’un cadre de référence. Formation et profession. Revue scientifique internationale en éducation, 31(3), 1-19.

Richardson, M., Abraham, C. et Bond, R. (2012). Psychological correlates of university students’ academic performance: a systematic review and meta-analysis. Psychological Bulletin, 138(2), 353-387.

Schneider, M. et Preckel, F. (2017). Variables associated with achievement in higher education: A systematic review of meta-analyses. Psychological Bulletin, 143(6), 565-600.

Trautwein, C. et Bosse, E. (2017). The first year in higher education—critical requirements from the student perspective. Higher Education, 73, 371-387.

Van Rooij, E., Brouwer, J., Fokkens-Bruinsma, M., Jansen, E., Donche, V. et Noyens, D. (2018). A systematic review of factors related to first-year students’ success in Dutch and Flemish higher education. Pedagogische Studiën, 94(5), 360-404.


Mentions de responsabilité

Éditrice : Karine Vieux-Fort 

Comité éditorial : Karine Vieux-Fort, Anouk Lavoie-Isebaert et Catherine Charron

Révision linguistique : Marie-Eve Cloutier

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ISSN 2817-2817