France Landry
Ph. D., Psy. D. et psychologue
Université du Québec à Montréal
Numéro 8 – 2024
Pour citer cet article
France Landry
Ph. D., Psy. D. et psychologue
Université du Québec à Montréal
Rachel Paquette
Psy. D. de l’Université du Québec à Montréal et psychologue de l’Université de Montréal
Université de Montréal
Georgette Goupil
Ph. D. et professeure émérite au Département de psychologie
Université du Québec à Montréal
Cet article présente quelques résultats découlant d’une recherche qui visait à évaluer un programme de renforcement des stratégies d’étude pour les étudiantes et les étudiants vivant avec un trouble du déficit de l’attention.
Pour plus de détails, consulter : Paquette, R. (2022). Évaluation d’un programme de renforcement de stratégies d’étude pour les étudiants ayant un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité à l’université [essai doctoral, Université du Québec à Montréal]. Archipel.
Représentant 38 % des personnes étudiantes en situation de handicap qui demandent des services à l’université au Québec (Association québécoise interuniversitaire des conseillers aux étudiants en situation de handicap, 2021-2022), les étudiantes et les étudiants ayant un TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) connaîtraient plus de difficultés que leurs pairs quand vient le moment de s’organiser, de s’autoréguler, de se concentrer et d’éviter la procrastination (Dalpé, Goupil et Landry, 2022; Sedgwick, 2018). Pour s’adapter à l’université, les personnes étudiantes doivent mettre en place des stratégies d’étude et d’apprentissage efficaces pour bien fonctionner dans leurs études et leur quotidien. Pour les soutenir, les universités offrent un ensemble de services d’aide allant d’ateliers pour tous et toutes à des consultations individuelles avec du personnel professionnel en soutien.
Pour accompagner sa population étudiante, l’Université du Québec à Montréal offre les Rencontres Focus, une série d’ateliers de groupe qui propose des renseignements, des outils, des stratégies et un espace de rencontre pour les personnes ayant un TDAH. Les Rencontres Focus (voir le tableau 1) sont issues d’un essai doctoral qui portait sur le développement d’un programme de renforcement des stratégies d’étude pour les étudiantes et étudiants universitaires ayant un TDAH (Landry, 2012). Elles ont fait l’objet d’une première évaluation dans le cadre d’une étude qualitative (Dalpé, Landry et Goupil, 2019) qui indiquait que les personnes participantes bénéficient de l’éducation psychologique sur le TDAH, des échanges et des exercices en groupe. Plus récemment, l’essai doctoral de Paquette (2022), qui fait l’objet du présent article, visait à approfondir la portée de l’intervention en utilisant à la fois des mesures quantitatives sur les stratégies d’étude et d’apprentissage et des mesures qualitatives basées sur la perception des personnes participantes aux Rencontres Focus.
Se pencher sur l’évaluation des interventions de groupe comme les Rencontres Focus contribue à développer les connaissances sur les ressources existantes pour les personnes étudiantes ayant un TDAH. Évaluer ce type d’intervention permet également de s’assurer de leur pertinence et de proposer des recommandations pour les services de soutien universitaires qui souhaiteraient mieux accompagner les étudiantes et étudiants concernés.
Les principales dimensions de l’intervention au sein des Rencontres Focus incluent l’enseignement de stratégies d’étude, l’éducation psychologique sur le TDAH et le stress, les échanges et les discussions entre les participantes et participants et finalement la création d’un espace propice à ces interactions.
Les stratégies d’étude et d’apprentissage visent à rendre plus efficace la personne étudiante face à la charge de travail des études universitaires. Selon Weinstein, Acee et Jung (2010), les compétences techniques sont autant nécessaires que les attitudes envers les études et la régulation de la motivation ou du stress. Ainsi, lire efficacement des textes complexes, synthétiser la matière pour un travail de session ou utiliser des stratégies mnémotechniques lors des études sont des stratégies tout aussi importantes que la capacité pour la personne à se maintenir motivée lors des périodes plus difficiles, à réguler le stress et l’anxiété à l’approche des examens ainsi qu’à bien organiser son temps pour maintenir un équilibre entre les études et la vie personnelle.
Un questionnaire et des entretiens pour bien comprendre l’expérience vécue
Les personnes participantes aux Rencontres Focus ont répondu au questionnaire LASSI (Learning and Study Strategies Inventory) (Weinstein et Palmer, 2002) avant et à la fin de la série des six rencontres. Le LASSI évalue dix stratégies d’étude et d’apprentissage correspondant chacune à une échelle du questionnaire. Les résultats du questionnaire LASSI, à chacune des dix échelles, sont transformés en percentiles.
Des entretiens individuels ont quant à eux permis de recueillir les effets perçus des Rencontres Focus par les participantes et participants au terme de l’intervention.
Les résultats au questionnaire indiquent deux différences significatives liées à une diminution de l’anxiété et à une amélioration de la concentration avant et après la série de rencontres.
Le Test t1 qui a servi à comparer les moyennes en pré et postintervention – c’est-à-dire les Rencontres Focus – révèle que deux stratégies diffèrent significativement entre ces deux temps de mesure, soit la diminution de l’anxiété et l’augmentation de la concentration. Bien que les percentiles associés aux autres stratégies d’étude et d’apprentissage (échelles) aient augmenté, ces changements demeurent statistiquement non significatifs (voir le tableau 2). De plus, situées sous la moyenne du 50e percentile, plusieurs stratégies d’étude et d’apprentissage (échelles) indiquent que les personnes participantes ont encore besoin de soutien sur le plan des stratégies d’apprentissage au terme des rencontres.
[1] Test t de Student est un type d’analyse statistique utilisé pour comparer les moyennes de deux groupes et déterminer si les différences sont statistiquement significatives, c’est-à-dire non dues au seul hasard.
Les personnes participantes (N=13) perçoivent plusieurs bénéfices des rencontres sur le plan scolaire.
Les avantages rapportés concernent : le plan personnel (n=12), le développement des stratégies (n=11), les attitudes face aux études (n=6) ainsi que de meilleures connaissances sur le TDAH et le soutien disponible (n=4). Le développement des stratégies a surtout visé la planification du temps et des études, la gestion du stress et l’utilisation de stratégies telles les technologies ou la carte conceptuelle permettant aux personnes participantes de mieux gérer leurs tâches.
L’intervention en groupe favorise l’acceptation et la compréhension du TDAH chez les personnes participantes.
Les personnes participantes disent apprécier la réciprocité offerte par les échanges entre personnes ayant des difficultés similaires, leur permettant de parler de leur situation, de leurs défis et de leurs réflexions sur le TDAH. Elles décrivent une diminution de leur sentiment de solitude, ainsi qu’un effet bénéfique sur leur motivation et leur confiance dans leurs capacités scolaires.
Les personnes participantes aux rencontres estiment mieux gérer leur stress et leur anxiété.
Bien que l’anxiété soit indirectement associée au TDAH, réduire son niveau pourrait favoriser une meilleure utilisation des capacités attentionnelles et des stratégies d’étude et d’apprentissage chez les étudiantes et étudiants.
Les personnes qui ont pris part aux rencontres rapportent adopter des stratégies plus efficaces pour améliorer leur attention et leur concentration.
Les activités de réflexion et de discussion concernant les conditions favorables à l’optimisation des moments d’attention et de concentration semblent apporter des changements dans les stratégies d’étude des participants et des participantes.
Bien que les rencontres contribuent au développement de stratégies d’adaptation essentielles à la réussite, ces rencontres ne sont pas une solution exhaustive pour tous les défis associés au TDAH.
Ces rencontres devraient s’intégrer dans une gamme variée d’offres de soutien (ex. : orthopédagogie, psychoéducation, conseiller à la réussite) et d’outils (ex. : planificateurs de tâches, logiciels de synthèse vocale), pour maintenir ces stratégies actives tout au long de la scolarité universitaire.
Les rencontres, en tant qu’approche de groupe, offrent aux personnes éprouvant des défis similaires l’occasion d’échanger, de mieux comprendre leur diagnostic et d’améliorer leurs méthodes d’étude et d’apprentissage.
Le groupe semble permettre l’identification mutuelle, la distinction des expériences individuelles et la validation des émotions vécues. L’aspect de soutien bienveillant au sein des Rencontres Focus est considéré par les personnes participantes comme un élément essentiel de cette expérience.
Une personne participante fait état de l’importance des échanges en groupe :
« Les discussions font que tu en apprends plus sur toi. Quand les autres racontent quelque chose et que tu as vécu la même chose, ça vient valider. Le fait que ça vient du groupe, ça appuie la théorie. »
Pour les intervenantes et intervenants qui œuvrent auprès de personnes étudiantes vivant avec un TDAH
American Academy of Child & Adolescent Psychiatry. (2019). College students with ADHD (No. 111).
Burnette, J. L., Babij, A. D., Oddo, L. E. et Knouse, L. E. (2020). Self-regulation mindsets: Relationship to coping executive functioning, and ADHD. Journal of Social and Clinical Psychology, 39(2), 101-116.
Henning, C., Summerfeldt, L. J. et Parker, J. D. A. (2022). ADHD and academic success in university students: The important role of impaired attention. Journal of Attention Disorders, 26(6), 893-901.
Association québécoise interuniversitaire des conseillers aux étudiants en situation de handicap. (2021-2022). Statistiques concernant les étudiants en situation de handicap dans les universités québécoises, 2021-2022.
Dalpé, J., Goupil, G. et Landry, F. (2022). Conséquences du trouble du déficit de l’attention (TDAH) chez les étudiants universitaires : recension de la littérature scientifique. Science et Comportement, 32(2), 71-88.
Dalpé, J., Landry, F. et Goupil, G. (2019). Étude exploratoire sur la validité sociale des Rencontres Focus pour les étudiants universitaires ayant un TDAH. Science et Comportement, 29(1), 19-28.
Landry, F. (2012). Programme de renforcement des stratégies d’étude pour les étudiants universitaires ayant un TDA/H [essai doctoral, Université du Québec à Montréal]. Archipel.
Paquette, R. (2022). Évaluation d’un programme de renforcement de stratégies d’étude pour les étudiants ayant un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité à l’université [essai doctoral, Université du Québec à Montréal]. Archipel.
Sedgwick, J. A. (2018). University students with attention deficit hyperactivity disorder (ADHD): A literature review. Irish Journal of Psychological Medicine, 35(3), 221-235.
Weinstein, C. E., Acee, T. W. et Jung, J.-H. (2010). Learning strategies. Dans B. McGaw, P. L. Peterson et E. Baker (dir.), International encyclopedia of education (3e éd., p. 323–329). Elsevier.
Weinstein, C. E. et Palmer, D. R. (2002). LASSI user’s manual: For those administering the Learning and Study Strategies Inventory (2e éd.). H & H Publishing.
Éditrice : Karine Vieux-Fort
Comité éditorial : Karine Vieux-Fort, Anouk Lavoie-Isebaert et Catherine Charron
Révision linguistique : Marie-Eve Cloutier
Cet article est rendu disponible selon les termes de la licence Creative Commons BY-NC-SA 4.0.
À propos des autrices
France Landry
Ph. D., Psy. D. et psychologue
Université du Québec à Montréal
France Landry (Ph. D. et Psy. D.) est détentrice d’un doctorat en recherche en psychologie fondamentale de l’Université d’Ottawa et d‘un doctorat professionnel de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle est psychologue en éducation et œuvre aux Services à la vie étudiante de l’UQAM depuis 17 ans. Elle est également chercheuse associée au Département de psychologie de l’Université de Montréal. Ses champs d’intérêt sont la santé psychologique des étudiants aux cycles supérieurs, l’anxiété de performance, les stratégies attentionnelles, le TDAH et la santé psychologique à la suite d’un bouleversement social.
Rachel Paquette
Psy. D. de l’Université du Québec à Montréal et psychologue de l’Université de Montréal
Université de Montréal
Rachel Paquette est psychologue clinicienne. Elle pratique la psychothérapie au Centre de santé et de consultation psychologique de l’Université de Montréal depuis 2018 auprès d’une population étudiante et en clinique privée depuis 2021 auprès d’une population générale adulte. Durant sa formation doctorale à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), elle s’est intéressée aux étudiantes et étudiants universitaires ayant un TDAH, notamment à travers son essai doctoral qui porte sur l’évaluation d’un programme de soutien leur étant destiné. Durant son parcours, elle a aussi accompagné des étudiantes et des étudiants et offert des ateliers de soutien à la réussite au sein des services à la vie étudiante de l’UQAM.
Georgette Goupil
Ph. D. et professeure émérite au Département de psychologie
Université du Québec à Montréal
Georgette Goupil a mené de nombreuses études auprès des élèves en difficulté d’apprentissage et des personnes en situation de handicap. Elle a aussi réalisé de nombreux documents audiovisuels sur cette question ainsi que sur l’apprentissage en maternelle. Auteure de plusieurs ouvrages dont Le plan d’intervention personnalisé en milieu scolaire, Observation en classe, Communications et relations entre l’école et la famille, Apprentissage et enseignement, elle a reçu, pour la cinquième édition du livre Élèves en difficulté d’adaptation et d’apprentissage, le prix de la ministre de l’Enseignement supérieur en 2022. Elle a également assumé plusieurs responsabilités académiques et assuré, comme responsable, le développement du DESS en intervention comportementale auprès des personnes présentant un trouble du spectre de l’autisme. Elle a dirigé de nombreux étudiants de maîtrise et de doctorat et publié de nombreux articles dans des revues scientifiques. Elle est actuellement professeure émérite au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal.
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