Résultats de recherche
Savoirs universitaires et difficultés d’apprentissage |
30 juin 2021
Résultats de recherche
30 juin 2021
Baillet, Khan et Rey se demandent si la spécificité même des savoirs enseignés à l’université peut expliquer les écueils rencontrés par les étudiant·es en première année universitaire. En cela, leur recherche sort du lot. En effet, l’hypothèse des auteur·trices tranche avec celle de nombreuses études qui cherchent la cause des difficultés d’apprentissage des étudiant·es dans leurs caractéristiques individuelles (Baillet, Khan et Rey, 2021, p. 7). Ainsi, l’équipe de recherche questionne plutôt les caractéristiques de la forme institutionnelle des savoirs universitaires.
La « forme institutionnelle » dans laquelle les savoirs sont produits et transmis constitue un trait propre à l’Université, selon les auteur·trices. Cette forme se décline en deux « caractères ». Premièrement, les professeur·es sont souvent aussi des chercheur·euses partageant une culture scientifique de « l’interrogation permanente » (ibid., p. 7). Deuxièmement, les cours magistraux constituent de loin le mode de transmission des savoirs le plus répandu au premier cycle universitaire, avec, bien sûr, les séminaires et les travaux pratiques ou dirigés.
« L’idée que nous voudrions mettre à l’épreuve est que les savoirs enseignés à l’université comportent en eux-mêmes des difficultés potentielles. On peut certes supposer que les choix pédagogiques des enseignant·es sont susceptibles d’atténuer ou d’exacerber ces difficultés. Mais ces variations apparaissent comme faibles par rapport à ce qu’impose la nature même de l’université : d’une part la référence à une pratique de l’interrogation qui disqualifie la perception immédiate et l’opinion, au profit d’une culture du doute qui bouscule le sens commun, d’autre part une présentation textuelle dont le risque est de réifier la démarche de problématisation. »
Baillet, Khan et Rey, 2021, p. 7
Afin d’appuyer son hypothèse, l’équipe de recherche se penche sur les savoirs enseignés dans quatre cours offerts en première année universitaire en sciences psychologiques et de l’éducation dans une université francophone belge. Le corpus de recherche est également composé d’entretiens semi-directifs avec les quatre enseignant·es-chercheur·euses titulaires desdits cours magistraux. De plus, afin de mesurer les difficultés d’appropriation des savoirs enseignés, les chercheur·euses ont aussi mené des entretiens semi-directifs avec vingt étudiant·es inscrit·es à ces cours (ibid., p. 7).
Bien que les quatre cours retenus pour la recherche aient leurs caractéristiques propres, ils présentent des points communs, selon les auteur·trices, soit la complexité épistémologique des savoirs enseignés de même que la multiplicité des supports utilisés pour transmettre la matière (ibid., p. 9).
Les savoirs universitaires se présentent, selon les chercheur·euses, sous forme de « textes multiples et composites ». En effet, le cours magistral s’appuie le plus souvent sur la notion de « texte ». Dans cet article, le texte est entendu comme un discours autosuffisant :
« Autrement dit, même s’il traite d’une réalité extérieure, un texte est autosuffisant : il doit idéalement contenir en lui-même tous les éléments (enjeux, définitions, etc.) qui permettront à son lecteur de saisir cette réalité extérieure sans devoir s’y confronter ou s’y fondre personnellement. »
Philippe (2010) cité dans Baillet, Khan et Rey (2021), p. 10
Ces textes universitaires obligeraient les étudiant·es « à se détacher de l’expérience familière de la désignation » (ibid., p. 10). Ils les mettraient en présence des notions de circularité (chaque concept est interrelié et dépend d’une autre définition) et de subjectivité. Ces caractéristiques textuelles représenteraient des défis pour les étudiant·es qui aspireraient à comprendre rapidement les concepts et qui seraient prompts à juger les savoirs enseignés à l’aune de leurs convictions personnelles, selon les auteur·trices.
Le fait que les savoirs sont problématisés, c’est-à-dire qu’ils font « référence à la fois au contexte à l’origine des savoirs, aux conditions dans lesquelles les recherches sont menées, aux contraintes (intellectuelles, matérielles) auxquelles les chercheur·euses sont confronté·es, à leurs questionnements, aux débats que les recherches ont fait émerger » (ibid., p. 12), peut constituer un défi de compréhension pour la population universitaire. Par ailleurs, tout l’appareillage référentiel « emblématique de l’écriture scientifique » constitue souvent une nouveauté pour les étudiant·es de première année universitaire et peut s’avérer être une source de confusion ou de complexité (ibid., p. 14).
Si la motivation, le parcours scolaire, les stratégies pédagogiques demeurent des facteurs influençant la réussite scolaire, cette recherche permet de cerner les savoirs universitaires enseignés en première année comme sources de difficultés d’apprentissage pour les étudiant·es. En effet, ces savoirs défieraient une conception ordinaire de la vérité scientifique partagée par plusieurs étudiant·es :
« […] mobile plutôt que statique, provisoire plutôt que définitive, offerte à la controverse plutôt qu’appuyée sur l’autorité, problématique plutôt que vraie, plus centrée sur la démarche que sur le résultat. Or, nos analyses montrent que cette conception du savoir peut être une source de malentendus épistémologiques pour de jeunes étudiants ».
Ibid., p. 15
Références : Baillet, D., Kahn, S. et Rey, B. (2021). Les savoirs enseignés à l’université : une piste pour saisir les difficultés d’apprentissage rencontrées par les étudiants de première année ? Revue française de pédagogie, 210, 5-18.
Philippe J. (2010). Fabriquer le savoir enseigné. Bruxelles : De Boeck.
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