Une équipe de l’Université de Sheffield (Angleterre) explore ce qui se cache derrière la réticence des étudiantes et des étudiants à lire. Ses constats donnent des pistes d’actions concrètes pour mieux soutenir les étudiantes et étudiants dans leurs lectures.

Alors que plusieurs études ont montré qu’il y a un écart entre les attentes du personnel enseignant en matière de lecture et les pratiques réelles des personnes étudiantes, l’article s’intéresse plus précisément à la réticence à lire de ces dernières.

L’équipe de recherche, s’appuyant sur les travaux de la sociologue Wendy Bottero, explique que la réticence à réaliser une action n’est pas inhérente à la tâche elle-même, mais qu’elle dépend de la perception d’une personne au sujet de la tâche ou de son contexte de réalisation.

Pour l’équipe de recherche, comprendre la perception étudiante de la lecture dans un cadre académique et le contexte qui l’entoure pourrait donc favoriser la motivation et l’engagement à lire.

Les constats présentés dans l’étude se basent sur les témoignages de 30 étudiantes et étudiants en deuxième année d’études de sciences sociales. Dix groupes de discussion ont permis d’explorer leurs expériences de lecture en contexte scolaire.

Quels obstacles à la lecture en enseignement supérieur ?

Bien que quelques participants et participantes évoquent un certain plaisir à la lecture, la majorité relève des défis liés au vocabulaire employé dans les textes, au nombre de textes à lire et au manque d’explications données par la personne enseignante au sujet des lectures.

Le vocabulaire employé 

Les étudiantes et les étudiants ont mentionné le niveau de langage comme obstacle majeur à la lecture en contexte académique. Le vocabulaire parfois hermétique rend la compréhension des textes difficile, ce qui mine la confiance des étudiants et étudiantes et nuit à leur motivation à lire.

Les efforts requis pour comprendre la signification de certains mots sont source de frustration, d’ennui et de découragement, particulièrement pour les étudiants et les étudiantes dont l’anglais n’est pas la langue maternelle. Ces personnes allouent un temps important pour traduire et décortiquer les textes. 

Le nombre de textes à lire

Pour les participantes et participants, l’accumulation de lectures au fil des semaines et des cours fait en sorte qu’il est difficile de ne pas prendre de retard.

Il devient alors prioritaire de « se débarrasser » des lectures à faire, et l’intérêt porté au contenu est réduit. Des stratégies de lecture superficielle sont adoptées (survol de textes, ciblage sommaire d’informations importantes en vue d’une évaluation), ce qui nuit à la compréhension des textes.

Pour l’équipe de recherche, il y a lieu de s’interroger sur les objectifs pédagogiques associés aux lectures puisque le fort volume et le rythme soutenu semblent nuire à la compréhension et à la capacité à faire des liens entre les textes.

L’absence de consignes claires

Plusieurs participants et participantes ont expliqué que, lorsqu’il n’y a pas d’objectifs précis liés à la lecture, leur attrait pour la tâche s’amoindrit.

Ils et elles veulent savoir pourquoi des lectures leur sont demandées, comment les aborder et ce qu’il faut en retenir. Les étudiantes et les étudiants s’attendent aussi à ce que les liens entre le contenu des cours et les lectures soient explicites et que ces dernières soient discutées en classe. Sans ces conditions, les lectures risquent d’être considérées comme non pertinentes.

Soutenir les étudiantes et les étudiants dans leurs lectures

À partir des propos échangés durant les groupes de discussion, l’équipe de recherche énonce 5 recommandations à l’intention du personnel enseignant :

  • Revenir à l’essentiel. Offrir en premier lieu des bases communes pour aider à la compréhension des textes (ex. prévoir du temps en classe pour expliquer certains concepts clés ou encore donner accès à un glossaire). Cela serait particulièrement aidant pour les personnes débutant leur parcours en enseignement supérieur.
  • Avoir des attentes réalistes concernant le volume de lectures. Les personnes enseignantes devraient proposer un nombre raisonnable de lectures à leurs étudiantes et étudiants en tenant compte des lectures à réaliser dans les autres cours et des difficultés que peuvent rencontrer certaines personnes, comme la lecture dans une langue seconde ou des troubles d’apprentissage.
  • Clarifier pourquoi les textes doivent être lus et comment ils seront mobilisés dans les prochains cours. Ces explications peuvent être indiquées directement dans les listes de lectures ou du temps peut être alloué en classe pour ce faire.
  • Choisir des textes que les étudiantes et les étudiants peuvent facilement retrouver et varier les supports permettant de se familiariser avec les contenus du cours (ex. podcast, vidéos).
  • Soutenir et guider les personnes étudiantes dans leur apprentissage de la lecture académique. Cela implique de fournir des outils et des stratégies pour aider à comprendre les textes, par exemple en donnant des instructions sur des éléments auxquels porter attention dans un texte, en posant des questions sur des aspects essentiels du texte, ou encore en demandant de résumer les lectures.

Référence

Mason, W. et Warmington, M. (2024). Academic reading as a grudging act: how do Higher Education students experience academic reading and what can educators do about it? Higher Education, 88(3), 839‑856. https://doi.org/10.1007/s10734-023-01145-2