Une équipe de recherche de l’Université de Sherbrooke s’est intéressée aux retombées des activités d’apprentissage par le service dans la communauté (ASC) pour les étudiantes et étudiants du programme de médecine.

Leurs résultats montrent que ces expériences contribuent significativement au sentiment de compétences des futurs médecins dans leurs interventions auprès d’une patientèle en situation de vulnérabilité.

Les ASC ont été implantées en 2018 à l’Université de Sherbrooke, et sont obligatoires en 1ere et 2e année du programme de médecine. Ils reposent sur un partenariat avec des organismes communautaires œuvrant dans différents domaines (ex. sécurité alimentaire, promotion de la santé, logement, itinérance, etc.).

L’ASC comporte trois volets :

  • 8 séances réflexives préparatoires
  • 2 rencontres « avec une famille de la communauté »
  • 30 heures de travail au sein d’un organisme communautaire

Une approche sociale de la santé

Cette recherche qualitative a été menée par une équipe multidisciplinaire, qui comprenait une sociologue, un anthropologue, une médecin de famille, une ergothérapeute et une médecin spécialiste en santé publique.

Le but de leur étude était d’explorer :

  1. les perceptions des étudiants et étudiantes quant à leur sentiment de compétence pour intervenir dans des contextes de vulnérabilité ;
  2. les perceptions des organismes communautaires quant à leur rôle dans l’apprentissage des futurs médecins.

Des entrevues individuelles ont été réalisées avec 21 personnes étudiantes avant l’ASC, et avec 7 personnes après l’ASC. Deux entrevues de groupe ont aussi été réalisées après l’ASC avec 15 personnes responsables ou intervenantes dans les groupes communautaires où se sont déroulés les stages.

Une expérience enrichissante à tous les niveaux

Les entrevues avec les personnes étudiantes ont permis à l’équipe de recherche de relever plusieurs retombées positives de l’ASC :  

  • Une vision plus nuancée de la vulnérabilité. Le stage en milieu communautaire a permis aux personnes participantes de raffiner leur compréhension des multiples dimensions de la vulnérabilité sociale. Elles ont notamment pris conscience du caractère réducteur de certaines catégories communément utilisées (ex. toxicomane, itinérant, etc.), et de l’importance de l’environnement social, affectif, culturel et socioéconomique dans la construction des situations de vulnérabilité.
  • Des attitudes pour mieux intervenir. Les étudiantes et étudiants ayant participé avaient déjà une certaine compréhension des savoir-être requis pour intervenir auprès de personnes en situation de vulnérabilité, comme l’écoute, la patience et l’empathie. Leur stage leur a permis de prendre conscience d’autres attitudes aussi  essentielles, comme l’humilité, la créativité, le détachement, l’implication des patients et des patientes, et l’attention portée au langage utilisé.
  • Le rôle crucial des organismes. Le stage a été l’occasion pour les futurs médecins de comprendre que, bien au-delà des services rendus à la population, les organismes constituent des « espaces sociaux indispensables ». Les personnes participantes ont élargi leur vision de la notion de « soin », et développé une plus grande considération pour ce que les organismes communautaires apportent à la continuité des soins. Plusieurs personnes ont été sensibilisées à l’importance de mieux reconnaître l’apport de ces groupes dans la communauté.

Les organismes ont quant à eux apprécié recevoir des stagiaires dans le cadre de l’ASC. Bien que très conscientes de « l’écart de pouvoir » entre l’institution universitaire et le milieu communautaire, les personnes participantes ont vu cette expérience comme une forme de reconnaissance de leur rôle et l’amorce de collaboration prometteuse.

Réflexivité et responsabilité sociale

Malgré ses limites (notamment en termes de représentativité), cette étude confirme l’intérêt d’inclure dans les programmes de médecine des activités d’apprentissage dans la communauté. L’immersion constitue pour les étudiantes et étudiants une expérience d’apprentissage marquante sur le plan affectif, qui « touche leur sensibilité » et leur permet « parfois de déconstruire certains préjugés ». L’ASC permet aux futurs médecins de se sentir plus compétents et compétentes vis-à-vis la diversité et la complexité des situations de précarité. Elle leur permet également d’approfondir leur compréhension des déterminants sociaux de la santé, et de développer leur réflexion autour de leur responsabilité sociale en tant que médecins.

« L’accroissement des inégalités sociales est dorénavant une réalité à laquelle ils feront indéniablement face dans leur future pratique. »

Selon l’équipe de recherche, une étude longitudinale permettrait de comprendre comment ces apprentissages se consolident et se reflètent dans la pratique médicale.

Référence 

Gottin, T., Foley, V., Petit, G., Valois, C. et Loignon, C. (2024). Les retombées d’une activité de formation des étudiants au sein d’organismes communautaires. Canadian Medical Education Journal. https://doi.org/10.36834/cmej.76842