Les stratégies d’apprentissage jouent un rôle important dans la réussite en enseignement supérieur. Mais comment l’intelligence émotionnelle influence-t-elle l’utilisation des stratégies d’apprentissage chez les étudiantes et les étudiants ?

Une étude réalisée par un chercheur et une chercheuse de l’Université Paris-Sarclay s’est intéressée à cette question.

Qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle ?

Dans le cadre de cette recherche, l’intelligence émotionnelle « est définie au sens large comme un ensemble d’habiletés et de dispositions en lien avec la perception, la compréhension et la gestion des émotions des autres et de soi-même ». Elle se décline en deux dimensions : la « capacité » (IE-Capacité), qui se mesure par la performance à des tests psychométriques, et la « disposition intrinsèque » (IE-Trait), qui se mesure par des « questionnaires auto-rapportés similaires aux tests de personnalité ». Cette étude s’intéresse à l’influence de l’IE-Trait sur l’adoption de stratégies d’apprentissage chez les étudiantes et étudiants.

Adopter les meilleures stratégies d’apprentissage : un facteur de réussite reconnu

Une étude précédente avait déjà permis à cette équipe de recherche de faire un lien entre l’intelligence émotionnelle et l’appropriation de stratégies d’apprentissage nécessaires à l’université. Cette seconde étude vise à approfondir ce lien, en utilisant un questionnaire plus élaboré et en visant une population plus large, soit les « primo-entrants » de tous les programmes d’un Institut Universitaire de Technologie (programmes universitaires de premier cycle).

Cinq catégories de stratégies d’apprentissage sont considérées dans cette étude :

  • Les stratégies cognitives (le traitement et l’utilisation de l’information)
  • Les stratégies métacognitives (l’auto-évaluation et la régulation des stratégies cognitives)
  • La gestion des ressources 
  • La gestion du temps
  • La gestion des émotions

L’échantillon était composé de 174 personnes inscrites en première année du bac, et le questionnaire comportait des questions permettant de mesurer l’IE-Trait et d’identifier les stratégies d’apprentissage déployées. L’expressivité, la sensibilité, le contrôle de soi, et l’adaptabilité étaient les quatre volets de l’intelligence émotionnelle évalués dans cette recherche.

Les liens entre l’intelligence émotionnelle et les stratégies d’apprentissage

L’équipe de recherche a procédé à un partitionnement des données de manière à dégager trois groupes d’étudiantes et d’étudiants en fonction de leurs traits d’intelligence émotionnelle :

Groupe 1 : les personnes qui se situaient en dessous de la moyenne pour le contrôle de soi, l’expressivité et l’adaptabilité

Groupe 2 : les personnes qui se situaient en dessous de la moyenne pour le contrôle de soi et la sensibilité, mais au-dessus pour l’expressivité

Groupe 3 : les personnes qui se situaient au-dessus de la moyenne pour tous les traits d’intelligence émotionnelle

L’équipe de recherche a par la suite examiné quelles stratégies d’apprentissages étaient utilisées par ces groupes. Leurs résultats tendent à confirmer l’hypothèse que l’intelligence émotionnelle a un impact indirect sur la réussite, parce qu’elle influence l’utilisation des stratégies d’apprentissages :

  • Les étudiantes et étudiants du groupe 3, qui présentent de forts traits d’intelligence émotionnelle, déclarent utiliser davantage les stratégies d’apprentissages associées à la réussite universitaire.
  • Les étudiantes et étudiants dont les traits d’intelligence émotionnelle sont plus faibles ont de leur côté plus de difficulté à déployer des stratégies d’apprentissage appropriées. Par exemple, ces personnes disent plus souvent éprouver des difficultés à maintenir leur attention (stratégies cognitives) ou à savoir exactement ce qu’elles ont à faire (gestion du temps).
  • Les personnes qui ont un faible contrôle de soi ont plus tendance à procrastiner, ce qui est un facteur défavorable à la réussite.

Un levier pour faciliter la transition vers les études supérieures

L’intelligence émotionnelle n’est pas un trait de personnalité immuable, mais une variable sur laquelle il est possible d’intervenir. L’auteur et l’autrice de cette étude plaident pour intégrer la variable de l’intelligence émotionnelle dans les interventions visant les étudiantes et des étudiants en transition vers les études supérieures :

« [I]l peut exister un véritable intérêt à intégrer dans les dispositifs d’accompagnement des primo-entrants des activités visant à renforcer l’intelligence émotionnelle, afin de faciliter la transition lycée-université. » (p.13)

Référence 

Bournaud, I. et Pamphile, P. (2023). Intelligence émotionnelle et stratégies d’apprentissage des primo-entrants à l’Université. Formation et profession : revue scientifique internationale en éducation, 31(3), 1‑17. https://doi.org/10.18162/fp.2023.844