Le corps enseignant doit souvent composer avec des étudiantes et étudiants insatisfaits de leurs notes. Comment répondre à ce défi, au-delà des mécanismes institutionnels de plainte ou d’assurance-qualité ?

Selon les résultats d’une recherche-action menée en Grande-Bretagne, le dialogue entre personnes étudiantes et enseignantes autour des pratiques d’évaluation serait susceptible d’améliorer l’apprentissage et les résultats académiques, en plus de favoriser la littératie en évaluation chez les personnes étudiantes.

Contre une vision antagoniste et unidirectionnelle de l’évaluation

Les auteurs et l’autrice de l’article font état d’une certaine « dissonance » entre, d’une part, l’importance reconnue des rétroactions dans le processus d’évaluation des apprentissages et, d’autre part, le sentiment que ce processus est problématique et ne répond pas aux attentes. Ce sentiment est partagé à la fois par le corps enseignant et par les personnes étudiantes.

Dans une approche socioconstructiviste de l’éducation, les personnes étudiantes sont considérées comme parties prenantes de l’évaluation. Selon l’équipe de recherche, cette réciprocité doit se concrétiser tout au long du processus.

Leur recherche avait pour objectif de vérifier si une approche dialogique de l’évaluation pouvait favoriser l’engagement des personnes étudiantes, améliorer leur expérience d’apprentissage, et finalement jouer un rôle positif dans la dimension socioaffective du processus d’évaluation.

Une recherche-action

L’équipe de recherche a choisi comme terrain d’expérimentation un cours de 3e année d’un programme universitaire en études commerciales. À la fois impliqués dans la recherche et dans l’enseignement de ce cours, les auteurs et l’autrice de l’article ont intégré à leur démarche un « processus réflexif » continu pour atténuer les biais potentiels dans l’interprétation des résultats.

 La recherche s’est déroulée en deux phases :

  1. Trente entrevues individuelles semi-dirigées avec des étudiantes et étudiants, une semaine avant la remise d’un travail. Ce premier dialogue portait sur les « descripteurs de notes » (énoncés descriptifs associant un intervalle de notes à l’atteinte de certains critères d’évaluation) contenus dans la grille d’évaluation remise au début de la session.
  2. Quatre entrevues de groupe (avec un total de 24 personnes étudiantes), une semaine après la remise du travail. Le dialogue portait alors sur l’évolution de leur perception des descripteurs de notes.

Discuter des grilles d’évaluation

L’équipe de recherche a constaté que les descripteurs étaient souvent perçus par les personnes étudiantes comme des guides peu utiles, flous, rédigés à l’intention des personnes correctrices afin de justifier la note qu’elles donnent. Certains étudiants et étudiantes ont tendance à attribuer leur mauvaise note au manque de clarté des descripteurs. Selon l’équipe de recherche, cet écueil peut être évité en discutant ouvertement de la grille d’analyse avant la remise du travail.

Du côté des personnes enseignantes, échanger sur l’interprétation des critères et reconnaître la subjectivité inhérente au processus d’évaluation demande de l’humilité, mais cette démarche a permis d’accroître le sentiment de confiance et d’agentivité des personnes étudiantes.

Mieux comprendre les rétroactions

En positionnant la personne étudiante comme un simple « réceptacle passif », l’évaluation traditionnelle amène souvent les étudiantes et les étudiants à ne pas tenir compte des rétroactions reçues. L’équipe de recherche a aussi constaté que lorsque les rétroactions ne font que reprendre la terminologie des descripteurs, l’incompréhension initiale et le désengagement des personnes étudiantes sont amplifiés.

À l’inverse, l’approche collaborative permet de développer une compréhension commune de la terminologie utilisée, et favorise une meilleure appropriation des rétroactions par les personnes étudiantes dans leur processus d’apprentissage. De plus, selon les auteurs et l’autrice de l’article, cette démarche les familiarise avec les « règles académiques implicites et le processus évaluatif », et les aide à développer leurs compétences en auto-évaluation.

« À travers le dialogue, les étudiantes et les étudiants acquièrent une compréhension plus approfondie des objectifs de la rétroaction et les intègrent dans leurs pratiques d’apprentissage, tandis que réciproquement, les enseignants et enseignantes comprennent mieux les besoins, les préférences et les défis de leurs étudiantes et étudiants, permettant des rétroactions plus ciblées et adaptées. » (traduction libre)

En bref : pourquoi passer du monologue au dialogue en évaluation?

L’analyse des échanges entre personnes enseignantes et étudiantes a permis de constater les bénéfices d’un dialogue ouvert autour des grilles d’évaluation. Plusieurs étudiantes et étudiants ayant participé à l’étude ont témoigné de leur perception des impacts positifs de cette démarche sur leurs résultats académiques. De façon générale, cette expérience a permis de :

  • démystifier les terminologies utilisées dans l’évaluation
  • augmenter la confiance et le sentiment d’agentivité des personnes étudiantes
  • favoriser une meilleure compréhension des rétroactions et une expérience d’apprentissage plus positive.

Référence

Akponah, P., Hassen, H. et Higgins, M. (2024). An Exploration of Dialogue to Promote Assessment Feedback Literacy. Teaching & Learning Inquiry: The ISSOTL Journal, 12. https://doi.org/10.20343/teachlearninqu.12.21