Résultats de recherche
Quels sont les liens entre les émotions et l’apprentissage ?
29 avril 2022
Résultats de recherche
29 avril 2022
Les résultats de cette recherche de Line Fisher (Université de Namur), Marc Romainville (Université de Namur) et Pierre Philippot (Université catholique de Louvain), publiés dans la revue L’Orientation scolaire et professionnelle (no 49, 2020), montrent des liens significatifs entre les émotions (par exemple, le plaisir, le stress, la culpabilité), les stratégies de régulation des étudiant·es (comme le blâme de soi, la rumination, la distraction, le blâme d’autrui) et le sentiment d’auto-efficacité (soit la croyance qu’a un individu en sa capacité de réaliser une tâche).
Menée auprès de 235 étudiant·es (75 % de femmes; 25 % d’hommes) de première année fréquentant quatre facultés (économie, droit, philosophie et lettres, informatique) d’une université belge francophone, la recherche vise à analyser les situations émotionnelles vécues lors de la préparation aux examens d’un cours-phare de leur programme d’études.
Les résultats montrent qu’une majorité d’étudiant·es vivent du stress et un manque de confiance lors de cette première période de préparation à des examens universitaires (§43). Le contexte a donc un impact sur le vécu émotionnel des étudiant·es (situation nouvelle, doutes sur ses compétences, etc.).
Plus les participant·es vivent du stress et un manque de confiance en soi, moins elles et ils se sentent en mesure de réguler leurs émotions de manière générale et dans la situation d’apprentissage ciblée (§44). En d’autres termes, un fort sentiment d’auto-efficacité est associé à moins d’émotions négatives, tandis qu’un faible sentiment d’auto-efficacité est lié à davantage de rumination.
La rumination, en tant que stratégie de régulation émotionnelle, est liée à davantage de culpabilité, de frustration et de découragement : plus l’étudiant·e rumine une difficulté, plus des émotions désagréables sont ressenties (§44).
L’équipe de recherche observe ce « cercle vicieux liant certaines variables » (§46) dans lequel la rumination est centrale. En effet, cette stratégie de régulation est à la fois liée aux émotions désagréables et au sentiment d’auto-efficacité. De manière plus précise, la stratégie de rumination et le sentiment d’auto-efficacité s’alimentent mutuellement et sont le « moteur d’émotions académiques désagréables » (§46).
La stratégie rapportée le plus fréquemment par les étudiant·es n’est pas la rumination, mais le blâme de soi. Plusieurs participantes et participants ont tendance à se tenir responsable des difficultés rencontrées dans leur préparation aux examens (§46). Cette stratégie est d’ailleurs liée à davantage de culpabilité, frustration et découragement (ibid.).
Selon l’équipe de recherche, le blâme de soi pourrait avoir une fonction, soit « aider » l’étudiant·e à retrouver une perception de contrôle sur la situation en identifiant les actions qu’il ou elle aurait dû mettre en place (une meilleure organisation du temps et des méthode de travail, par exemple) (§47). Le fait d’attribuer ses difficultés à une cause « interne et contrôlable » pourrait aider les étudiant·es à identifier des leviers concrets, sous leur contrôle, pour auto-réguler leurs apprentissages (ibid.).
L’analyse des résultats suggère donc que la période de préparation aux examens est vécue « de manière plus désagréable qu’agréable par les étudiant·es » (§50). Toutefois, des émotions agréables peuvent être vécues durant cette période et seraient positivement liées aux stratégies de planification (du temps, des méthodes de travail, etc.) et de réévaluation positive (ibid.).
Autrement dit, plus l’étudiant·e est en mesure de planifier comment mieux faire la prochaine fois et de réfléchir aux manières de transformer des difficultés en apprentissages, plus elle ou il ressentira d’émotions agréables face à son cours (§51).
En plus de contribuer à mieux comprendre le processus complexe de régulation émotionnelle dans l’apprentissage, cette recherche permet d’identifier certaines pistes pour les personnes qui travaillent à soutenir la réussite étudiante.
D’abord, le fait que les liens entre rumination et sentiment d’auto-efficacité soient un « moteur d’émotions académiques désagréables » (§46) permet à l’équipe de recherche de souligner l’importance de tenir compte des dimensions émotionnelles de l’apprentissage, de manière à soutenir une régulation des émotions adaptée à chaque étudiant·e et à sa situation d’apprentissage (ibid.).
De plus, les ruminations étant souvent liées à des pensées de blâme de soi, il serait utile de développer des interventions qui ciblent ces ruminations, pour autant que l’étudiant·e les juge nuisibles (§47).
Enfin, les résultats portant sur les émotions positives vécues par les étudiant·es amènent des pistes intéressantes sur le plan pédagogique. Une intervention pourrait consister à aider l’étudiant·e à réévaluer les difficultés rencontrées non en termes de fautes, mais en tant que leviers d’adaptation pour des situations futures. Selon l’équipe de recherche « [i]nciter les étudiant·es à les concevoir de cette manière pourrait donc les aider à ressentir davantage d’émotions agréables lorsqu’[elles] et ils apprennent ».
L’équipe de recherche identifie davantage de pistes de réflexion et d’intervention pour les personnes accompagnatrices au sein des dispositifs de promotion de la réussite étudiante dans un article qui sera accessible en mars 2024.
Référence
Fischer, L., Romainville, M. et Philippot, P. (2020). Vivre des émotions en situation d’étude, tenter de les réguler et s’en croire capable : exploration de la régulation émotionnelle des étudiant·e·s universitaires primo-arrivant·e·s en situation de préparation d’examens, L’Orientation scolaire et professionnelle, 49(1).
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