Une équipe de l’Université du Québec à Rimouski et de l’Université de Sherbrooke propose une typologie des rapports que les étudiants et étudiantes entretiennent à l’égard des parcours académique et professionnel de leurs parents.

À partir de l’analyse thématique de 148 entretiens menés avec des étudiantes et étudiants de trois cégeps en centre urbain, en banlieue et en région, les auteurs distinguent trois catégories de rapports au parcours des parents.

L’analyse s’inscrit dans la lignée de travaux en sociologie de l’éducation qui « abordent généralement l’influence de la famille de manière « généalogique », c’est-à-dire à partir des encouragements, des conseils, de la culture scolaire ou des ressources matérielles ou financières transmis par les parents à leurs enfants. » (p.7) La présente étude s’intéresse à la manière dont ces influences sont reçues par les enfants.

Les données analysées sont issues de l’enquête longitudinale « Famille, réseaux et persévérance au collégial » qui a permis de suivre deux cohortes de personnes inscrites pour la première fois au cégep en 2004 et en 2007. L’enquête a permis de documenter différents événements de vie et l’expérience étudiante de ces jeunes.

Les résultats permettent d’identifier trois catégories (non mutuellement exclusives) de rapports au parcours parental :

  • Les rapports en continuité (chez un peu moins du tiers des personnes répondantes)
  • Les rapports en rupture (les plus fréquents, chez près de 60 % des participantes et participants)
  • Les rapports relativistes (chez le quart des répondantes et répondants)

Des rapports en continuité avec l’héritage familial

Certains étudiants et étudiantes sont inspirés par le parcours de leurs parents. Source d’inspiration, ce parcours peut même constituer « un idéal à atteindre » (p.10).

Plus précisément, l’analyse thématique dévoile deux types de rapport de continuité :

  • Un rapport admiratif : les enfants sont admiratifs des succès scolaires et professionnels et des efforts consentis par leurs parents.
  • Un rapport d’identification : les enfants relèvent des similitudes entre leur parcours et celui de leurs parents (ex. choix de carrière similaire, traits de caractère, choix de vie).

Des rapports en rupture avec l’héritage familial

D’autres personnes sont plus critiques du parcours parental. Elles entretiennent :

  • Un rapport vigilant : constatant un écart entre la situation actuelle de leurs parents et ce à quoi ils aspiraient, certains jeunes disent ne pas vouloir répéter ce qu’ils considèrent comme des erreurs de leurs parents. Dans certains cas, ce sont les parents eux-mêmes qui mettent leurs enfants en garde vis-à-vis leurs erreurs.
  • Un rapport de distinction : tout en respectant le parcours parental, certains étudiants et étudiantes ont le souhait de se distinguer par leur choix de domaine d’études ou par leurs aspirations concernant leur mode de vie.

Des rapports qui relativisent l’héritage familial

Dans certains cas, les étudiantes et étudiants reconnaissent les difficultés qui ont marqué le parcours scolaire de leurs parents. Cela leur permet de relativiser ce parcours en entretenant :

  • Un rapport rationnel : les étudiantes et étudiants nomment les situations qui ont chamboulé le parcours d’études de leurs parents (ex. parentalité, difficultés financières, contexte familial difficile).
  • Un rapport contextuel : certaines personnes évoquent la valeur du diplôme, moindre à l’époque de leurs parents, pour expliquer les différences entre leurs parcours et celui de leurs parents non diplômés.
  • Un rapport distancié : certains jeunes identifient des différences entre leurs parcours et celui de leurs parents, mais ne cherchent pas particulièrement à expliquer ces différences.

Des rapports qui cohabitent

L’analyse montre que différents regards peuvent coexister chez une même personne, reflétant des rapports différents selon les parcours des deux parents, ou des distinctions entre différents aspects du parcours d’un même parent.

L’analyse montre aussi des liens entre le rapport aux trajectoires des parents et leur niveau de diplomation :

  • Les rapports de continuité sont plus fréquents chez les étudiantes et étudiants dont les parents ont un niveau collégial et universitaire.
  • Les rapports de rupture sont plus fréquents chez les personnes dont aucun des parents n’a poursuivi d’études postsecondaires.

Des jeunes conscients de leur « capital »

Les résultats montrent notamment que « peu importe le type de rapport, les jeunes peuvent difficilement faire abstraction de leur capital de départ. » (p.15) Au fait du parcours de leurs parents, les étudiantes et étudiants se placent en continuité ou en discontinuité avec ce parcours.

Ainsi, l’article rappelle que malgré les mesures favorisant l’accessibilité aux études supérieures pour les jeunes issus de tous les milieux, la famille exerce une influence sur les aspirations scolaires et professionnelles :

« Ces résultats rappellent l’importance de considérer dans le cadre de l’intervention professionnelle en orientation l’influence du contexte familial et de l’expérience des parents. Même à un âge marqué par la quête d’autonomie (Van de Velde, 2015), ces facteurs peuvent limiter les options et la liberté de choix réelle (Picard et coll., 2015), surtout chez les jeunes provenant de milieux moins favorisés (Supeno et Bourdon, 2015). » (p.16)

Référence

Deschenaux, F., Boudreau, A. et Bourdon, S. (2024). Les rapports qu’entretiennent les cégépien⋅ne⋅s avec le parcours scolaire et professionnel de leurs parents : entre relativisme, continuité et rupture. Revue des sciences de l’éducation, 50(1). https://doi.org/10.7202/1115502ar