Le handicap est reconnu comme motif illégal de discrimination par la Charte canadienne des droits et libertés et les instances provinciales de protection des droits de la personne (comme la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse au Québec). Pourtant, les obstacles systémiques demeurent en éducation, limitant l’accès et les opportunités académiques pour les personnes en situation de handicap.

Ce sujet a intéressé une équipe de recherche, qui a examiné les parcours scolaires de jeunes Torontois et Torontoises. Leurs résultats sont présentés dans un article du dernier numéro de la Revue canadienne de l’enseignement supérieur.

Des parcours semés d’obstacles

Les statistiques sont claires : le taux d’accès aux études supérieures est considérablement plus faible pour les étudiants et étudiantes en situation de handicap (ESH). Leur taux de diplomation est également plus faible, mais les études laissent voir que c’est essentiellement leur parcours scolaire antérieur qui explique cette disparité. Les études tendent à montrer que les difficultés vécues par les ESH dans leur parcours scolaire ont un effet cumulatif ; elles pointent aussi sur l’impact de l’orientation précoce des ESH vers des filières non-académiques.

Jusqu’à récemment, les élèves ontariens étaient, dès leur 9e année, orientés dans les filières « académiques » ou « appliquées ». Plusieurs voix ont dénoncé les effets discriminatoires de cette politique, qui limite l’accès aux études supérieures pour les élèves inscrits dans les filières appliquées, notamment une majorité de personnes noires, issues de milieux défavorisés ou en situation de handicap (Balintec, 2023)

Une étude statistique longitudinale

L’objectif de cette étude statistique était de comparer, à l’aide de données longitudinales, les trajectoires de personnes en situation ou non de handicap, afin de déterminer si ces deux populations accèdent de façon égalitaire à l’enseignement supérieur, et si les études supérieures leur permettent d’accéder à des niveaux de revenu similaires.

Afin de suivre le parcours de plus de 43 000 jeunes ayant commencé leur secondaire en 2004, 2005 et 2006, l’équipe de recherche a croisé trois sources de données :

  • des données sur leur situation en 9e année (en provenance du district scolaire de Toronto) ;
  • des données sur leur parcours postsecondaire (en provenance du système d’information sur les étudiantes et étudiants au postsecondaire) ;
  • des données sur leurs revenus d’emploi en 2017 ( en provenance de Statistique Canada).

Dans le cadre de cette étude, la principale variable indépendante était le statut de personne en situation de handicap, tel que déterminé par certains critères administratifs.

Des inégalités à plusieurs niveaux

Accéder à l’enseignement supérieur 

Outre certaines caractéristiques sociodémographiques, l’équipe de recherche souligne la force de trois facteurs prédictifs de l’accès à l’enseignement supérieur :

  • la catégorisation précoce constitue un mécanisme central dans l’accès à l’enseignement supérieur. En effet, les ESH qui sont dirigés dans une filière « académique » sont, en proportion, presque aussi nombreux que leurs pairs à accéder à l’enseignement supérieur.
  • le fait d’avoir été suspendu de l’école au cours de son cursus secondaire est négativement corrélé avec le fait d’accéder à l’enseignement supérieur.
  • le fait de vivre dans un quartier défavorisé creuse l’écart entre les ESH et leurs pairs.

Compléter un programme 

Parmi les élèves qui accèdent à l’enseignement supérieur, les écarts entre les ESH et leurs pairs se confirment au niveau collégial, et se creusent jusqu’à l’université. Dans la population étudiée, 44% des jeunes sans handicap ont gradué de l’université, contre 15% des ESH.

Améliorer ses revenus 

L’équipe de recherche a appliqué trois modèles prédictifs du revenu, en lien avec le statut d’ESH. Premièrement, leurs résultats montrent que, quel que soit leur parcours scolaire, les ESH ont des revenus inférieurs à leurs pairs sans handicap. L’écart le plus important concerne les personnes diplômées universitaires : celles qui sont en situation de handicap gagnent en moyenne 9000$ de moins. Deuxièmement, les inégalités de revenu sont considérablement moins marquées si l’on contrôle certaines caractéristiques scolaires, telles que les interruptions de scolarité et les résultats, mais demeurent élevées particulièrement pour les personnes plus scolarisées.

Un système aux effets incapacitants

Situant leur recherche dans le champ des études sur la construction sociale du handicap, les auteurs et autrices de l’article rappellent les barrières, identifiées dans la littérature, responsables des inégalités constatées dans leur étude :

  • la composition homogène des groupes dès le primaire ;
  • l’orientation des élèves en fonction de leurs capacités au secondaire ;
  • des conceptions biaisées des capacités et de l’évaluation ;
  • des discriminations croisées en raison des appartenances intersectionnelles ;
  • des contraintes, notamment matérielles et financières, à leur persévérance aux études supérieures ;
  • un diplôme qui ne permet pas d’atteindre la parité des revenus.

Cette étude « remet en question l’idée commune selon laquelle l’éducation postsecondaire est un grand facteur d’égalisation pour les ESH. Au contraire, elle met en lumière les iniquités persistantes auxquelles sont confrontés les ESH pour accéder à l’enseignement supérieur et bénéficier des fruits de leurs études. » (traduction libre, p.48)

Références 

Balintec, V. (2023, 13 novembre). More schools are having a hard time de-streaming Grade 9 students, survey suggests. CBC News. https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/ontario-de-streaming-survey-2023-1.7027067

Parekh, G., Brown, R. S., Walters, D., Collis, R. et Jacob, N. (2025). Embedded Barriers and Impending Costs: The Relationship between Disability, Public Schooling, Post-Secondary Education, and Future Income Earnings. Canadian Journal of Higher Education, 55(1), 36‑54. https://doi.org/10.47678/cjhe.v1i1.189987