Deux chercheuses de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) ont analysé le parcours universitaire d’étudiant·es ayant reçu un diagnostic de trouble d’anxiété généralisée (TAG).

Dans cette recherche qualitative, Émilie St-Pierre, doctorante en éducation et Ève Pouliot, professeure-chercheuse (UQAC), se penchent sur l’interaction entre l’état de santé des étudiant·es ayant un diagnostic de TAG, leurs habitudes de consommation, leur rendement académique et la qualité des relations avec leur famille et leurs ami·es. Les résultats de l’étude, publiés dans un récent numéro de la Revue hybride de l’éducation, montrent que ces facteurs influencent le déroulement des études universitaires.

Les chercheuses ont interrogé 10 étudiant·es (8 femmes et 2 hommes) ayant reçu un diagnostic de TAG, dont l’âge moyen était de 25 ans et qui étudiaient principalement en sciences humaines et sociales (n=7). La plupart des répondant·es étaient au baccalauréat (8).

Principaux résultats

Facteurs associés aux caractéristiques personnelles

La totalité des répondant·es ont rencontré des problèmes de santé psychologique pendant leur parcours universitaire, notamment des symptômes anxieux, dépressifs, ou les deux à la fois. Trois participantes ont d’ailleurs reçu leur diagnostic de TAG au moment de leur transition vers l’université. Certain·es ont rapporté avoir vécu des difficultés de sommeil, de repli sur soi, de la tristesse ou de l’épuisement (p.91).

Deux personnes interrogées ont dit avoir consommé des drogues ou de l’alcool de façon régulière depuis leur entrée à l’université. Pour l’un des participant·es, cette consommation était en cause dans l’apparition de symptômes psychotiques et de difficultés scolaires (p.92).

Les participant·es prenant une médication contre l’anxiété ont majoritairement observé une amélioration de leur qualité de vie. Selon les chercheuses, « [c]es résultats sont toutefois à interpréter avec prudence puisque plusieurs participant[·es] souffrent de plus d’un problème de santé physique ou mentale. » (p.97).

Facteurs associés au milieu scolaire

La quasi-totalité (9/10) des participant·es affirme être satisfaite de ses résultats scolaires à l’université ; la majorité a d’ailleurs spécifié avoir de « bons résultats » ou de « très bons résultats ». Deux personnes ont tout de même admis avoir échoué un stage, des cours, ou avoir obtenu des résultats se rapprochant de la note de passage en raison de problèmes de santé ou de consommation.

Sept participant·es se considèrent engagé·es dans leur réussite scolaire en faisant preuve d’assiduité, de motivation, d’intérêt, d’implication et d’exigence envers soi-même (p.92). Celles et ceux qui s’impliquent dans la vie extrascolaire (n=5) affirment avoir vécu l’expérience positivement (p.93).

La réalisation de stages est une source importante d’anxiété ; deux étudiant·es ont d’ailleurs bénéficié d’accommodements lors de leur stage (p.93).

En somme, plusieurs répondant·es ont vécu des symptômes dépressifs ou anxieux ce qui a, dans certains cas, augmenté leurs absences en classe et entravé leur apprentissage (p.97).

Facteurs associés au milieu familial

Le milieu familial constitue un microsystème particulièrement significatif dans le parcours scolaire des participant·es :

Bien que certain·es aient vécu une amélioration de leur situation familiale ou aient bénéficié du soutien de leur famille dans le cadre de leurs études universitaires, d’autres ont été confronté·es à des conflits familiaux et à des pratiques parentales surprotectrices durant leurs études universitaires (p.97).

Cela semble avoir contribué à accentuer leurs symptômes anxieux et affecté négativement le parcours scolaire de certain·es (p.98).

Facteurs associés à la sphère sociale

La moitié des participant·es apprécie le temps de solitude (n=4) ou celui passé en famille (n=1). Trois personnes ont tout de même affirmé « vivre certaines complications dans leurs relations amicales en lien avec leur désir de faire passer leur bien-être avant celui des autres, la présence de conflits ou des disponibilités restreintes. » (p.94).

Stratégies d’adaptation privilégiées par les étudiant·es avec un TAG

Les participant·es privilégient certaines stratégies d’adaptation depuis le début de leur parcours scolaire, principalement l’utilisation des services adaptés ou la prise d’une médication.

Trois personnes ont bénéficié d’accommodements offerts aux étudiant·es en situation de handicap (ESH) lors de leurs études universitaires. La majoration de temps pour la réalisation des examens est celui qui a été le plus fréquemment rapporté (n=3), suivi de près par l’attribution d’un local plus calme pour leur passation. Quatre personnes ont débuté une médication contre l’anxiété durant leurs études universitaires et ont vu une amélioration de leur état (p.95).

Parmi les stratégies d’adaptation développées tout au long de leur parcours scolaire et qui ont permis de faciliter leur passage à l’université, les étudiant·es rapportent des exercices de respiration, la méditation, l’écoute et l’expression de leurs besoins et émotions, la communication, l’organisation et l’établissement d’uneroutine stable et le sport (p.96).

L’interinfluence des facteurs

En somme, les résultats de cette recherche permettent de constater que les manifestations psychologiques et physiques liées au TAG influencent de façon significative la qualité de vie des participant·es (p.99). En plus d’être liés à des symptômes dépressifs sur une longue période, les symptômes du TAG ont mené certain·es à faire usage de substances psychoactives afin de diminuer leur intensité. Or, cela a eu pour effet de nuire à leur rendement scolaire (p.100).   

Les manifestations physiques et psychologiques du TAG sont également associées à une baisse de l’assiduité en classe et du rendement scolaire, et ce, indépendamment de la consommation de substances psychoactives (p.100).

Par ailleurs, les chercheuses soulignent que le fait d’avoir plus d’un diagnostic de santé et que plusieurs systèmes (famille, école, amitiés, notamment) s’interinfluencent rend difficile le départage entre les causes et conséquences du TAG.

Les résultats de cette recherche permettent de montrer l’importance de donner la parole à ces étudiant·es dans le développement des interventions qui les concernent. Ils permettent également de se questionner sur les raisons qui amènent les étudiant·es à demander des services d’aide ou à ne pas y recourir.

Source : St-Pierre, É. et Pouliot, È. (2021). Poursuivre des études universitaires : l’expérience d’étudiants ayant un diagnostic de trouble d’anxiété généralisée (TAG). Revue hybride de l’éducation, 5(1), 84-104.