En Angleterre et au Pays de Galles, le programme Black Students Talk (BST) offre depuis 2021 des groupes de discussion destinés aux personnes étudiantes noires afin qu’elles puissent parler de leur santé mentale.

Une équipe composée de chercheuses et de personnes fondatrices de l’organisation Black People Talk a récemment évalué ce programme. Elle partage ses constats dans l’article : A Qualitative Evaluation of the Motivations, Experiences, and Impact of a Mental Wellbeing Peer Support Group for Black University Students in England and Wales: The Case of Black Students Talk.

Les enjeux de santé mentale chez les étudiants et étudiantes noires

Les personnes étudiantes noires vivent du racisme dans diverses sphères de leur vie, notamment dans les établissements d’enseignement supérieur. Or, des études ont montré que l’exposition répétée au racisme et à la discrimination a un impact sur le sentiment d’appartenance, ainsi que sur la santé mentale.

De plus, les étudiantes et les étudiants noirs rencontrent des obstacles pour obtenir du soutien en santé mentale, le principal étant le manque de services et de soins culturellement appropriés. Une étude menée en Grande-Bretagne en 2019 a montré que, comparativement aux personnes étudiantes blanches, les personnes noires vivant des troubles de santé mentale sont moins susceptibles de compléter leur cursus, d’obtenir un diplôme et de poursuivre leurs études supérieures.

Un groupe de soutien par et pour les personnes étudiantes noires

Black Students Talk (BST) est un groupe de discussion et d’entraide géré par et pour les étudiantes et étudiants noirs. Cette initiative a débuté en 2021, sous forme de rencontres hebdomadaires en ligne offertes à toutes les personnes étudiantes noires d’Angleterre et du Pays de Galles. Ces rencontres permettent d’aborder différentes thématiques, notamment les traumatismes liés au racisme, le deuil collectif et individuel, la spiritualité, la neurodiversité, l’identité raciale et culturelle.

Le bon déroulement des séances est assuré par des étudiantes et étudiants noirs ayant reçu une formation préalable en écoute active, en animation, en résolution de problèmes et qui ont été sensibilisées aux enjeux de santé mentale. Ces personnes facilitatrices sont accompagnées par un psychologue-conseil noir, spécialisé dans les interventions traumatiques pour les minorités racialisées.

Au terme d’une première session du programme – échelonnée entre avril et août 2021 – l’équipe de recherche s’est intéressée à ce qui avait motivé les personnes à assister à ces groupes, ou à agir comme personne facilitatrice. Elle a également exploré les retombées de ce programme sur les personnes participantes.

Cette évaluation a été réalisée par le biais de trois groupes de discussion, deux avec des personnes participantes et un avec des personnes facilitatrices.

Le besoin de connexion avec ses pairs

Tant pour les personnes participantes que pour les facilitatrices, le besoin de se « connecter  socialement » à des pairs était la principale motivation à participer à BST.

Différentes situations engendraient ce besoin de partager son expérience :

  • Avoir vécu des expériences de racisme à divers moments du parcours éducatif et souhaiter partager ces expériences.
  • Vouloir bénéficier du soutien psychologique de la part de personnes ayant des expériences et des bagages culturels similaires.
  • Discuter avec des personnes en étant soi-même, sans penser à la perception que des personnes étudiantes ou enseignantes blanches pourraient avoir d’elles.

Un programme libérateur

Concernant la structure du programme BST, les personnes participantes ont apprécié :

  • La structure des séances et la pertinence du matériel psychoéducatif. Les personnes participantes ont cependant suggéré d’améliorer le programme BST en offrant des conférences de personnes noires expertes en santé mentale et en bonifiant la formation donnée aux personnes facilitatrices. Il a également été proposé de faire des rencontres mensuellement plutôt que chaque semaine.
  • L’effet « libérateur » de la réciprocité et du partage d’expérience. Un esprit de communauté a été créé grâce à BST, permettant ainsi aux personnes d’aborder des sujets difficiles en se sentant en sécurité.
  • Le soutien du psychologue-conseil, qui a accompagné les personnes facilitatrices dans une démarche réflexive au sujet de leur rôle. En plus de bénéficier des échanges entre pairs, le fait d’assumer un rôle de facilitation a été une source de fierté pour ces personnes.

L’importance de lieux de discussions par et pour les personnes noires

Le fait de discuter entre pairs dans un environnement culturellement significatif a bénéficié à l’ensemble des personnes participantes :

  • Elles disent avoir une meilleure confiance et estime d’elles-mêmes.
  • Le fait d’entendre les expériences de leurs pairs a également contribué à mieux reconnaître leur propre vécu.

Les personnes facilitatrices estiment également que ce rôle leur a servi dans leurs études et pour préciser leurs aspirations professionnelles. Néanmoins, l’élément le plus important qu’elles retirent de cette expérience est d’avoir contribué à améliorer le soutien en matière de santé mentale.

Pour l’équipe de recherche, cette démarche d’évaluation montre que ce type de groupes de discussion doit impérativement être conçu par des personnes noires et leur être réservé. Il en résulte une meilleure compréhension des besoins et une meilleure visibilité de leur réalité.

Référence

Stoll, N., Jieman, A.-T., Yalipende, Y., Byrom, N. C., Lempp, H. et Hatch, S. L. (2023). A Qualitative Evaluation of the Motivations, Experiences, and Impact of a Mental Wellbeing Peer Support Group for Black University Students in England and Wales: The Case of Black Students Talk. SAGE Open, 13(4). https://doi.org/10.1177/21582440231218080