Des études ont déjà montré que les programmes de pair-aidance contribuent à réduire les symptômes de stress et d’anxiété des personnes aidées. Une récente étude nous apprend maintenant que les personnes aidantes retirent aussi des bénéfices à leur participation à ce type de programme.

Cette étude, menée par une équipe de l’Université du Québec à Montréal et de l’Université McGill, s’appuie sur l’expérience de 11 personnes aidantes ayant participé au programme Korsa offert à l’Université du Québec à Montréal, à l’Université de Montréal et à HEC Montréal.

Le programme Korsa

Le volet de pair-aidance du programme Korsa consiste en une série de 5 rencontres en ligne, réparties sur 5 semaines consécutives, entre une personne aidante et une personne aidée. Ces rencontres visent le développement d’une plus grande souplesse psychologique et d’habiletés pour mieux vivre avec l’anxiété.

À l’instar des programmes de soutien par les pairs en santé mentale, ce programme repose sur le partage d’expériences et la réciprocité entre les personnes aidées et les pairs-aidants qui vivent eux aussi avec des défis liés à l’anxiété.

Dans le cadre du programme Korsa, les pairs-aidants :

  • étudient dans un programme de cycles supérieurs
  • vivent un problème d’anxiété, avec lequel ils arrivent à composer grâce à des stratégies efficaces
  • sont prêts à partager leur histoire avec d’autres personnes

Pour les accompagner à assumer ce rôle, les personnes pair-aidantes reçoivent une formation de 5 jours et un guide décrivant les objectifs de chaque rencontre. Des rencontres entre personnes aidantes, supervisées par une psychologue, permettent de discuter de leur expérience.

Les personnes aidées :

  • étudient dans un programme de premier cycle
  • vivent avec des problèmes de stress ou d’anxiété*

*Les cas plus graves (ex. dépression, idées suicidaires) sont redirigés vers des services psychologiques des établissements participants.

Comment l’expérience a-t-elle été vécue par les pairs-aidants?

Durant la période de l’étude (septembre 2019 à avril 2021), 14 personnes étudiant au doctorat en psychologie ou en gestion ont assumé le rôle de pair-aidant. L’équipe de recherche a tenu des groupes de discussion et des entrevues individuelles avec 11 d’entre elles afin de dresser le bilan de leur expérience.

Une expérience globalement positive…

La majorité des personnes participantes rapportent que leur rôle a été valorisant et a été source de fierté.

En outre, elles ont retiré plusieurs bénéfices à leur participation. Elles :

  • Ont développé une meilleure confiance en elles et en leur capacité à créer des liens significatifs.
  • Ont amélioré leurs habiletés communicationnelles et leur écoute (ex. écouter sans juger, accueillir sans résoudre les problèmes), en plus d’avoir appris à faire preuve d’authenticité (ex. se montrer vulnérable, partager ses difficultés).
  • Se sont familiarisées avec une approche à utiliser dans leur propre vie pour mieux comprendre leurs comportements, leurs automatismes et décortiquer ce qu’elles vivent.

… avec des éléments facilitants

Certains éléments du programme ont contribué au bon déroulement du programme :

  • La posture d’intervention, basée sur la réciprocité et l’égalité, a été appréciée par les pairs-aidants. Cette posture a contribué à la richesse et à l’authenticité des échanges. Le partage d’expériences a permis de bâtir une relation de confiance entre la personne aidée et le pair-aidant.
  • L’accompagnement fourni aux pairs-aidants (formation initiale, guide, rencontres de supervision) a contribué à mieux comprendre leur rôle, mais aussi à enrichir leurs réflexions et à faire face à des situations plus difficiles.

… et sa part de défis

Dans certains cas, les personnes pair-aidantes ont rapporté des difficultés liées à la personne aidée :

  • En plus de vivre de l’anxiété, certaines personnes aidées avaient des troubles du spectre de l’autisme, des troubles de personnalité ou des traumatismes. Les pairs-aidants se sont sentis mal outillés dans ces situations.
  • Dans d’autres cas, le manque d’investissement des personnes aidées dans le processus (ex. les arrivées en retard, ou les exercices non réalisés) ou leur résistance face au processus ont compliqué la tâche des personnes aidantes.

La nature du programme a également fait l’objet de critiques de la part des personnes aidantes, notamment en raison de sa durée, parfois jugée trop courte. Ces dernières ont trouvé déchirant de mettre fin au processus alors que certaines personnes semblaient avoir encore besoin d’aide.

Certaines personnes ont aussi mentionné avoir eu de la misère à trouver des périodes propices pour les rencontres avec les personnes aidées. En plus du temps dédié à la rencontre, elles devaient prévoir un temps de préparation et une période pour récupérer après les séances, dont certaines étaient chargées émotivement.

Pistes pour mettre en œuvre un programme de pair-aidance

Ces constats amènent l’équipe de recherche à formuler plusieurs recommandations destinées aux établissements qui souhaiteraient mettre en place un programme de soutien par les pairs.

Concernant les pairs-aidants, ils doivent :

  • Avoir une expérience personnelle de l’enjeu ciblé par un programme de pair-aidance.
  • Être aptes à offrir un soutien crédible et à partager leur histoire personnelle.
  • Posséder des acquis par rapport à la relation d’aide (ex. capacité d’écoute, bienveillance)
  • Avoir le temps, l’énergie, et la motivation pour s’engager dans la démarche de pair-aidance.

Concernant le soutien aux pairs-aidants, il est suggéré d’offrir :

  • Une formation pour clarifier la posture d’intervention à adopter en proche aidance. Cette formation devrait toutefois demeurer minimale afin que les interventions s’appuient sur l’expérience des personnes aidantes.
  • Un encadrement, que ce soit sous forme d’échanges en groupes ou de rencontres individuelles.
  • Une rémunération pour le travail des personnes aidantes, tant pour reconnaître leur rôle que pour valoriser le programme de pair-aidance.

Concernant les personnes aidées :

  • Elles doivent être motivées à entreprendre la démarche.
  • Elles ne doivent pas présenter des troubles trop lourds. Cela pourrait être vérifié par le biais d’une entrevue avant le début du programme.

Référence

Grégoire, S., Saules, G., Cyr, E. et Lachance, L. (2024). L’expérience d’étudiants universitaires ayant agi comme pairs aidants dans le cadre du programme Korsa. Canadian Journal of Education/Revue canadienne de l’éducation, 47(2), 411‑437. https://doi.org/10.53967/cje-rce.5741

Korsa. (s.d.). Pairs aidants. https://korsa.uqam.ca/ateliers-4/