Dans le cadre de sa thèse de doctorat portant sur le rôle du jumelage dans l’intégration des étudiant·e·s internationaux·ales, Lucie Le Callonnec (Université d'Ottawa) a constaté que ce dispositif n’a pas réduit le fossé entre les étudiant·e·s locaux·ales et internationaux·ales, ni facilité leur intégration. Néanmoins, il a permis à certain·e·s participant·e·s de développer leurs compétences interculturelles.

La chercheure a mené deux séries d’entretiens auprès de neuf étudiant·e·s, dont cinq originaires de France fréquentant l’Université d’Ottawa et quatre orginaires du Canada fréquentant l’une des universités de Montpellier (UM), en France. À leur retour dans leur pays d’origine, les participant·e·s ont également répondu à un questionnaire. Des entrevues ont aussi été réalisées auprès de sept membres des bureaux internationaux des universités d’accueil.  

Un jumelage à géométrie variable

Pour la majorité des participant·e·s, le jumelage fut écourté ou inexistant.

Du côté canadien, à l’exception d’une étudiante qui s’est liée d’amitié avec sa marraine une année durant (jusqu’à ce que sa marraine quitte l’établissement), le jumelage a été écourté, voire inexistant, principalement dû à un manque de temps de part et d’autre.

Du côté français, la seule participante à s’être inscrite à ce programme a rencontré sa marraine un mois après la rentrée scolaire. Elle a dû effectuer les démarches administratives nécessaires et découvrir la vie à Montpellier grâce, principalement, à son tuteur Erasmus qui l’a épaulée dès son arrivée. Parmi les trois autres participantes, l’une avait connaissance de ce programme mais ne souhaitait pas y participer, et les deux autres n’étaient pas au courant que ce dispositif existait.

L’intégration à la communauté locale

Malgré la participation au programme de jumelage, il y a eu peu de rapprochement entre les participant·e·s et les étudiant·e·s locaux·ales durant leur séjour. En effet, en dehors de la salle de classe et de leur logement, leurs interactions ont été quasi inexistantes.

La plupart soulignent avoir déployé plusieurs stratégies d’intégration pour se lier d’amitié avec des étudiant·e·s locaux·ales, en vain. Ce sont principalement avec d’autres étudiant·e·s internationaux·ales et, essentiellement, avec des étudiant·e·s de leur pays d’origine que des relations d’amitié se sont créées.

Le développement des compétences interculturelles

Malgré le peu de rapprochements avec les locaux·ales lors de leur séjour, les participant·e·s ont développé des compétences interculturelles en étant immergé·e·s dans une autre culture et en découvrant un nouveau mode de vie.

Plusieurs ont dit comprendre leur distanciation avec les étudiant·e·s internationaux·ales et, notamment, avec leurs parrains et marraines, puisqu’ils·elles disaient faire la même chose dans leur pays d’accueil avec les nouveaux·elles arrivant·e·s.

Aussi, ils·elles ont pris conscience de leurs propres comportements d’évitement à l’égard des étudiant·e·s internationaux·ales nouvellement arrivé·e·s dans leur université d’origine et des difficultés d’intégration vécues.

Enfin, ils·elles ont pris de conscience de leur rôle en tant que passeur·e·s de culture et envisageaient ainsi de s’impliquer davantage dans l’intégration des étudiant·e·s internationaux·ales une fois de retour dans leur pays d’origine.

Des pistes d’amélioration

La recherche fait ressortir trois pistes pour améliorer l’efficience du jumelage international :

Préparer : les universités d’accueil ou d’origine doivent offrir une formation interculturelle au cours de laquelle l’étudiant·e est amené·e à s’interroger de façon critique et réflexive sur soi, sur l’autre et sur l’interculturalité dans le cadre d’une mobilité. Une formation des parrains et marraines permettrait de mieux appréhender leurs fonctions de passeur·e·s de cultures et les attentes de leur université à l’égard du rôle qu’ils·elles doivent jouer.

Guider et accompagner : bien que l’acquisition et le développement des compétences interculturelles soient avant tout le fruit d’un travail personnel impulsé par l’étudiant·e, le·la professeur·e ou le·la responsable du programme d’échanges ou du bureau des relations internationales de l’université a la responsabilité de lui servir de guide ou d’accompagnateur·trice pour assurer le développement de ces compétences.

Maintenir : le jumelage interculturel n’est efficient qu’à la condition qu’il ne soit pas ponctuel, mais pérenne. Pour ce faire, le lien entre le·la parrain·marraine et l’étudiant·e international·e doit se maintenir tout au long de la durée du séjour.

Source : Le Callonnec, Lucie. « Le développement des compétences interculturelles au moyen du jumelage international dans des universités française et canadienne », Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur [En ligne], 37(1) | 2021, mis en ligne le 14 février 2021.