Une équipe de recherche québécoise explore les relations entre l’estime de soi et l’intention de décrocher d’étudiant·es du collégial, en plus d’identifier le rôle du sentiment d’autoefficacité dans ces relations.

Dans un récent article paru dans la Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur (Ripes), Stéphane Thibodeau (Université du Québec à Trois-Rivières – UQTR), Elisabeth Giguère (Cégep de Trois-Rivières), Sonia Lefebvre (UQTR) et Eric Frenette (Université Laval) présentent les résultats de leur étude exploratoire menée auprès de 91 étudiant·es provenant de trois établissements collégiaux (deux publics et un privé).

Selon les chercheuses et les chercheurs, bien que le décrochage scolaire au secondaire soit l’objet de discussions depuis plusieurs années, il n’en est pas de même pour le collégial (Thibodeau et al., 2021). Cette recherche vise à bonifier donc la compréhension des causes possibles du décrochage, mais également à permettre aux intervenant·es du niveau collégial de mieux intervenir auprès des étudiant·es qui envisagent de décrocher.

Qu’est-ce que l’estime de soi ?

L’équipe de recherche retient les travaux de Harter (1999), qui définit l’estime de soi comme un ensemble d’évaluations et d’attitudes de l’individu à l’égard de sa propre personne. L’estime de soi est reliée à divers domaines (voir les domaines cités ci-bas). L’« estime de soi globale » n’est toutefois pas une moyenne ou la somme de ces domaines, mais plutôt une évaluation globale que la personne se fait d’elle-même (ibid.).

Qu’est-ce que le sentiment d’autoefficacité ?

Selon le chercheur en psychologie Albert Bandura (2007), le sentiment d’autoefficacité renvoie à la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités.

Puisque la recherche de Thibodeau et al. (2021) s’intéresse aux collégien·nes, le sentiment d’autoefficacité peut se décliner dans les domaines scolaire, émotionnel et social (Suldo et Shaffer, 2007) :

  • le sentiment d’autoefficacité scolaire, soit les croyances de l’individu par rapport à sa compétence scolaire, plus précisément à l’habileté de réussir à l’école ainsi qu’à l’adoption de comportements favorisant l’apprentissage;
  • le sentiment d’autoefficacité émotionnelle, soit les croyances qui concernent la compétence dans le contrôle des émotions;
  • le sentiment d’autoefficacité sociale, soit les croyances à propos de la compétence à développer et maintenir des relations sociales (ibid.).

Principaux résultats

Les relations entre l’estime de soi et l’intention de décrocher au collégial

Les résultats montrent que l’estime de soi et l’intention de décrocher d’étudiant·es sont corrélées négativement pour huit des neuf dimensions de l’estime de soi relatives :

  • à l’école (l’intelligence, la rapidité d’exécution des travaux);
  • au travail (laréussite dans un emploi, l’obtention de ce dernier);
  • à l’apparence physique (l’apparence, le rapport au corps);
  • à l’acceptation sociale (la facilité à se faire des amis);
  • aux amitiés profondes (la capacité de se faire des amis, en qui on peut avoir confiance);
  • aux relations sentimentales (mériter l’amour, être en mesure de sortir avec quelqu’un·e qui lui plait);
  • à la conduite/moralité (la façon de faire les choses, les comportements);
  • à l’estime de soi globale (par rapport à soi, à la vie).

L’estime de soi relative au domaine athlétique (la réussite dans les sports et dans de nouveaux sports), quant à elle, présente une relation non statistiquement significative avec l’intention de décrocher (Thibodeau et al., 2021).

Ces résultats seraient cohérents avec ceux des études antérieures, notamment ceux selon lesquels l’estime de soi globale serait fortement liée aux affects de l’adolescent (Harter, 1999).

Cependant, selon Thibodeau et al. (2021), d’autres facteurs peuvent contribuer à l’intention de décrocher. L’estime de soi des étudiant·es du collégial ne serait donc pas nécessairement le seul facteur explicatif de l’intention de décrocher (ibid.).

Le rôle intermédiaire du sentiment d’efficacité

Les résultats montrent également que le sentiment d’autoefficacité joue un rôle intermédiaire dans les relations entre l’estime de soi et l’intention de décrocher. Cela suggère, entre autres, que le niveau ou la force du sentiment d’autoefficacité affecterait la motivation à poursuivre ou à abandonner ses études (Thibodeau et al., 2021).

En somme, les résultats de Thibodeau et al. (2021) montrent que non seulement l’estime de soi et le sentiment d’autoefficacité sont susceptibles d’influer sur l’intention de décrocher, mais que leur combinaison semble avoir davantage d’influence sur cette intention. Plus l’estime de soi et le sentiment d’autoefficacité des étudiant·es du collégial sont forts, moins l’intention de décrocher sera présente.

Les interventions des enseignant·es

Les résultats constituent une piste intéressante pour la formation (initiale ou continue) en enseignement au collégial offerte par les universités. Selon l’équipe de recherche, une partie de cette formation pourrait porter sur les attitudes et les comportements des enseignant·es afin de favoriser le développement de cette estime chez les étudiant·es.

Les enseignant·es du collégial pourraient aider à repérer, valoriser et renforcer les intérêts et les habiletés de leurs étudiant·es, afin qu’ils se sentent soutenus dans leur cheminement scolaire (Thibodeau et al., 2021).

Selon les chercheurs et les chercheuses, compte tenu des répercussions du décrochage scolaire au collégial, il serait primordial que d’autres études soient menées auprès de grands échantillons afin de relever d’autres facteurs explicatifs possibles, et ce, en fonction du genre et de l’âge, par exemple.

Source : Thibodeau, S., Giguère, E., Lefebvre, S. et Frenette, E. (2021). Estime de soi, sentiment d’autoefficacité et intention de décrocher au collégial. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 37(3).

Références :

Bandura, A. (2007). Autoefficacité : le sentiment d’efficacité personnelle. De Boeck.

Harter, S. (1999). The Construction of the Self. A Developmental Perspective. The Guilford Press.

Suldo, S. M. et Shaffer, E. J. (2007). Evaluation of the self-efficacy questionnaire for children in two samples of American adolescents. Journal of Psychoeducational Assessment, 25(4), 341-355.

Consultez le dossier CAPRES Persévérance en enseignement supérieur