Les chercheuses en psychologie Cynthia Lamarre et Diane Marcotte (Université du Québec à Montréal) examinent le rôle médiateur de la pleine conscience sur la relation entre le perfectionnisme et l’anxiété chez des étudiant·es de première année au collège.

Dans un récent article publié dans la revue European Review of Applied Psychology, Lamarre et Marcotte présentent leur recherche réalisée auprès de 283 étudiante·s (60 % de jeunes femmes) en première session collégiale. Les participant·es ont répondu à des questionnaires qui portaient sur les symptômes anxieux, le perfectionnisme et la disposition à la pleine conscience.

Principaux résultats

Les résultats de cette étude confirment ceux des recherches précédentes et montrent des liens entre le perfectionnisme dit « maladif » (qui inclut notamment des ruminations négatives) et les symptômes d’anxiété.

Liens entre perfectionnisme, anxiété et pleine conscience

L’association négative entre le perfectionnisme et la pleine conscience (en tant que trait ou disposition qui peut être développée) pourrait s’expliquer par le fait que les étudiant·es perfectionnistes orientent leurs actions et leurs préoccupations vers l’avenir afin d’atteindre des normes élevées, tandis que les étudiant·es ayant un niveau plus élevé de pleine conscience vivent les événements dans le moment présent, sans avoir une vision future de leur performance.

Les étudiant·es vivant dans le moment présent feraient également preuve d’une plus grande maîtrise de soi et d’une plus grande régulation émotionnelle, seraient moins vulnérables aux problèmes psychologiques, seraient plus optimistes et auraient une meilleure estime d’eux-mêmes.

Brown et al., 2007, cités dans Lamarre et Marcotte, 2021, p.6.

Il semble que le perfectionnisme et l’anxiété auraient des fondements communs : la tendance à s’inquiéter et à ruminer chez les perfectionnistes est similaire aux distorsions cognitives présentes dans l’anxiété. Comme les étudiant·es anxieux·ses, les perfectionnistes présentent des biais attentionnels et de mémoire d’attention qui les amènent à surestimer la probabilité d’un échec futur et à amplifier les conséquences possibles de cet échec.

Par conséquent, les étudiant·es qui présentent un niveau élevé de perfectionnisme dit « maladif » et de faibles niveaux de pleine conscience partagent des vulnérabilités, des comportements et des attitudes dysfonctionnelles communes, contribuant ainsi à l’émergence et au maintien de leurs symptômes d’anxiété.

Les résultats confirment également le rôle médiateur de la pleine conscience dans la relation entre le perfectionnisme maladif et les symptômes d’anxiété. Plus précisément, la pleine conscience pourrait agir comme un facteur de protection pour les étudiant·es vulnérables.

Les différences de genre

Les résultats de cette étude montrent des différences significatives entre les genres. La pleine conscience joue un rôle médiateur dans la relation entre le perfectionnisme maladif et les symptômes d’anxiété uniquement chez les femmes.

Chez les hommes, les symptômes d’anxiété sont négativement associés au perfectionnisme dit plus « adaptatif ». Il est possible que les hommes qui montrent un niveau plus élevé de perfectionnisme adaptatif utilisent des stratégies pour gérer leur perfectionnisme afin de les aider à éprouver moins de symptômes d’anxiété associés à leur vie professionnelle.

Les femmes ont tendance à signaler des niveaux d’anxiété plus élevés car elles seraient plus sensibles aux indices de menaces potentielles (le rejet social, par exemple). Elles utilisent davantage des stratégies d’adaptation basées sur l’évitement et ont une plus grande tendance à la rumination et à l’inquiétude.

Comment expliquer ces différences entre les genres ? Les chercheuses évoquent les facteurs de socialisation : les femmes et les hommes seraient encouragé·es à répondre aux menaces de manières différentes. Au cours de leur développement, les filles seraient encouragées à craindre les menaces potentielles, à éviter les situations stressantes et à utiliser des stratégies de résolution de problèmes centrées sur les émotions. Les garçons seraient davantage encouragés à adopter des comportements de résolution de problèmes.

Des exigences de « performance parfaite » fausseraient le processus sain de la recherche d’excellence car elles impliquent des processus cognitifs maladifs tels que la rumination et l’inquiétude, augmentant ainsi les symptômes d’anxiété chez les femmes.

L’importance des programmes d’intervention

Cette étude montre que la pleine conscience agit comme une variable médiatrice dans la relation entre le perfectionnisme maladif et l’anxiété chez les étudiant·es. Les étudiant·es, particulier les femmes, qui présentent un niveau plus faible de pleine conscience et un niveau élevé de perfectionnisme maladif sont plus susceptibles de présenter des symptômes d’anxiété.

Considérant les conséquences de l’anxiété et du perfectionnisme sur la santé mentale et la réussite scolaire, les programmes d’intervention en milieu scolaire, dont la pratique de la pleine conscience, pourraient réduire les symptômes d’anxiété.

Plusieurs de ces programmes d’intervention et de prévention, comme Zenétudes, sont actuellement mis en œuvre dans des collèges et des universités et ont montré des effets sur la diminution de l’anxiété chez les étudiant·es.

Les résultats de l’étude montrent également que les jeunes femmes souffrant de perfectionnisme maladif pourraient bénéficier davantage de la pratique de la pleine conscience afin de gérer leurs symptômes d’anxiété.

Référence : Lamarre, C. et Marcotte, D. (2021). Anxiety and dimensions of perfectionism in first year college students: The mediating role of mindfulness. European Review of Applied Psychology, 71(6).