Jean Michel Montsion
Professeur agrégé au Département d’Études pluridisciplinaires du Collège universitaire Glendon de l’Université York et directeur du Centre d’études canadiennes Robarts de l’Université York
Collège universitaire Glendon
Numéro 10, actes de colloque – 2024
Pour citer cet article
Jean Michel Montsion
Professeur agrégé au Département d’Études pluridisciplinaires du Collège universitaire Glendon de l’Université York et directeur du Centre d’études canadiennes Robarts de l’Université York
Collège universitaire Glendon
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Équité, diversité et inclusion (EDI) : au cœur de la réussite étudiante
Cet article découle d’une communication scientifique qui a été présentée au colloque La réussite étudiante en enseignement supérieur au carrefour de l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI) de l’Observatoire sur la réussite en enseignement supérieur lors du 90e Congrès de l’Acfas (11 mai 2023).
Le texte fait partie de l’axe 3, intitulé Partager la responsabilité de tous et de toutes dans le déploiement des plans d’action EDI, des actes du colloque.
L’article qui suit vise à examiner le statut des étudiantes et étudiants internationaux afin de mettre en lumière les problèmes d’équité auxquels ils font face lors de leur séjour dans un établissement d’enseignement supérieur au Canada.
Les étudiantes et étudiants internationaux occupent une place grandissante dans l’enseignement supérieur au Canada. Entre 2009 et 2019, leur nombre a triplé, passant de 136 000 à 390 000, et leurs dépenses annuelles sont passées de 8,4 milliards de dollars en 2012 à 21,6 milliards en 2018. Ces personnes étudiantes paient des frais de scolarité plus élevés que les étudiantes et étudiants nationaux, un écart passant en moyenne de 12 293 $ en 2007 à 31 452 $ en 2022 (Gouvernement du Canada, 2019; Statistique Canada, 2023).
Le statut de l’étudiante et de l’étudiant international est une catégorie administrative qui émerge en partie des politiques d’internationalisation des établissements canadiens. Il décrit les règles permettant aux étudiantes et étudiants immigrant au Canada d’étudier pendant une période limitée. Il inclut aussi quelques préconceptions quant au profil, motivations et intentions des membres de ce groupe, et ce, afin de créer une offre de service adéquate. Or, deux attributs du statut de l’étudiante et de l’étudiant international sont moins bien compris par les établissements : la différence de nationalité et la durée présumée du séjour (Avenido, 2023). Cette incompréhension mène à un écart important entre les services offerts et les besoins réels.
Nous remettons en question ces limites du statut des étudiantes et étudiants internationaux tel que conçu par les établissements canadiens d’enseignement supérieur. Ce statut a notamment évolué en marge des principes d’équité, de diversité et d’inclusion (ÉDI), ces principes qui visent à appuyer les groupes minorisés dans l’obtention des mêmes opportunités que celles du groupe dominant (Tamtik et Guenter, 2019). La mise en œuvre de ce statut crée des problèmes d’équité particuliers pour les étudiantes et étudiants internationaux, à l’intersection entre les stratégies d’internationalisation et les principes ÉDI.
Les établissements canadiens d’enseignement supérieur utilisent leurs politiques d’internationalisation à des fins économiques, réputationnelles et de diversification du corps étudiant. Le recrutement d’étudiantes et d’étudiants internationaux est le volet le plus important, car il donne aux universités les moyens pour pallier les réductions du financement public, tout en offrant une expérience interculturelle plus complète sur leur campus (Buckner et al., 2020). Néanmoins, les principales cibles de ces politiques – soit les étudiantes et étudiants internationaux – notent un écart important entre les objectifs de ces politiques et leur mise en œuvre. Les membres de ce groupe se demandent si leur bien-être est une priorité réelle pour l’établissement, notamment en raison du peu de ressources accordées à leur insertion sociale et à contrer la discrimination et le racisme (Guo et Guo, 2017).
Une recherche documentaire pancanadienne
Cinq établissements ayant accueilli un nombre significatif d’étudiantes et d’étudiants internationaux au fil des ans ont été ciblés :
Une centaine de documents, produits entre 2015 et 2023, qui présentent l’évolution des priorités universitaires en matière d’internationalisation et d’ÉDI ont été analysés (ex. : plans stratégiques, plans d’action, rapports d’activités, rapports annuels). L’approche des établissements est juxtaposée à l’optique des étudiantes et étudiants internationaux, telle que recueillie par le Bureau canadien de l’éducation internationale (BCEI) dans son sondage 2021 sur l’expérience étudiante (BCEI, 2022).
Des priorités institutionnelles qui sont en parallèles.
Les objectifs d’internationalisation et d’ÉDI dans les établissements d’enseignement supérieur sont deux priorités généralement déconnectées. L’internationalisation est une stratégie motivée par des objectifs économiques, tandis que l’ÉDI cherche à rendre les conditions de réussite universitaire plus équitables, notamment pour les groupes historiquement minorisés (Tamtik et Guenter, 2019).
Notre analyse confirme l’absence de lien entre l’internationalisation et l’ÉDI dans le fonctionnement quotidien des établissements. Cette absence a un impact direct sur les expériences des étudiantes et étudiants internationaux. Les établissements ont tous un bureau de l’expérience internationale qui soutient les étudiantes et étudiants internationaux, mais les enjeux liés à leur statut migratoire sont absents des mesures ÉDI. Or, l’Université du Manitoba (2020) fait exception. Elle reconnaît des iniquités pratiques qui découlent d’un statut d’immigration précaire et de tous les règles et processus bureaucratiques qui régissent le séjour d’études au Canada, l’obtention et le retrait des visas.
La différence de nationalité est exclue des approches ÉDI dans les universités.
La différence de nationalité est exclue des approches ÉDI dans les établissements universitaires. Sauf exception, les iniquités découlant du statut des étudiantes et étudiants internationaux sont absentes des priorités ÉDI (voir le tableau 1). Cela a deux conséquences directes. D’une part, les étudiantes et étudiants internationaux ne sont pas équipés pour identifier et pour affronter la discrimination dans le contexte canadien (ex. : rapporter être victime de discrimination aux instances appropriées). D’autre part, différents bureaux des établissements reproduisent involontairement des iniquités fondées sur la nationalité (ex. : confondre la nationalité à d’autres marqueurs d’identité collective comme l’ethnicité).
Un soutien pour un court séjour au Canada est essentiellement présent dans les bureaux de l’expérience internationale.
L’absence de considérations ÉDI en matière de nationalité limite l’introspection institutionnelle des bureaux de l’expérience internationale quant aux divers parcours possibles des étudiantes et étudiants. Ainsi, les établissements priorisent une offre de service homogène, axée sur l’insertion sociale temporaire et à court terme. Plus particulièrement, les bureaux de l’expérience internationale mettent l’accent sur les services-conseils, l’aide immédiate à l’intégration et la diffusion d’informations générales (voir le tableau 2). Cependant, le sondage du BCEI (2022) révèle que près de 60 % des étudiantes et étudiants inscrits optent pour une demande de résidence permanente. L’Université Dalhousie (2023) est la seule qui appuie ce type de parcours. Aux services d’intégration classique (ex. : recherche d’emploi et d’hébergement), elle ajoute des services de planification financière ainsi que de l’accompagnement en travail social.
Les universités canadiennes doivent davantage reconnaître le traitement différencié imposé aux étudiantes et étudiants internationaux qui est en dissonance avec les principes ÉDI.
Le statut des étudiantes et étudiants internationaux est une catégorie administrative qui a des conséquences significatives sur l’expérience étudiante. La gestion universitaire, à différents paliers, l’utilise régulièrement. Bien que la tarification distincte et onéreuse imposée à ce groupe soit l’exemple le mieux connu, il existe plusieurs autres pratiques institutionnelles qui contribuent à un traitement différencié. Certains établissements commencent à réaliser cet état de fait et à établir des mesures ÉDI qui reconnaissent diverses iniquités vécues par les étudiantes et étudiants internationaux. Voici deux exemples de traitement différencié :
La nationalité est souvent un critère dans l’octroi de bourses et prix étudiants. Les étudiantes et étudiants internationaux sont éligibles à moins de bourses que leurs homologues nationaux. À titre d’exemple, à l’Université de Toronto (2023), les étudiantes et étudiants internationaux ont accès à deux fois moins de bourses que les étudiantes et étudiants nationaux, et plus de 85 % des bourses auxquelles ils peuvent accéder sont octroyées sur le mérite, laissant ainsi un accès très restreint aux bourses de soutien. Ce type de traitement différencié est fréquent et peu questionné, même s’il entraîne des conséquences réelles sur le parcours à l’enseignement supérieur.
Les opportunités offertes aux étudiantes et étudiants internationaux par les établissements d’enseignement supérieur dépendent aussi des paramètres associés à leur statut. Entre autres, la courte durée présumée du séjour au Canada s’immisce dans les programmes d’aide à la recherche d’emploi. Le sondage du BCEI (2022) indique que 43 % de ces étudiantes et étudiants ont de la difficulté à trouver un emploi pendant leurs études, sauf lorsqu’il est question du travail à temps partiel. Les étudiantes et étudiants nationaux ont certes une expérience similaire. Cependant, les étudiantes et étudiants internationaux attribuent cette difficulté à l’ignorance du patronat canadien quant à leur volonté de travailler hors campus, parfois à temps plein. Le BCEI recommande aux établissements d’enseignement supérieur d’en faire plus, en sensibilisant notamment le patronat local des opportunités et paramètres d’embauche des étudiantes et étudiants internationaux.
Kim, A., Buckner, E. et Montsion, J. M. (dir.) (2024). International Students from Asia in Canadian Universities: Institutional Challenges at the Intersection of Internationalization, Racialization and Inclusion. Routledge.
Shahrokni, S., Magnan, M.-O. et Montsion, J. M. (2022). Pour une étude critique des inégalités de traitement vécues par les « étudiant.e.s en provenance d’Asie » et des écueils des institutions d’enseignement supérieur canadiennes les accueillant. Comparative and International Education / Éducation comparée et internationale, 51(1), 131-136.
Avenido, K. (2023). An Intersectional Analysis of Chinese International Students’ Experiences in Post-Secondary Institutions in British Columbia. Journal of International Students, 13(1), 22-39.
Buckner, E., Clerk, S., Marroquin, A. et Zhang, Y. (2020). Strategic Benefits, Symbolic Commitments: How Canadian Colleges and Universities Frame Internationalization. Canadian Journal of Higher Education / Revue canadienne d’enseignement supérieur, 50(4), 20-36.
Bureau canadien de l’éducation internationale (BCEI). (2022). La voix des étudiants. Résultats nationaux du Sondage des étudiants internationaux 2021 du BCEI.
Cheng, Y., Yang, P., Lee, J., Waters, J. et Yeoh, B. S. A. (2023). Migration governance and higher education during a pandemic: policy (mis)alignments and international postgraduate students’ experiences in Singapore and the UK. Journal of Ethnic and Migration Studies, special issue.
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Tamtik, M. et Guenter, M. (2019). Policy Analysis of Equity, Diversity and Inclusion Strategies in Canadian Universities – How Far Have We Come? Canadian Journal of Higher Education / Revue canadienne d’enseignement supérieur, 49(3), 41-56.
Université Dalhousie. (2023). International Centre.
Université de Toronto. (2023). Award Explorer.
Université du Manitoba. (2020). President’s Task Force on Equity, Diversity, and Inclusion. Final Report.
Éditrice : Karine Vieux-Fort
Comité éditorial : Karine Vieux-Fort, Anouk Lavoie-Isebaert et Catherine Charron
Révision linguistique : Marie-Eve Cloutier
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À propos de l'auteur
Jean Michel Montsion
Professeur agrégé au Département d’Études pluridisciplinaires du Collège universitaire Glendon de l’Université York et directeur du Centre d’études canadiennes Robarts de l’Université York
Collège universitaire Glendon
Jean Michel Montsion est professeur agrégé au Collège universitaire Glendon et directeur du Centre d’études canadiennes Robarts de l’Université York à Toronto. Il est également chercheur distingué (2018-2023) à la Fondation Asie Pacifique du Canada. Il a publié plusieurs articles et chapitres de livres dans le domaine de la géographie sociale sur divers aspects de la transformation contemporaine des villes seuils canadiennes, dont l’éducation internationale et ses modes migratoires.
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