Cet article découle d’une communication scientifique qui a été présentée au colloque La réussite étudiante en enseignement supérieur au carrefour de l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI) de l’Observatoire sur la réussite en enseignement supérieur lors du 90e Congrès de l’Acfas (11 mai 2023).

Le texte fait partie de l’axe 1, intitulé Favoriser un climat inclusif pour la persévérance et la réussite étudiantes, des actes du colloque.

L’article qui suit vise à situer le contexte, les étapes, la méthodologie et les résultats d’une recherche-développement qui a mené à la création de la formation Camie pour favoriser l’inclusion des personnes étudiantes de l’international dans les universités québécoises. 

Contexte 

Les défis de l’augmentation du nombre de personnes étudiantes de l’international au sein des universités québécoises

Le nombre de personnes étudiantes de l’international (PÉI), au sein des universités au Québec, a doublé entre 2009-2010 et 2019-2020, passant de 24 504 à 48 406 (Yamba, 2021). Cette présence accrue s’accompagne de défis importants sur le plan de l’inclusion. Le choc culturel, la langue, l’adaptation au système pédagogique québécois, le racisme et les préjugés ainsi que le réseau social à construire (CAPRES, 2019) sont des défis qui viennent s’ajouter au défi académique pour ces personnes. Plusieurs recherches, dont celle de Bérubé et al. (2021), ont recensé les défis que vivent les PÉI et comment ceux-ci affectent leur réussite et leur persévérance. À la lumière de cette recherche, il est suggéré de former la communauté universitaire pour soutenir les PÉI dans leur parcours académique. Sensible à ces constats, une équipe multidisciplinaire du réseau de l’Université du Québec a alors entrepris de concevoir et de développer une formation à distance afin d’améliorer l’inclusion et, par conséquent, la réussite des personnes étudiantes de l’international : la formation Camie.  

Concept clé 

Qu’entend-on par inclusion des personnes étudiantes de l’international ?   

Selon Nair et Vohra (2015), l’inclusion peut être vue comme un processus, un cheminement actif bidirectionnel par lequel l’individu vit une certaine transformation de soi, à l’image d’une acculturation, et où se déploie également une action d’intégration de la part de la sphère d’accueil. Cette intégration, expliquent Nair et Vohra, comprend l’accès à des services ainsi qu’une participation active et reconnue au sein du milieu d’accueil. L’inclusion s’accompagne aussi d’une dimension sensible : le sentiment d’appartenance ou « the subjective feeling of connection and belonging » (Frozzini, 2023, p. 4).  

En éducation, l’approche inclusive est surtout un processus continu de transformation des pratiques, de la culture et des relations au sein des établissements éducatifs. Elle vise à mieux tenir compte de la diversité des réalités et des besoins de toutes les personnes apprenantes (Potvin, 2018). Le Conseil supérieur de l’éducation au Québec (CSÉ, 2017) précise que l’éducation inclusive demande que l’institution d’enseignement s’adapte a priori à la diversité des apprenants et apprenantes. 

Méthodologie

La recherche-développement en toile de fond   

  • Type de recherche : Recherche-développement (RD) 
  • Période et lieux de la recherche : Entre 2020 et 2023. Le projet implique une équipe multidisciplinaire de cinq constituantes du réseau de l’Université du Québec (UQ), soit l’Université du Québec en Outaouais (UQO), l’École nationale d’administration publique (ÉNAP), l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) et l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), ainsi que son siège social. 

Nous avons créé un projet de recherche parallèle au développement de la formation Camie. Le modèle retenu est celui de la recherche-développement (RD) de Bergeron et Rousseau (2021) qui comprend cinq étapes. La RD a une double finalité : elle sert à générer des connaissances scientifiques tout en visant la conception ou ladaptation dun ou de produits (Bergeron et Rousseau, 2021). 

Une des particularités de la RD est qu’elle exige la tenue de phases évaluatives. Celles-ci permettent une forme de coconstruction avec les personnes participantes dans le but d’améliorer le produit en développement au fur et à mesure de sa conception. Plusieurs personnes ont participé aux phases évaluatives de la formation Camie, nommées phases de mise à l’essai dans le cadre du projet.

La mise à l’essai fonctionnelle interne a été conduite dans l’équipe de recherche elle-même (n=9).

La phase de la mise à l’essai fonctionnelle externe a été menée auprès de personnes possédant une expérience professionnelle pertinente. Au total, ce sont 22 personnes, membres de la Communauté de pratique sur les étudiants étrangers (CPÉÉ) de l’Université du Québec, membres du Comité de réflexion sur l’Équité, Diversité et Inclusion (EDI) du même réseau ou encore impliquées dans la formation Camie, qui ont participé à cette étape.

La phase de mise à l’essai empirique a été conduite au sein de trois universités participantes du réseau UQ (UQO, UQTR et UQAR). Pour chacune de ces universités, des personnes étudiantes locales (n=11) et de l’international (n=13), mais aussi des personnes enseignantes (n=20) et des personnes faisant partie du personnel universitaire (n=11) ont été sondées. Elles ont alors pu donner leur avis sur la formation Camie et des moyens de l’améliorer afin de mieux répondre à leurs besoins et préoccupations.

Résultats

La mise en œuvre d’une recherche-développement (RD) et la création d’une formation inédite  

Différents savoirs ont été générés par la réalisation d’une RD en équipe.

Puisque les projets en RD peuvent être modulés par des démarches et des finalités variées (Loiselle et Harvey, 2007), les savoirs de recherche générés par le projet Camie sont importants. Ces savoirs concernent notamment, le temps nécessaire à la réalisation de chacune des étapes d’une RD selon le modèle de Bergeron et Rousseau (2021), l’organisation pratique du travail de recherche favorisant l’échange et la création entre une multitude de personnes ainsi que la découverte de facilitants majeurs, soit l’importance d’un positionnement d’équipe tôt dans le processus. À cela s’ajoute le fait que cette recherche est issue d’un processus de collaboration entre une équipe interdisciplinaire multisituée dans la province de Québec, ce qui a nécessité une organisation du travail à distance. 

La formation créée répond aux besoins et inspire les milieux d’enseignement supérieur. 

Notre projet de RD a mené à la création de la formation Camie, une formation à distance autoportante d’environ 1 heure qui s’adresse à toute la population universitaire et qui couvre plusieurs aspects de l’inclusion. Cette formation a trois objectifs :  

  1. décrire certaines réalités et certains défis rencontrés par les PÉI 
  2. mettre en évidence l’importance d’œuvrer ensemble pour favoriser l’équité, l’inclusion et la diversité socioculturelle sur les campus et ailleurs dans la société 
  3. proposer des pistes d’action concrètes pour favoriser l’inclusion des PÉI

La formation Camie comprend un tronc commun ainsi que deux blocs spécifiques : un premier qui répond surtout à des questionnements et des besoins qui concernent les PÉI et un second qui concerne plutôt les personnes étudiantes locales (PÉL) ainsi que le personnel universitaire.  

Que retenir de nos résultats ?

L’apport humain, le temps et la rigueur sont la clé  

Les phases de mise à l’essai prévues dans la recherche-développement ont permis une très grande bonification de la formation. 

Chacune des phases de mise à l’essai a amené à des modifications substantielles et concrètes de la formation Camie, lui permettant de gagner en pertinence et en qualité. La mise à l’essai fonctionnelle interne nous a permis d’apporter des corrections techniques, de confirmer la compatibilité de la formation avec divers appareils et navigateurs et d’améliorer la vulgarisation de certains contenus.  

La mise à l’essai fonctionnelle externe a amené des réflexions et des modifications concernant le ton adopté dans la formation, les contenus délicats (certains témoignages pouvant être mal interprétés) et la redondance des certains sujets abordés. Elle a également amené la décision de revoir la structure de certains contenus et nous a sensibilisés à la nécessité de sous-titrer les extraits vidéos diffusés.  

La mise à l’essai empirique a, quant à elle, engendré des modifications sur le plan de l’apparence visuelle, de la progression des contenus, de l’emphase sur ceux-ci selon leur pertinence ainsi que de la navigation. Les commentaires, riches et éclairants, ont aussi permis d’ajouter une liste de ressources à la fin de la formation ainsi que des suggestions concrètes d’actions à poser pour favoriser l’inclusion des PÉI. 

   

Certaines pratiques sont, après notre analyse, à considérer comme des éléments favorisant le succès de projets visant la réussite en enseignement supérieur.  

La concertation et la participation

Le fait que plusieurs personnes de différents groupes aient été consultées, à l’aide d’un formulaire comprenant des questions ouvertes et fermées, a permis une lecture multidimensionnelle de l’appréciation de la formation Camie. Les commentaires riches ainsi obtenus ont servi d’appui afin de bonifier l’expérience utilisateur et améliorer le contenu.

Le temps nécessaire pour faire un projet

L’analyse et le traitement des commentaires menant à des modifications concrètes constituent des exercices fastidieux qui nécessitent qu’on prenne le temps de bien le faire pour en retirer tous les bénéfices.

Le développement des contenus basé sur des recherches

Puisque les contenus de la formation ont été, dès le départ, basés sur des connaissances issues de recherches récentes, la pertinence de ceux-ci n’a pas vraiment été remise en question et a été majoritairement saluée.

La bonne collaboration entre les personnes de l’équipe

La collaboration et l’engagement fort des personnes de l’équipe ont permis de s’entendre sur une vision commune, de poursuivre malgré les obstacles et d’en arriver à un produit qui a l’ambition d’être un réel outil original de transformation sociale.

Pour approfondir le sujet

Frozzini, J. (rédacteur invité) (2020). Les étudiants internationaux en milieu universitaire québécois et ailleurs : enjeux interactionnels et expériences interculturelles en contexte de mobilité. Alterstice. Revue internationale de la recherche interculturelle (Numéro thématique), 9(2). 

Frozzini, J., Lévy, J., Côté, D., Dubé, J., Bérubé, F., Tounkara, A. A. et Bernard, G. (2023). Les usages sociaux des technologies de l’information et de communication chez les étudiant·e·s internationaux et internationales en période de confinement lié à la pandémie de la COVID-19 au Québec. Communiquer. Revue de communication sociale et publique, 36.  

Kanouté, F. et Lafortune, G. (rédactrices invitées) (2020). Diversité ethnoculturelle dans l’enseignement postsecondaire au Canada : expériences d’acteur·rice·s et pratiques institutionnelles. Revue des sciences de l’éducation (Numéro thématique), 46(2). 


Références

Bergeron, L. et Rousseau, N. (2021). La recherche-développement en contextes éducatifs. Presses de l’Université du Québec. 

Bérubé, F., Bourassa-Dansereau, C., Frozzini, J., Gélinas-Proulx, A. et Rugira, J.-M. (2021). Les étudiant·e·s internationaux·ales dans le réseau des universités du Québec : pour une meilleure connaissance des interactions en contexte interculturel. Rapport de recherche. Université du Québec à Trois-Rivières, Université du Québec en Outaouais, Université du Québec à Rimouski, Université du Québec à Chicoutimi, Université du Québec à Montréal. 

CAPRES. (2019). Étudiants internationaux en enseignement supérieur.  

Conseil supérieur de l’éducation. (2017). Pour une école riche de tous ses élèves: s’adapter à la diversité des élèves, de la maternelle à la 5e année du secondaire. Gouvernement du Québec.  

Frozzini J. (2023). Understanding inclusion and the social condition of im/migrants: some lessons for the development of training programs [communication orale]. Association internationale de linguistique appliquée, Lyon, France. 

Goulet, M.-J., Bérubé, F., Cambefort, N., Champagne, A., Frozzini, J., Gallard, I., Gélinas-Proulx, A., Rennie, C., Rugira, J.-M. et Saffari, H. (2023, 11 mai). Campus inclusif pour les étudiant·e·s de l’international (CAMIE) : une formation à distance développée pour la communauté universitaire [communication orale]. 90e Congrès de l’Acfas, Montréal, QC, Canada. 

Loiselle, J. et Harvey, S. (2007). La recherche développement en éducation : fondements, apports et limites. Recherches qualitatives, 27(1), 40-59.   

Nair, N. et Vohra, N. (2015). Diversity and Inclusion at the Workplace: A Review of Research and Perspectives (Rapport No. W.P. No. 2015-03-34). Indian Institute of Management.  

Potvin, M. (2018). Pour des milieux éducatifs inclusifs, démocratiques et antidiscriminatoires. Éléments conceptuels et pistes pour une démarche institutionnelles. Observatoire sur la formation à la diversité et l’équité.    

Yamba, E. M., Thériault, D. et Ducol, B. (2021). Les étudiants internationaux à l’enseignement supérieur – Portrait statistique. Ministère de l’Enseignement supérieur.  


Mentions de responsabilité

Éditrice : Karine Vieux-Fort 

Comité éditorial : Karine Vieux-Fort, Anouk Lavoie-Isebaert et Catherine Charron

Révision linguistique : Marie-Eve Cloutier

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ISSN 2817-2817