Une équipe de recherche du Danemark propose un modèle pour comprendre les processus d’abandon, modèle tenant compte de l’influence de trois composantes (ou systèmes) de l’environnement d’études sur la persévérance : sociale, académique et pédagogique.

Les chercheuses Ane Qvortrup et Eva Lykkegaard de l’University of Southern Denmark ont signé l’article intitulé Study environment factors associated with retention in higher education paru dans la revue Higher Education Pedagogies (vol.7, n1, 2022).

Qvortrup et Lykkegaard (2022) ont analysé soixante-cinq articles publiés entre 2013 à 2021 afin mieux comprendre l’abandon et la persévérance des étudiant·es. Elles ont aussi examiné des revues systématiques sur ces thèmes, dont certaines datent des années 2000, « afin de garantir l’ampleur de l’identification des facteurs institutionnels liés au décrochage » (trad. libre, p.41).

Le modèle de Tinto

Les chercheuses appuient leur analyse sur le modèle du sociologue de l’éducation Vincent Tinto (1997). Le modèle institutionnel de Tinto conceptualise le décrochage comme un processus longitudinal impliquant une matrice complexe de variables interdépendantes (p.38) :

Image 1 : Modèle de Tinto, 1997 dans Qvortrup et Lykkegaard, 2022, p.39

L’abandon des études résulterait du manque d’intégration de l’étudiant·e dans l’institution. L’intégration est ici considérée comme le produit de la rencontre entre l’individu et l’institution, tandis que l’institution fait référence à la fois au système social et au système académique (p.38).

À partir de 1997, Tinto décrit le résultat du processus longitudinal par le mot persistence (continuer à étudier), par opposition au mot départ (abandonner) utilisé dans les versions précédentes du modèle.

Principaux résultats

Les résultats de la recension des écrits pointent une multitude de facteurs. L’approche exploratoire adoptée permet toutefois aux chercheuses d’insister sur les variations possibles des différents facteurs liés à l’abandon (p.54). Le fait de s’appuyer sur le modèle institutionnel de Tinto (1997) leur permet de souligner la complexité du concept d’« environnement d’études » et de préciser les catégories de facteurs d’abandon et de persévérance qu’il comprend, soit :

  • sociale ;
  • académique ;
  • pédagogique (ibid.).
Image 2 : Modèle institutionnel d’abandon des études de Tinto (1997) revisité par Qvortrup et Lykkegaard (2022), p.55

L’interdépendance des catégories de facteurs

Qvortrup et Lykkegaard (2022) montrent l’interdépendance de ces trois catégories de facteurs : les facteurs de la catégorie pédagogique sont liés à la fois à la catégorie sociale et à la catégorie académique (ibid.). La participation étudiante, par exemple, bien que placée ici dans la catégorie pédagogique, auraient également pu être placée dans la catégorie sociale. En effet, la participation ne peut se limiter à une salle de classe : les étudiant·es peuvent s’engager autant dans la classe que dans un contexte institutionnel plus large.

La pensée complexe est ici placée dans la catégorie pédagogique, car elle est envisagée comme une opposition à l’apprentissage par cœur (ibid.). Or, elle pourrait être considérée comme faisant partie de la catégorie sociale, car des recherches identifiées par Qvortrup et Lykkegaard indiquent qu’il existe une corrélation positive entre la pensée complexe et l’intégration sociale (p.50).

L’identification académique

Les deux chercheuses revisitent également un terme utilisé par Tinto (1997) : l’intégration académique. Parce que celle-ci implique à la fois le développement intellectuel et la réponse étudiante aux exigences académiques objectives, Qvortrup et Lykkegaard (2022) se demandent en quoi elle se distingue de l’apprentissage, qui fait également partie du modèle (p.54).

Elles suggèrent plutôt le terme d’« identification académique » qui pourrait être une alternative plus précise pour comprendre la relation de l’étudiant·e aux aspects académiques de ses études (ibid.). L’identification académique peut être comprise comme la valorisation intrinsèque des études par l’étudiant·e et la compréhension de celle-ci comme faisant partie de son identité (Osborne et Jones, 2011, dans Qvortrup et Lykkegaard, 2022).

Des relations causales moins rigides

Le modèle proposé par les deux chercheuses conserve la logique originale du modèle institutionnel de Tinto (ibid.). Sous le terme générique d’« environnement d’études », elles ont toutefois ajouté les systèmes social, académique et pédagogique, ainsi que les divers facteurs identifiés dans la littérature (p.55).

De plus, pour Qvortrup et Lykkegaard (2022), la causalité est moins rigoureuse que dans le modèle original de Tinto (1997). Dans le modèle revisité, par exemple, les flèches du modèle original sont laissées de côté pour éviter d’indiquer que les relations causales sont figées (voir Image 2 ci-haut).

Les facteurs d’abandon peuvent être classés en trois systèmes : le système académique, le système social et le système pédagogique, dans lesquels se croisent différents facteurs (voir l’image ci-haut). Selon les chercheuses, il est toutefois nécessaire d’avoir une vision nouvelle et élargie de l’environnement d’études dans lequel les trois systèmes se chevauchent (p.55).

Références :

Qvortrup, A. et Lykkegaard, E. (2022). Study environment factors associated with retention in higher education. Higher Education Pedagogies,(7)1, 37-64. https://doi.org/10.1080/23752696.2022.2072361

Tinto, V. (1997). Classrooms as communities: Exploring the educational character of student persistence. The Journal of Higher Education, 68(6), 599–623. https://doi.org/10.1080/00221546.1997.1177900