La revue Distances et médiations des savoirs présente une série de textes portant sur l’avenir du cours magistral.

Signées par des chercheurs et chercheuses, ces réflexions prennent place dans la rubrique « Débat discussion » disponible dans les trois derniers numéros de la revue (45, 46 et 47). L’ORES propose un aperçu des deux plus récents articles de cette rubrique.

Un cours magistral innovant spatialement

Olivier Perlot (Université de Reims Champagne-Ardenne) propose une réflexion sur la configuration spatiale des amphithéâtres et leur effet sur les cours magistraux. Les amphithéâtres, explique-t-il, constituent des espaces physiques peu flexibles qui engendrent des contraintes à l’enseignement. Or, ces contraintes pourraient-elles se transformer en opportunité pédagogique ?

Pour l’auteur, une piste pour renouveler l’enseignement en amphithéâtre serait de tirer profit des outils numériques pédagogiques, qui sont déjà accessibles à la plupart des étudiantes et des étudiants via leur propre matériel informatique. Ces outils permettraient de créer différents espaces d’apprentissage (réels et virtuels) au sein même de l’amphithéâtre, à savoir :

  • Une scène, lieu de présentation, mais aussi « place publique » où les étudiantes et les étudiants donnent leur avis. Un écran permettrait par exemple de s’exprimer, de voter, de créer des nuages de mots, de demander des explications complémentaires.
  • Un « feu de camp », propice à la réflexion en petits groupes, par exemple dans des espaces de discussion en ligne.
  • Un nid, endroit calme permettant à la personne étudiante de se concentrer sur ses apprentissages. L’isolement pourrait être permis par l’écran – quoique l’auteur reconnaisse que cela pourrait nuire à l’attention des étudiantes et des étudiants.
  • Une oasis, un espace d’apprentissage informel entre pairs. Cela pourrait prendre la forme de groupes de communication créés par les étudiants et les étudiantes pour échanger en dehors du cours.
  • Un laboratoire, permettant l’expérimentation et les ponts entre la théorie et la pratique. L’auteur suggère pour cet espace l’utilisation de documents de prise de notes collaboratives.
  • Des sources, des espaces de lecture pour compléter ses connaissances. Cela se matérialiserait par l’accès à des ressources éducatives libres.

Dans cette reconfiguration, l’amphithéâtre deviendrait alors un lieu d’apprentissage hybride favorisant une cocréation des connaissances. L’auteur reconnaît néanmoins quelques limites à son dispositif qui devra être expérimenté. Il entrevoit notamment des difficultés liées à son approbation par les personnes étudiantes et des risques de surcharge cognitive et de division de l’attention.

Pourquoi le cours magistral se maintient-il ?

Marc Romainville (Université de Namur) s’intéresse aux discours qui entourent le cours magistral. Il s’interroge sur ce qui permet à ce type de cours de se maintenir comme méthode d’enseignement prédominante, malgré les critiques qui l’assaillent depuis plusieurs décennies et malgré la percée de méthodes pédagogiques actives (ex. classe inversée, étude de cas, apprentissage par problème).

L’auteur fait ainsi ressortir le « rapport didactique coût-efficacité » élevé du cours magistral, en comparaison aux obstacles auxquels font face les personnes souhaitant adopter d’autres méthodes pédagogiques.

« Cet avantage concurrentiel rend le cours magistral très attrayant aux yeux d’enseignants universitaires aux prises avec de multiples injonctions, de productivité croissante en recherche et en publication, de participation aux services internes et externes et de reddition diverse de comptes. » (par. 10)

D’un point de vue didactique, Romainville explique que lorsque les conditions sont réunies pour que l’enseignement magistral fonctionne, il s’agit « du chemin le plus court et le moins coûteux vers l’apprentissage. » (par. 12) Ces conditions gagnantes incluent la motivation et l’intérêt des personnes apprenantes, le partage d’un vocabulaire commun entre la personne enseignante et les personnes apprenantes ou encore l’acquisition de nouvelles connaissances qui ne remettent pas fondamentalement en question les savoirs antérieurs.

Même si ces conditions sont rarement réunies, l’enseignement magistral demeure souvent privilégié aux méthodes actives. Ces dernières exigent des personnes qui enseignent de la flexibilité et une capacité d’improvisation et d’adaptation, pour des résultats qui ne sont pas toujours atteints.

L’auteur en appelle donc au développement de recherches objectives permettant de mieux comprendre pourquoi les personnes enseignantes adoptent certaines pratiques pédagogiques, en tenant compte de leurs contraintes et leurs conditions de travail. Des recherches devraient également porter sur les différentes formes de « magistralité » et sur la logique de transmission du savoir.

Références

Perlot, O. (2024). L’amphipédia : Un cours magistral « innovant » par la reconfiguration spatiale de l’amphithéâtre. Distances et médiations des savoirs, 47. https://doi.org/10.4000/12jk9

Romainville, M. (2024). Pourquoi le cours magistral se maintient-il contre vents et marées ? Distances et médiations des savoirs, 47. https://doi.org/10.4000/12jka