Le dernier numéro de la Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire (RITPU) se penche sur le bien-être et les technologies numériques.

L’ORES présente deux articles de ce numéro, l’un portant sur les classes d’apprentissage actif et l’autre sur le labeur numérique.

Les classes d’apprentissage actif (CLAAC) : quelles retombées ?

Une équipe de l’Université du Québec à Chicoutimi signe un article portant sur les retombées perçues de l’utilisation des CLAAC sur l’engagement affectif des personnes étudiantes universitaires.

Qu’est-ce qu’une CLAAC ?

Il s’agit d’une classe dont l’aménagement facilite l’expérimentation de diverses méthodes pédagogiques. Elle combine des tables et des chaises sur roulettes, des surfaces d’écriture collaborative et donne accès à des technologies numériques (ex. ordinateurs, écrans). Ces environnements d’apprentissage sont « conçus pour mettre en œuvre une pédagogie centrée sur les personnes apprenantes, la collaboration et l’utilisation des technologies. » (Beichner, 2014, dans Boily et al., 2024, p.4)

Selon diverses études, les CLAAC permettent d’augmenter le niveau d’interaction, de faciliter le travail d’équipe, de rendre plus aisée la gestion de la classe et de faciliter le partage d’information. Or, l’équipe de recherche note que les changements de pratiques liés à ces classes peuvent aussi déstabiliser les étudiantes et les étudiants, dont certains sont plus à l’aise dans un mode d’apprentissage passif.

L’article présente les résultats de six études de cas composées d’une personne enseignante et de personnes étudiantes d’un même cours.

Ces études de cas ont permis à l’équipe de recherche d’observer que, de façon générale, les caractéristiques des CLAAC ont contribué à accroître l’engagement affectif des personnes étudiantes ayant participé à l’étude, mais qu’elles comportent aussi des aspects négatifs :

  • Les caractéristiques de la CLAAC en matière d’aménagement, de technologies et de ressources matérielles ont contribué à la réalisation conviviale d’activités d’enseignement et d’apprentissage collaboratif. En revanche, certaines réponses rappellent que la CLAAC peut aussi être source de distractions (ex. difficulté de concentration, pertes de temps associées aux problèmes technologiques, temps requis pour l’appropriation de technologies).
  • La CLAAC, associée à un faible ratio personne étudiante-enseignante, offre davantage de possibilités d’interactions, ce qui se répercute favorablement sur l’engagement affectif des personnes étudiantes. En contrepartie, certaines données montrent une « cristallisation » des relations sociales, les étudiantes et étudiants s’habituant à travailler avec les mêmes personnes.
  • L’aménagement des CLAAC ainsi que le faible ratio font en sorte que les personnes étudiantes se sentent « exposées », ce qui les amène à participer davantage, à se réguler et à s’inspirer de leurs pairs. Par contre, cette exposition peut être vécue plus difficilement par les personnes qui préfèrent un environnement moins engageant.

Le labeur associé à l’utilisation des technologies numériques

Une équipe de l’Université du Québec à Montréal et de l’Université de l’Ontario français présente une étude ethnographique portant sur les usages de technologies numériques de trois personnes étudiantes. L’article explore en quoi ces usages peuvent être associés au labeur numérique, définit comme le travail « généré spécifiquement par le numérique au sein de l’activité universitaire étudiante. » (Josselin et al., 2024, p.4)

Les données, collectées par le biais d’entretiens individuels, font ressortir le labeur numérique associé à la gestion de la prise de notes et à l’organisation des données universitaires (fichiers numériques, documents, informations universitaires et ressources pédagogiques générées pendant les études) :

  • En matière de prise de notes, l’équipe constate une tension entre la préférence déclarée de la prise de note manuscrite et la conscience d’avantages liés à la prise de note numérique (mobilité, accessibilité, partage). Les trois personnes participantes racontent avoir testé plusieurs méthodes et outils technologiques, mais que cette utilisation simultanée d’outils papier et numériques entraîne une désorganisation.
  • En ce qui a trait à la gestion des données universitaires, plusieurs tensions sont évoquées : la surabondance d’outils numériques et les difficultés d’organisation qui en découlent, l’appropriation technique associée à l’intégration d’outils numériques infonuagiques, ou encore la fragmentation des lieux de stockage.

Ainsi, si pour certaines personnes, le numérique semble promettre une optimisation des modes de fonctionnement, l’étude révèle que ces attentes sont vite confrontées aux contraintes technologiques qui engendrent un labeur numérique. Ce labeur numérique devrait être davantage étudié afin de mieux comprendre comment il est perçu par les personnes étudiantes et quelle part de leur temps il occupe.

Références

Boily, É., Dumouchel, G., Mailloux, A.-S., Desjardins, É., Jacob, É., et Giroux, P. (2024). Retombées perçues de personnes étudiantes et enseignantes à propos de l’utilisation des classes d’apprentissage actif (CLAAC) sur l’engagement affectif des personnes étudiantes universitaires en sciences de l’éducation. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 21(2). https://doi.org/10.18162/ritpu-2024-v21n2-02

Josselin, M., Collin, S., et Corfa, C. (2024). Le labeur numérique à l’université : Ethnographie du dispositif sociotechnique de trois personnes étudiantes au baccalauréat en éducation à travers leur prise de notes et l’organisation de leurs données universitaires. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 21(2). https://doi.org/10.18162/ritpu-2024-v21n2-09