La Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur (RIPES) a récemment fait paraître son premier numéro de l’année 2024. L’ORES attire l’attention sur 3 articles qui portent plus particulièrement sur des initiatives de soutien auprès de personnes étudiantes.

Que retirent les tuteurs et les tutrices de leur implication auprès de personnes apprenantes en situation de handicap ?

Dans leur article, Lionel Husson, Anne Janand, Isabelle Bournaud (Université Paris-Saclay) ainsi que Ruth Philion (Université du Québec en Outaouais) s’intéressent aux apprentissages réalisés par les personnes étudiantes tutrices auprès de personnes étudiantes et d’élèves en situation de handicap.

Ce tutorat est réalisé dans le cadre d’un programme de la Grande École d’ingénieurs CentraleSupélec (France). Le programme jumelle des étudiants et étudiantes à d’autres personnes apprenantes de niveau scolaire varié (collège, lycée, université) en situation de handicap. Pour bien jouer leur rôle, les personnes tutrices bénéficient d’un accompagnement (formation préalable, séances d’échanges entre tuteurs et tutrices, supervision par une personne coordonnatrice). Elles sont aussi invitées à consigner leurs réflexions dans un journal d’expériences.Les constats de l’équipe de recherche découlent de l’analyse de 12 journaux d’expériences.

Les résultats montrent que les tuteurs et les tutrices retirent plusieurs bénéfices à leur implication. En plus de la satisfaction liée au progrès des personnes qu’elles ont soutenues, les personnes tutrices ont appris à s’adapter aux caractéristiques et aux besoins de la personne tutorée et ont développé des compétences d’écoute, de patience et d’empathie. Elles ont aussi développé une plus grande sensibilité face au handicap.

L’équipe de recherche conclut à l’importance de la formation au tutorat et de la rédaction d’un journal, l’approche réflexive contribuant à une meilleure préparation des séances de tutorat.

Évaluer les besoins étudiants dès la première année universitaire

Sylviane Bachy et Dorothée Baillet, de l’Université libre de Bruxelles, partagent leur expérience d’élaboration d’un test diagnostic, sous forme de questionnaire, destiné aux étudiants et étudiantes en première année d’université.

Ce test permet de recueillir des informations sur certains déterminants de la réussite universitaire (caractéristiques étudiantes à l’entrée, environnement social, facteurs de motivation). Il vise à identifier les personnes susceptibles d’avoir besoin d’accompagnement pédagogique spécifique afin d’adapter l’offre de soutien en conséquence. 

Les autrices présentent aussi quelques analyses découlant des réponses obtenues à la suite de la première passation du test en 2022 (n=3955 personnes étudiantes). Ces données révèlent notamment des contradictions entre le niveau de confiance élevé des personnes étudiantes et les facteurs de risque qu’elles présentent : 94% des personnes répondantes déclarent qu’elles vont réussir l’ensemble de leurs cours, alors que 75% cumulent des facteurs de risques (ex. redoublement, difficultés financières, trouble d’apprentissage). Selon les autrices, il serait donc pertinent de conscientiser les étudiantes et les étudiants aux exigences de l’université et de leur discipline :

« Plus les étudiants seront confrontés rapidement au niveau d’exigence attendu à l’université, plus nous estimons qu’ils pourront s’ajuster et mobiliser les ressources mises à leur disposition. Sans cela, ils n’estimeront pas qu’il est nécessaire de fréquenter des dispositifs d’aide à la réussite. »

(Bachy et Baillet, 2024, par. 39)

Sentiment d’efficacité personnelle et pratiques enseignantes

Dans leur article, Christine Pelletier, Éric Frenette and Nancy Gaudreau, de l’Université Laval, s’intéressent aux liens entre les pratiques enseignantes telles que perçues par les étudiantes et étudiants du collégial, le sentiment d’efficacité personnelle à réussir ses études, le stress et certaines caractéristiques sociodémographiques.

Qu’est-ce que le sentiment d’efficacité personnelle ?

Le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) « correspond à la croyance d’une personne en sa capacité à organiser et à exécuter des actions dans le but d’obtenir le résultat visé. » (Bandura, 2003 dans Pelletier et al., 2024)

Le SEP serait influencé par :

  • Les expériences de maîtrise (les expériences de réussite sont associées à un fort SEP)
  • Les expériences vicariantes (observer une personne similaire à soi-même accomplir une tâche)
  • La persuasion sociale (recevoir des rétroactions verbales et non verbales d’une personne jugée crédible et sincère)
  • Les indices psychophysiologiques (sensations physiques associées à une émotion dans une situation)

Des études ont montré qu’un fort SEP est associé à un meilleur bien-être, à de plus faibles taux d’anxiété et de stress, à la persévérance scolaire et à l’obtention de meilleurs résultats scolaires. (Pelletier et al., 2024)

Grâce à un questionnaire auquel ont répondu 355 personnes étudiantes de 7 cégeps, l’équipe de recherche relève notamment que :

  • Les perceptions des pratiques enseignantes varient selon le genre, l’âge et le programme d’études. Par exemple, les personnes qui étudient dans des programmes techniques identifient davantage chez leurs enseignants et enseignantes des pratiques qui favorisent le SEP. Cela pourrait s’expliquer par la nature des programmes techniques, qui préparent davantage au marché du travail et qui fournissent ainsi des expériences de maîtrise plus fortes que dans les programmes préuniversitaires.
  • Les personnes étudiantes ont identifié quatre types de pratiques enseignantes qui ont un effet positif sur leur SEP à réussir leurs études : « Défis d’apprentissage et choix des tâches », « Modelage par l’enseignant et par d’autres modèles », « Messages d’efficacité » et « Relations positives »

Pour l’équipe de recherche, il importe de s’intéresser aux pratiques enseignantes et à leurs effets sur le SEP. D’une part, cela peut concrètement contribuer au bien-être et à la réussite étudiante. D’autre part, identifier les pratiques les plus porteuses permettrait d’en faire un axe de développement professionnel.

Références

Bachy, S., et Baillet, D. (2024). Identifier les étudiants vulnérables en première année à l’université. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 40(1). https://doi.org/10.4000/ripes.5499

Husson, L., Philion, R., Janand, A., et Bournaud, I. (2024). Tutorat auprès d’apprenants en situation de handicap : Quels apprentissages pour les étudiants-tuteurs d’une Grande École d’ingénieurs? Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 40(1). https://doi.org/10.4000/ripes.5573

Pelletier, C., Frenette, É., et Gaudreau, N. (2024). Liens entre les pratiques enseignantes perçues au collégial, le SEP à réussir ses études et le stress des étudiants. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 40(1). https://doi.org/10.4000/ripes.5479