Au collégial, une personne étudiante sur trois est susceptible de se retrouver sous contrat de réussite. Comment expliquer cette situation ? Comment mieux soutenir ces personnes dans leur projet d’études ?

C’est à ces questions que s’est dédiée une équipe de sept chercheurs et chercheuses de 5 cégeps différents. Leur rapport, Étudiantes et étudiants sous contrat de réussite : les connaître, les soutenir, présente un portrait de ces personnes étudiantes et du soutien qui leur est offert. Il propose aussi un modèle d’intervention qui leur est adapté.

Qu’est-ce qu’un étudiant ou une étudiante sous contrat de réussite ?

Selon le Règlement sur les règlements ou politiques qu’un collège d’enseignement général et professionnel doit adopter, une ou un étudiant ayant échoué à la moitié ou plus de ses cours durant une session doit signer un contrat énonçant les conditions à respecter pour poursuivre ses études. Le non-respect de ce contrat peut mener à l’expulsion.

Selon les données présentées dans le rapport :

  • 35 % des personnes étudiantes échouent à au moins la moitié de leurs cours lors d’une session donnée.
  • En première session, ce sont 15 % des étudiants et étudiantes qui échouent à au moins la moitié de leurs cours. Dans le cas des personnes inscrites dans un cheminement Tremplin DEC, ce taux grimpe à 30 %.
  • Le taux de diplomation de ces étudiantes et étudiants est particulièrement faible : leur taux d’obtention du DEC deux ans après la durée prévue est de 18,5 %, comparativement à 85,4 % pour les personnes n’ayant pas été en situation d’échecs multiples.

Les contrats de réussite sous la loupe

Malgré le fait que près d’une personne étudiante sur 3 se retrouve en situation d’échec pouvant mener à la signature d’un contrat, aucune étude récente ne permet de faire le portrait des étudiants et étudiantes sous contrat de réussite (ESC), ni de comprendre les causes de leurs échecs ou leurs besoins en matière de soutien.

L’équipe de recherche a donc souhaité :

  • Documenter la réalité des ESC (leur portrait statistique, leur parcours, leurs besoins)
  • Produire une typologie des mesures d’aide offertes dans les cégeps (les mesures offertes et leurs retombées)
  • Développer et expérimenter un modèle d’intervention auprès des ESC

Les données présentées dans le rapport de recherche se basent principalement sur :

  • L’analyse des règlements sur la réussite de 53 collèges
  • 26 entrevues auprès des responsables des mesures d’aides proposées aux ESC dans les cégeps participants à l’étude
  • Les banques de données partagées par les cégeps participants, par le Service régional d’admission du Montréal métropolitain (SRAM) et par la fédération des cégeps
  • Des entretiens menés auprès d’étudiants et d’étudiantes sous contrat de réussite

Qui sont les personnes étudiantes sous contrat de réussite ?

Le rapport présente une foule de données sur les caractéristiques des ESC, sur leur parcours scolaire, sur leur diplomation. Ce portrait statistique est issu de l’analyse des données fournies par les cégeps participants, des données sur les parcours scolaires du système de Dépistage des étudiants faibles aux fins d’intervention (DÉFI) et de celles issues du sondage sur la population étudiante des cégeps (SPEC 1).

Nous retenons notamment que :  

  • Les situations d’échecs se produisent dès la première session pour près de la moitié des ESC. L’obtention du DEC pour les personnes qui ont échoué dès leur première session est seulement de 15 %, comparativement à 26 % pour les ESC dont le contrat est arrivé à une session subséquente. Les établissements devraient conséquemment agir tôt pour favoriser le développement des compétences associées au « métier d’étudiant ».
  • Quelques groupes sont plus à risque d’échecs, notamment :
    • les garçons
    • les personnes âgées de 18 ou 19 ans à leur arrivée au cégep
    • les personnes inscrites au cheminement Tremplin DEC, les personnes dont les antécédents scolaires sont plus faibles, ou celles et ceux ayant été refusés dans le programme collégial de leur choix.

L’équipe de recherche suggère que ces caractéristiques « pourraient servir pour cibler des groupes susceptibles de devenir des ESC dès l’arrivée au collégial afin de leur offrir en priorité des services ou des mesures d’aide. » (p.103)

Les contrats de réussite contribuent-ils à la réussite étudiante ?

Alors que les contrats de réussite ont été mis en place dans le but de stimuler la persévérance et d’obliger les établissements collégiaux à offrir des mesures d’accompagnement pour les ESC, les données analysées montrent que ces objectifs sont peu atteints :

  • Entre 25 et 45 % des étudiants et étudiantes ayant connu des échecs multiples ne signent pas de contrat et abandonnent plutôt leur session
  • Chez les personnes qui signent un contrat, le taux d’échec à la moitié ou plus des cours varie de 30 à 50 %

En ce qui a trait aux mesures d’aide offertes, le rapport montre qu’elles consistent généralement en un allégement de l’horaire et une rencontre avec une ou un aide pédagogique individuel (API). De plus, les mesures d’aide offertes à tous les étudiants et étudiantes (ex. centres disciplinaires, tutorat par les pairs, centre d’aide méthodologique) sont peu utilisées par les ESC.

Un modèle d’intervention adapté aux étudiants et étudiantes sous contrat

S’appuyant sur les données récoltées dans le cadre de sa recherche, l’équipe propose un modèle d’intervention qui vise les étudiants et étudiantes en échecs multiples, signataires d’un contrat après leur première session.

Ce cadre propose quatre mesures d’accompagnement :

  1. Un diagnostic des besoins au moyen d’un questionnaire d’autoévaluation. Ce questionnaire aiderait l’ESC à identifier ses forces, ses difficultés. Il fournirait aussi une base de discussion lors de la première intervention.
  2. La prolongation de la période de signature du contrat jusqu’à la troisième semaine de la session. Cela permettrait d’alléger l’horaire des API, ce qui leur permettrait de rencontrer individuellement les ESC. Le mode de transmission électronique du contrat, mal perçu par les ESC, serait ainsi évité.
  3. Une rencontre tôt dans la session entre l’ESC et un intervenant ou une intervenante. Cette rencontre permettrait « d’humanise[r] le processus de signature du contrat », « de bien informer l’ESC de la nature de son contrat » (p.151) et de proposer un plan d’action en cohérence avec le diagnostic des besoins.
  4. Un suivi durant toute la session, notamment avec une rencontre de mi-session afin d’évaluer les progrès de l’ESC, de l’encourager dans sa démarche et de lui proposer des ajustements au besoin. Une rencontre de bilan, à la fin de la session, permettrait également de souligner la réussite de l’ESC qui a respecté son contrat et de mettre en évidence les stratégies qui ont contribué à la réussite. Pour les ESC n’ayant pas respecté leur contrat, cette rencontre permettrait d’analyser les obstacles rencontrés et d’aborder les prochaines étapes du parcours. 

Ce modèle a été expérimenté dans 4 cégeps à l’hiver 2023. Il a été évalué par les ESC participants et par les personnes qui les ont accompagnés. Cette évaluation montre que le modèle contribue à enrichir les rencontres entre les API et les ESC. Le modèle d’intervention a aussi favorisé la motivation et la persévérance scolaire des ESC, en plus de susciter une réflexion institutionnelle sur la gestion des contrats de réussite.

Des pistes d’amélioration ont également été identifiées et un deuxième modèle d’intervention est en cours de conception. Il sera testé à l’automne 2024 ou à l’hiver 2025.

Au-delà du contrat de réussite…

L’équipe conclut avec plusieurs pistes de réflexion quant à la nature des contrats et leurs effets sur le cheminement scolaire. Nous en retenons deux :

L’exclusion des personnes étudiantes en cas de non-respect des clauses des contrats de réussite est-elle la meilleure approche ? Le « désert de services » dans lequel sont placées les personnes expulsées est peu propice à un retour aux études. L’équipe de recherche estime qu’une gradation des conditions et des sanctions du contrat serait plus pertinente.

Faut-il vraiment instaurer des contrats de réussite dès la première session ? Les échecs sont déjà dévastateurs et les contrats de réussite rajoutent un stress supplémentaire. Offrir un meilleur soutien, qui permettrait à la personne étudiante de réfléchir à sa situation, d’explorer des pistes de solution et de bénéficier des services requis sans l’épée de Damoclès que représente le contrat de réussite, semble une meilleure option.

Référence

Paquette, C., Gaudreault, M., Trudel, D., Gaudreault, M., Maltais, C, et Charrette, M-P. (2024). Les étudiantes et les étudiants sous contrat de réussite dans le réseau collégial : les connaître, les soutenir. Cégep André-Laurendeau.