Dans son article intitulé « Academic success from an individual perspective: A proposal for redefinition » et publié dans International Review of Education, Oz Guterman propose de définir la réussite scolaire à l’aune des attentes personnelles des étudiant·es. Guterman est professeur au Western Galilee College en Israël.

La note de recherche de l’auteur présente une approche distincte des autres recherches sur le sujet en mettant l’accent sur l’évaluation de la réussite scolaire d’après les aspirations individuelles de l’étudiant·e, soit en comparant « les réalisations des apprenants avec leurs propres objectifs » (Guterman, 2021, p. 406). Comment, se demande l’auteur, mesurer adéquatement la réussite scolaire sans prendre en compte le « point de vue personnel des étudiant·es concernant leurs propres réalisations » ? (Guterman, 2021, p. 403)

Limites de la mesure de la réussite par les notes

Le chercheur s’inspire de travaux scientifiques critiques de la manière dont la performance scolaire est mesurée en Occident. À ce titre, Guterman nous présente les travaux de nombreux·euses chercheur·euses qui ont remis en question l’usage exclusif et privilégié des notes comme « mesure de la réussite scolaire ». Ce système de notation serait culturellement biaisé, selon eux·elles.

« En effet, des disparités importantes ont été constatées dans les résultats, les notes, les taux d’achèvement [scolaire] et les droits de qualification (en d’autres termes, des mesures prétendument objectives de la réussite), dans la mesure où elles profitent aux groupes culturels majoritaires et désavantagent les membres des groupes ou cultures minoritaires. » (traduction libre)

Guterman, 2021, p. 405

Chaque culture aurait ses particularités en matière d’évaluation et ses propres critères de réussite. Dans les sociétés occidentales, le système de notes constitue le fil d’Ariane de l’évaluation tout au long du cheminement scolaire.

Trois approches de la réussite scolaire

Dans sa note de recherche, Guterman identifie trois cadres de référence permettant de mesurer/évaluer la réussite scolaire :

  1. à partir de critères externes, c’est-à-dire ceux définis par le·la professeur·e;
  2. à partir d’une référence normative, soit la comparaison des résultats d’un·e étudiant·e avec ceux de ses compagnons (moyenne de groupe, par exemple);
  3. à partir de l’autoréférence, soit les résultats mesurés à l’aune des objectifs personnels de l’individu (Guterman, 2021, p. 405).

Une histoire de l’évaluation en quatre générations

S’inspirant de l’ouvrage phare sur l’évaluation des étudiant·es, intitulé Fourth Generation Evaluation par Egon Guba et Yvonna Lincoln (1989), l’auteur replace ses réflexions dans la lignée de la quatrième génération. 

Les trois premières générations d’évaluation, souvent utilisées en complémentarité, se concentrent sur le processus d’évaluation comme tel, en privilégiant, selon la génération, soit :

1. « les résultats du processus d’évaluation (1re génération);

2. le fonctionnement du processus d’évaluation (2e génération);

3. les objectifs du processus d’évaluation (3e génération) ». (traduction libre)

Gumertam, 2021, p. 406

Quant à la quatrième génération, elle fait ressortir la subjectivité du regard de l’évaluateur·trice, la nécessaire contextualisation de l’évaluation, et par conséquent, amène les évaluateurs·trices à adopter une approche participative, c’est-à-dire que les évalué·es sont appelé·es à participer à leur évaluation. Par exemple, en participant :

1. « à la définition des objectifs de l’évaluation;

2. à la détermination de l’instrument d’évaluation;

3. à l’élaboration du plan d’action. » (traduction libre)

Guterman, 2021, p. 407

L’auteur inscrit donc sa démarche de réflexion et de redéfinition de la réussite scolaire dans le cadre de cette quatrième génération qui intègre le point de vue de l’évalué·e. Ainsi, les chercheurs qui se réclament de cette quatrième génération insistent sur l’importance de l’« autoperception académique comme prédicteur important de la réussite scolaire » (Guterman, 2021, p. 409).

Évaluer la réussite scolaire en amont et en aval

Pour Guterman, une approche évaluative qui évince les critères personnels de l’évalué·e au regard de sa propre réussite scolaire s’avère incomplète. Selon lui, il importe de définir des critères qui permettent de jauger « la différence entre les réalisations attendues et souhaitées des étudiant·es, d’une part, et les résultats obtenus, d’autre part » (Guterman, 2021, p. 410).

Dans son exemple de méthode évaluative, l’auteur propose d’utiliser les notes, mais d’une manière inédite. Dans un premier temps, il s’agit de demander aux étudiant·es quel est leur objectif en ce qui concerne les notes à l’égard de leur travail ou de leur examen; soit le « résultat souhaité ». Dans un second temps, il s’agit de soustraire cette note espérée à la note obtenue.

« Les résultats de cette opération arithmétique peuvent permettre d’obtenir une représentation signifiante de la perspective de l’étudiant·e. Un résultat positif représente une réussite supérieure à celle attendue par l’étudiant·e; plus la différence est positive, plus la note réelle dépasse les aspirations de l’étudiant·e. Un résultat négatif représente un résultat inférieur à celui auquel l’étudiant·e s’attendait. Ainsi, cette mesure permet de comparer les résultats scolaires de différents groupes en fonction de leurs attentes respectives ». (traduction libre)

Guterman, 2021, p. 410-411

Guterman propose donc une méthode d’évaluation par l’étudiant en amont de sa performance par le biais de la formulation de l’estimation de sa note prévue; et une méthode d’évaluation « externe ou référentielle » plus traditionnelle, en aval du processus d’évaluation. En somme, la comparaison entre les deux évaluations permettrait, selon lui, d’obtenir une évaluation plus juste de la réussite scolaire des étudiant·es.

Références : Guterman, O. (2021). Academic success from an individual perspective: A proposal for redefinitionInternational Review of Education 67, 403–413.

Guba E. et Lincoln Y. (1989). Fourth Generation Evaluation. Sage Publications Inc., 296 p.