Parutions
La pandémie et le chamboulement des expériences universitaires
13 octobre 2022
Parutions
13 octobre 2022
Intitulé Enseigner, apprendre et chercher à l’université en temps de pandémie, ce numéro offre un coup d’œil sur les expériences universitaires, individuelles et collectives chamboulées par la pandémie.
Le CAPRES relève quatre articles particulièrement liés aux enjeux d’accessibilité, de persévérance et de réussite en enseignement supérieur.
Les formatrices en didactique Corinne Ramillon (Haute école pédagogique du Valais), Slavka Pogranova (Université de Genève) et Apolline Torregrosa (Université de Genève) présentent un retour sur leurs expériences de formation à distance dans le cadre des programmes de formation en éducation.
Leur article, Créer une ingénierie d’urgence pour un enseignement à distance : expériences croisées de trois formatrices, s’intéresse à l’impact de la pandémie sur le format d’enseignement, les adaptations des contenus et des tâches ainsi que sur les interactions avec les personnes étudiantes. Le regard des formatrices, qui enseignent trois disciplines différentes, fait ressortir des aspects transversaux du vécu de la transition vers l’enseignement à distance :
« Parmi les aspects transversaux, la flexibilité dans la temporalité, l’anticipation des cours, une bonne organisation, la confiance et la coresponsabilité de la formation avec les participant·es ainsi que la variété des ressources disponibles à tout moment et en tous lieux, soit un accès diversifié et différencié aux savoirs, se sont avérées très importantes. »
(Ramillon, Pogranova et Torregrosa, 2022, §22)
Renaud Cornand chargé d’études à Aix-Marseille Université, s’intéresse à l’expérience d’apprentissage des étudiants et étudiantes dans l’article Les autres en moins : les étudiant·es en sciences de l’éducation face à l’enseignement à distance.
Les résultats présentés découlent d’un questionnaire adressé aux étudiants et étudiantes des sciences de l’éducation. Celui-ci portait sur les conditions d’études, les origines sociales et scolaires, les échanges avec les autres membres de la communauté étudiante et le rapport à l’enseignement à distance.
L’analyse montre que l’enseignement à distance n’a pas été perçu comme un « enseignement impossible », « mais plutôt comme un contexte qui dégrade les conditions de cette transmission » (Cornand, 2022, §22) en raison des rapports aux enseignants et enseignantes amoindris et de la perte du cadre collectif entourant l’apprentissage. Plus largement, les personnes étudiantes estiment que la traversée de la pandémie a été particulièrement difficile en raison du manque de sociabilité.
Dans l’article Brèche dans l’université : institution latente, fragile et vivante en temps de crise, Pierre-Marie Chauvin, maître de conférences à La Sorbonne, réfléchit à la pandémie l’appréhendant à la fois comme un événement déstabilisant, qui a mis en lumière les fragilités et les forces des universités françaises, et comme une « brèche » ouvrant la voie aux expériences originales.
Outre les enjeux liés à l’encadrement pédagogique, mis à mal avec le passage à l’enseignement à distance, l’auteur relève les effets de la crise sur la situation socioéconomique et la santé mentale des étudiants et étudiantes. Malgré l’offre de soutien accrue des universités, Pierre-Marie Chauvin fait valoir que cette aide ne répond pas aux enjeux liés à l’angoisse des étudiants et étudiantes quant à leur avenir et à l’avenir planétaire (§7). L’auteur soulève une troisième fragilité : celle du sous-équipement informatique des universités françaises et des populations étudiantes.
En parallèle, les universités ont révélé leurs forces durant la pandémie avec la stabilité des budgets et des ressources humaines, la solidarité entre les différents membres de la communauté universitaire, la cohésion des communautés pédagogiques et l’effervescence de la recherche scientifique (§12 à 15).
Maryvonne Charmillot – maîtresse d’enseignement et de recherche à l’Université de Genève – , Olivia Vernay – doctorante à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation – et Amandine Gouttefarde – docteure en sciences de l’éducation – s’intéressent aux doctorantes et doctorants dans leur article Témoigner de son expérience doctorale : une contribution à la réflexion collective sur les conditions de formation, de travail et d’existence en temps de pandémie.
Charmillot, Vernay et Gouttefarde rappellent que le sens donné à l’expérience doctorale dans le parcours de vie influence la motivation à progresser (Skakni, cité par Berthiaume et al. dans Charmillot, Vernay et Gouttefarde, 2022). Grâce à l’analyse des témoignages écrits de quatre étudiantes au doctorat, les chercheuses observent que la pandémie semble avoir renforcé les questionnements des doctorantes sur le sens social et politique de leur contribution scientifique. Celles-ci s’interrogent sur les façons de créer des rapports plus juste dans la production des connaissances et évoquent des enjeux liés aux liens entre les communautés scientifiques et les communautés concernées par les recherches.
Pour les chercheuses, ces témoignages s’inscrivent dans une pensée plus large où, au sortir de la pandémie, le monde de l’enseignement et de la recherche est amené à se redéfinir et à interroger davantage la logique de production scientifique actuelle.
Charmillot, M., Vernay, O., et Gouttefarde, A. (2022). Témoigner de son expérience doctorale : Une contribution à la réflexion collective sur les conditions de formation, de travail et d’existence en temps de pandémie. Raisons éducatives, 26(1), 279‑303.
Chauvin, P.-M. (2022). Brèche dans l’université : Institution latente, fragile et vivante en temps de crise. Raisons éducatives, 26(1), 197‑213.
Cornand, R. (2022). Les autres en moins : Les étudiant·es en sciences de l’éducation face à l’enseignement à distance. Raisons éducatives, 26(1), 175‑195.
Ramillon, C., Pogranova, S., et Torregrosa, A. (2022). Créer une ingénierie d’urgence pour un enseignement à distance : Expériences croisées de trois formatrices. Raisons éducatives, 26(1), 139‑154.
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