L’organisme américain Educause, qui s’intéresse à l’utilisation des technologies de l’information en enseignement supérieur, vient de faire paraître son Horizon Report 2024.

Ce rapport annuel présente les principales tendances susceptibles de façonner le futur de l’enseignement supérieur. Il découle d’un exercice participatif rassemblant un panel d’une soixantaine de personnes expertes et praticiennes œuvrant dans les domaines de l’enseignement supérieur, de l’apprentissage et des technologies.

Il est composé de trois sections :

  • Un portrait des tendances sociales, technologiques, économiques, environnementales et politiques qui auront des impacts sur l’enseignement supérieur
  • Une identification des technologies qui ont le potentiel d’accélérer ou de modérer ces tendances
  • Quatre scénarios prospectifs découlant des tendances et des technologies identifiées.

L’ORES se concentre ici sur les tendances présentées dans le rapport.

Tendances sociales : la flexibilité, à quel prix ?

La première tendance sociale identifiée concerne le déclin de la perception de la valeur de l’enseignement supérieur dont les bénéfices sont remis en question. On remarque une incertitude quant aux perspectives d’emploi associées à la diplomation qui s’accompagne d’une réticence à s’endetter pour étudier. Pour les panélistes, cette tendance amènera une révision des pratiques pédagogiques (au profit de l’apprentissage expérientiel, par exemple), une attention accrue envers l’insertion professionnelle des personnes diplômées et l’adoption de mesures pour favoriser l’accessibilité financière.

Autre tendance : le profil démographique des personnes qui étudient change, en matière d’âge et d’origine ethnoculturelle et socioéconomique. Cette situation demande aux établissements une plus grande adaptation pour répondre à des besoins variés, que ce soit en termes de pédagogie, de flexibilité, de type de programmes ou encore de services de soutien aux étudiantes et étudiants.

Enfin, loin de décroître, l’appétit pour des modalités d’apprentissage hybrides, flexibles et personnalisées fait désormais partie des attentes des étudiantes et étudiants. Autrement dit, les personnes étudiantes veulent un accès à l’apprentissage « en tout temps et en tout lieu ». Cette réalité forcera les établissements à trouver le bon équilibre pour offrir différentes options d’apprentissage, tout en veillant à l’atteinte des objectifs pédagogiques.

Tendances technologiques : mitiger les risques et accroître les bénéfices

Les innovations technologies se succèdent rapidement et entrainent leur lot d’opportunités et de menaces.

À cet égard, le rapport note un accroissement des inquiétudes en lien avec la cybersécurité et la protection de la vie privée. Les cyberattaques sont devenues courantes et les techniques des cybercriminels se raffinent. En conséquence, les établissements devront former les membres de leur communauté, mais aussi faire des choix réfléchis quant à l’adoption de nouvelles technologies.

Les panélistes notent également un recours accru à l’analyse de l’apprentissage [learning analytics]. Ce type d’analyse est prometteur pour la planification institutionnelle et le soutien à la réussite étudiante. Pour en tirer profit, les établissements devront toutefois tenir compte des risques légaux associés à la collecte de renseignements personnels et s’assurer d’avoir les infrastructures technologiques et le personnel requis pour de telles analyses.

La fracture numérique demeure un problème auquel les établissements doivent s’attaquer, notamment en favorisant le développement de la compétence numérique étudiante.

Tendances économiques : des pressions exercées par le marché de l’emploi

Trois tendances économiques sont relevées dans le rapport :

  1. Une demande accrue pour la main-d’œuvre qualifiée. Cette demande découle des bouleversements dans le marché de l’emploi, notamment en raison des changements technologiques. En conséquence, les microprogrammes se taillent une place accrue. De leur côté, les programmes traditionnels devront permettre le développement des compétences professionnelles, sans pour autant délaisser le développement de compétences transversales.
  2. Les défis liés à la rétention des employés et employées affectent également les établissements d’enseignement. D’une part, ils doivent eux-mêmes favoriser la rétention de leur personnel. D’autre part, ces défis leur offrent des occasions de collaborer avec des employeurs pour favoriser le développement professionnel au sein d’entreprises.
  3. La dette étudiante freine les inscriptions à l’université. Les établissements doivent favoriser l’accessibilité financière et ainsi demeurer compétitifs face à d’autres parcours de formation (ex. formation professionnelle).

Tendances environnementales : la nécessité d’agir maintenant

Les panélistes observent que les établissements sont de plus en plus nombreux à prendre des engagements environnementaux. L’arrivée d’étudiantes et d’étudiants de plus en plus conscientisés et exigeants face aux efforts de leur établissement accélérera vraisemblablement cette tendance.  

Alors que les outils basés sur les données massives, comme l’IA, se répandent en enseignement supérieur, leurs effets environnements attirent l’attention. Une meilleure compréhension des impacts de ces outils et la réduction de leur empreinte écologique s’avèrent nécessaires.  

Enfin, les panélistes observent une demande accrue pour des compétences en environnement chez les travailleurs et travailleuses de tous les secteurs. Une plus grande intégration des défis environnementaux dans les cursus est anticipée.

Les tendances politiques : les effets de la polarisation

Les tendances politiques évoquées dans le rapport relèvent surtout du contexte des États-Unis. Relevons néanmoins les risques liés à la polarisation accrue, qui s’accompagne de tensions dans les universités, notamment en lien avec la liberté d’expression. Notons également le besoin de politiques qui encadrent les technologies émergentes, ce qui fait écho à certaines recommandations du Conseil supérieur de l’éducation au sujet de l’intelligence artificielle en éducation.

Sans oublier… les bouleversements associés à l’IA

Cette édition du rapport d’Educause dédie une section entière à l’IA, mettant ainsi de l’avant ses effets :

  • Sur la communication. Les panélistes estiment que le recours à des robots conversationnels risque d’influencer la communication humaine et le développement de compétences socioaffectives.
  • Sur la pédagogie et l’expérience étudiante. D’une part, il apparait primordial de développer la littératie en matière d’IA. D’autre part, les nombreux usages des outils d’IA forceront de multiples mises à jour des politiques et lignes directrices les concernant.
  • Sur l’économie et le monde du travail. Les établissements d’enseignement supérieur doivent préparer leurs étudiantes et étudiants à un monde professionnel dans lequel les outils d’IA seront de plus en plus utilisés.   
  • Sur l’environnement politique. Alors que les outils d’IA (et leur potentiel de désinformation) auront un impact croissant sur le monde politique, les établissements devront redoubler d’efforts pour accroître les compétences informationnelles de leurs étudiantes et étudiants.

Référence

Pelletier, K., McCormack, M., Muscanell, N., Reeves, J., Robert, J. et Arbino, N. (2024). 2024 EDUCAUSE Horizon Report, Teaching and Learning Edition. Educause. https://library.educause.edu/-/media/files/library/2024/5/2024hrteachinglearning.pdf