Les recherches récentes sur la persévérance en enseignement supérieur réfèrent souvent à un concept complémentaire à la motivation : l’engagement de l’étudiant·e dans ses études. La motivation et l’engagement seraient intimement liés :  la première serait le premier pas qui peut mener au second (Parent, 2014).

Alors que la motivation incite à s’engager, à participer et à persister dans une tâche scolaire (Barbeau, 1993, cité dans Parent, 2014), l’engagement constitue l’interrelation entre l’importance qu’une personne accorde aux études et à la vie extrascolaire ou extra-académique, c’est-à-dire l’effort consenti pour acquérir du savoir et les liens créés avec son environnement (CSE, 2008; Parent, 2014). L’engagement possède donc un attribut que la motivation n’a pas : la participation active (ibid.).

Alors que la motivation serait la force qui pousse l’étudiant·e à faire le premier pas vers l’action, l’engagement serait ce qui le ou la propulse, l’amène à faire le deuxième pas et les suivants (Parent, 2018). En ce sens, la motivation serait comme une photo d’un·e étudiant·e à un moment donné, et l’engagement, la vidéo de ses comportements au fil du temps (ibid.).

L’engagement de l’étudiant·e dans un cours ou dans un programme d’études est donc ancré dans l’action et décrit l’énergie investie dans les activités d’enseignement et d’apprentissage proposées par l’enseignant·e (Heilporn et al., 2021). Cette capacité d’investir du temps et des efforts dans le programme de formation est importante si l’étudiant·e a une perception :

  • de contrôle sur les activités d’apprentissage;
  • de compétence dans ces activités (Bédard, 2017).

Autrement dit, selon le modèle de Viau, un·e étudiant·e s’engagera plus fortement si un certain contrôle sur les activités d’apprentissage est perçu, si une valeur (intérêt et utilité) est perçue et si ces activités offrent un défi à la hauteur de ses habiletés (Viau, 2009).

Les trois dimensions de l’engagement

La définition la plus courante de l’engagement en tant que processus évolutif et multidimensionnel est celle de Fredricks, Blumenfeld et Paris (2019, cités dans Heilporn et al., 2021), selon lesquels l’engagement se décline en trois dimensions :

  • émotionnelle/affective, soit les réactions affectives et l’intérêt envers l’enseignant·e, ses pair·es et les activités; le sentiment d’appartenance au groupe-cours;
  • cognitive, soit l’investissement intellectuel dans le cours; l’utilisation de stratégies d’apprentissage;
  • comportementale, soit le suivi des normes et des règles du cours; la participation aux activités d’enseignement et d’apprentissage.

Ces dimensions, qui sont interreliées, sont résumées dans le schéma triangulaire de Parent (2017) ci-contre :

Ces dimensions représentent des niveaux d’action sur lesquels l’enseignant·e peut intervenir. Les résultats de recherche de Parent (2017) montrent des variations relativement importantes de l’engagement en cours de session, confirmant l’idée que le fait d’être engagé·e à un certain degré relève d’un état variable et non permanent. La chercheuse propose quelques pistes d’action pour susciter l’engagement des étudiant·es :

  • diversifier les pratiques pédagogiques ;
  • susciter l’adhésion des étudiant·es aux activités pédagogiques, notamment en connaissant leurs intérêts ;
  • soutenir le volet extrascolaire, entre autres, en tenant compte du besoin de soutien psychologique, du besoin d’orientation, de la nécessité de rehausser les compétences en littératie, etc. (Parent, 2018).

Selon Bédard et al. (2012), le meilleur prédicteur de l’engagement dans un programme d’études est le soutien offert aux étudiant·es, par les pair·es, les enseignant·es ou le personnel du programme, car il est associé à une diminution du stress perçu. Par conséquent, il importe de :

  • rehausser les possibilités de contrôle sur les activités offertes pour que les étudiant·es développent une perception positive de leur compétence (en donnant des choix d’évaluation, par exemple);
  • proposer des tâches aux étudiant·es qui correspondent à leur niveau d’habiletés, d’apprentissages ou de compétences et à l’avancement du cours;
  • fournir des outils d’autoévaluation pour favoriser le développement de leur autonomie (Bédard, 2020).

L’engagement en formation à distance

Dans un récent article, les chercheuses Heilporn, Lakhal et Bélisle (2021) font état des résultats de la recherche qualitative menée dans le cadre de la thèse de doctorat d’Heilporn portant sur les stratégies pédagogiques qui favorisent l’engagement des étudiant·es dans les cours hybrides[1]. Les stratégies suivantes sont évoquées :

  1. présenter une structure de cours claire, continue et unifiée : le cours est ainsi divisé en différents modules d’enseignement et d’apprentissage, dans lesquels l’enseignant·e précise quelles activités réaliser, à quel endroit et à quel moment;
  2. maintenir un rythme soutenu : les rencontres synchrones sont courtes et dynamiques (1 h 30 – 2 h max.), et une planification précise et détaillée facilite leur déroulement;
  3. sélectionner des activités intéressantes pour les étudiant·es : par exemple, des activités fondées sur leurs intérêts, ayant un lien avec leur vie personnelle ou leur future pratique professionnelle;
  4. choisir des activités qui promeuvent un apprentissage actif : ces activités peuvent être individuelles ou collaboratives, par exemple, des discussions en petits ou grands groupes, des débats, des jeux de rôles et simulations, des apprentissages expérientiels;
  5. offrir des choix dans le cours, par exemple, dans le choix du sujet d’un travail, le matériel pédago­gique utilisé, le format de remise d’un travail;
  6. développer des relations de confiance entre les étudiant·es et l’enseignant·e dès le début du cours;
  7. guider et soutenir les étudiant·es tout au long du cours (ibid.).

Afin de mieux outiller les enseignant·es quant aux stratégies à privilégier dans leurs cours, les chercheuses ont aussi développé un questionnaire permettant de mesurer l’engagement des étudiant·es dans différents formats de cours hybrides[2].

L’engagement aux cycles supérieurs

En s’inspirant des travaux de Murray (2012, 2015) sur le soutien des étudiant·es en rédaction, Tremblay-Wragg, Mathieu-C. et Belleville (2017) identifient trois dimensions de l’engagement aux 2e et 3e cycles universitaires (maîtrise et doctorat) :

  • cognitive : l’engagement renvoie ici au fait de rendre la rédaction prioritaire chez l’étudiant·e. Il s’agit de lui apprendre à se « désengager » d’autres tâches (réunions, conférences académiques, formations complémentaires, enseignement, etc.). À l’aide d’un calendrier comprenant des objectifs clairs et réalistes, la direction de recherche détermine avec les étudiant·es les moments lors desquels l’étudiant·e s’engagera concrètement dans la rédaction (ibid.).
  • physique : s’engager renvoie dans cette dimension au choix de conditions propices et de contextes favorables à la concentration et à la rédaction. Se « désengager » d’autres tâches signifie ici s’éloigner des sources de distraction potentielles : réseaux sociaux, séries télévisées, etc. (ibid.).
  • sociale : s’engager renvoie à la participation à des séances de rédaction, à des groupes de soutien à la rédaction ainsi qu’à des retraites structurées (les initiatives Thèsez-vous?, Et si on rédigeait!, par exemple). Se « désengager » d’autres tâches consiste à refuser certaines demandes connexes au projet de recherche et accepter que cela puisse déplaire à ses pair·es, à ses collègues, à sa direction de recherche (ibid.).

À l’image d’un marathon, la rédaction d’un mémoire ou d’une thèse exige un engagement constant et récurrent (ibid.). Pour les soutenir dans la réussite de cette entreprise et favoriser leur persévérance et leur engagement dans leur projet d’études, les directions de recherche devraient être davantage formées sur la santé mentale des étudiant·es des cycles supérieurs (Denis, 2020; Litalien, 2014). Elles devraient aborder la question de l’isolement et souligner les effets positifs de s’engager dans la rédaction avec d’autres étudiant·es qui vivent la même réalité (Tremblay-Wragg et al., 2017).


[1] Des cours hybrides qui combinent des temps d’activités d’enseignement et d’apprentissage dans les modes synchrones et asynchrones, selon une alternance et des proportions variables. Pour une typologie des formats des cours hybrides, voir Heilporn, Lakhal et Bélisle, 2021, p. 5.

[2] Il s’agit ici d’un outil validé en contexte francophone et partagé sur demande. Pour plus de détails, contactez : [email protected].