À l’automne 2023, l’Université du Québec annonçait le lancement d’Odyssée Numérique : un jeu sérieux sur la compétence numérique . Cette ressource pédagogique vise à soutenir le développement de la compétence numérique des personnes étudiantes, contribuant ainsi à la réduction des inégalités numériques susceptibles de nuire à l’accès aux études et à la réussite étudiante (Collin, Guichon et Ntébutsé, 2015). La réalisation de cette initiative se distingue par la collaboration multisectorielle et interuniversitaire qui l’a rendue possible, de même que par la place accordée à la voix des étudiants et des étudiantes tout au long de l’élaboration du jeu.

L’envolée d’une collaboration interuniversitaire

Propulsé à l’hiver 2021, grâce au Fonds de développement académique du réseau de l’Université du Québec (UQ), le projet de jeu sérieux a réuni des personnes enseignantes, professionnelles et étudiantes des dix établissements de l’UQ. Ce comité avait pour mandat de réfléchir à la conception de ce type de ressource pédagogique selon des enjeux, notamment d’équité, de diversité et de réussite. Les travaux de ce comité ont également permis de raffiner la compréhension de la compétence numérique et de ses implications selon les perspectives des divers secteurs universitaires en soutien à la réussite étudiante (service à la communauté étudiante, services des bibliothèques, enseignement et conseillance pédagogique).

Une odyssée aux multiples expertises

Accompagnés par un comité de coordination et organisés selon une structure de travail en sous-comités, les travaux du comité ont permis de traiter en profondeur les multiples aspects liés au développement du jeu sérieux sur la compétence numérique.

La progression et la cohérence des travaux réalisés par chacun des sous-comités ont été assurées par des rencontres du comité de projet planifiées sur une base régulière. Ces rencontres ont permis de :

1- Faire état de l’avancement des travaux de chacun des sous-comités, pour lesquels, le mandat était bien établi :

  • Choix de la technologie : analyser les technologies éducatives possibles selon les ressources disponibles;
  • Game design : soutenir et guider les réflexions du comité de projet au regard des possibilités de développement, dans le respect des principes d’un jeu sérieux; ​
  • Scénarisation pédagogique : proposer une trame narrative sollicitant les dimensions de la compétence numérique adaptées au contexte universitaire​;
  • Définition des profils : proposer des pistes de personnalisation dans le jeu et explorer les possibilités d’adapter le parcours d’apprentissage selon la progression;
  • Consultation des étudiants et étudiantes : identifier les méthodes de collecte d’informations appropriées pour recueillir les perceptions de la population visée.​

2- Soulever des questionnements, des limites, ou des enjeux rencontrés par les sous-comités;

3- Discuter de manière concertée des orientations à donner au projet.

Des activités pour favoriser l’engagement et le sentiment d’appartenance

Afin de mobiliser et de favoriser tant l’engagement que le sentiment d’appartenance des personnes impliquées dans le projet, diverses activités ponctuelles et libres ont été organisées par des membres du comité, selon leur expertise. Voici quelques exemples des activités qui ont eu lieu :

  • Expérimentations de jeux vidéo pour mieux saisir le rôle d’une personne joueuse;
  • Présentation du cadre de référence de la compétence numérique (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2019) pour mieux comprendre les douze dimensions de cette compétence et leur application en contexte universitaire;
  • Activités de remue-méninges sur des scénarios possibles pour faire intervenir les diverses thématiques liées aux dimensions de la compétence numérique;
  • Atelier sur l’écriture et la communication inclusives pour assurer une compréhension partagée de l’importance de l’inclusion de la diversité.

Les personnes étudiantes au cœur du projet

Dans le mandat consistant à élaborer un jeu sérieux pour les personnes étudiantes, il fut considéré comme essentiel de les impliquer à différentes étapes du processus afin de confirmer les premières idées du projet et de guider les décisions du comité. Les méthodes de collectes retenues sont un questionnaire en ligne, des groupes de discussion ainsi que des séances d’expérimentation du jeu suivies d’entretiens individuels. Un sondage a également été envoyé pour solliciter des propositions pour le nom du jeu.   

Les informations recueillies ont couvert divers éléments liés à la conception et à l’expérience d’un jeu, notamment le profil des personnes joueuses, la motivation à jouer, les préférences concernant le choix des jeux vidéo, les attentes vis-à-vis, la personnalisation de l’avatar et les fonctionnalités jugées essentielles. Également, les personnes étudiantes ont eu à s’exprimer sur les activités pouvant soutenir leur apprentissage, sur la place du jeu dans le parcours universitaire ainsi que sur les dimensions de la compétence numérique qu’elles jugeaient cruciales à traiter dans le jeu.

Grâce à ces consultations, le comité de projet a notamment appris que les personnes étudiantes jugeaient important que le jeu propose un visuel attrayant, intuitif, et permette de personnaliser leur avatar. Aussi, on a recommandé de favoriser les jeux de réflexion et d’aventure. En ce qui concerne les raisons pour lesquelles les personnes étudiantes jouent, « apprendre de nouvelles choses » a été mentionné comme l’une des principales motivations. Enfin, les dimensions ressortant comme les plus importantes pour les personnes consultées sont, dans l’ordre :

  • Agir en citoyen éthique à l’ère du numérique (dimension 1);
  • Développer sa pensée critique à l’égard du numérique (dimension 11);
  • Exploiter le potentiel du numérique pour l’apprentissage (dimension 3);
  • Innover et faire preuve de créativité avec le numérique (dimension 12);
  • Résoudre une variété de problèmes avec le numérique (dimension 10).

Lors des expérimentations, les étudiantes et étudiants se sont prononcés sur le design du jeu, les préférences concernant l’aide de type tutoriel, les frictions rencontrées, les stratégies cognitives mobilisées, etc.

Des planètes bien alignées

Une implication notable pour la suite du projet tient sur la présence de deux étudiants en création de jeux vidéo de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue qui ont été invités à l’automne 2021 à se prononcer sur la conception du jeu. Leurs propositions et recommandations ont accompagné un nouveau virage dans la conception du jeu qui a bénéficié d’un financement de la part du ministère de l’Enseignement supérieur. Ce financement a rendu possible l’embauche d’un studio en développement de jeux vidéo dès l’hiver 2022, qui a œuvré en étroite collaboration avec le comité de projet, dans le respect des travaux et consultations préliminaires. L’enjeu ultime était la constante recherche d’équilibre entre les aspects ludiques et pédagogiques.

« C’est un jeu super expérimental, avec des dynamiques de jeu peu explorées [ce qui a entrainé] des considérations de design de jeu qui ont amené beaucoup de complexité, mais qui en ont fait un beau défi, et je pense, la richesse du jeu. »

(Émile Brodeur – gestionnaire du studio lors du lancement du jeu sérieux – 12 octobre 2023)

Jouer pour réduire les risques d’inégalités numériques

Offrir Odyssée numérique comme ressource pédagogique à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur, s’inscrit dans une volonté de l’Université du Québec de soutenir le développement durable de l’ensemble des dimensions de la compétence numérique afin de limiter les inégalités numériques susceptibles d’entraver la réussite étudiante. Fruit d’une collaboration multisectorielle, le jeu sérieux vise à sensibiliser, informer et outiller les personnes étudiantes sur leur compétence numérique actuelle et pour leur futur professionnel.

Pour en savoir plus sur Odyssée numérique : un jeu sérieux sur la compétence numérique

Cette pratique inspirante a été approuvée par le professeur responsable du projet, Patrick Plante, à l’Université TÉLUQ.

Références

Collin, S., Guichon, N. et Ntébutsé, J. G. (2015). Une approche sociocritique des usages numériques en éducation, Sticef, 22, 89-117. https://archipel.uqam.ca/10664/2/sticef_2015_collin_01p.pdf

Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES). (2019). Cadre de référence de la compétence numérique. Gouvernement du Québec. http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/ministere/Cadre-reference-competence-num.pdf