Camille Desrochers-Laflamme et Manon Bergeron (Université du Québec à Montréal) s’intéressent aux violences sexuelles subies par les étudiantes et les étudiants athlètes de cinq établissements collégiaux francophones. Leur article met en lumière les facteurs de risques auxquels sont confrontées ces personnes qui combinent un statut d’étudiant et d’athlète.

Les résultats présentés découlent du Projet intercollégial d’étude sur le consentement, l’égalité et la sexualité (PIECES), une enquête par questionnaire menée dans 5 cégeps francophones en 2019 à laquelle 6006 personnes ont répondu. Aux fins de la recherche, les réponses de 218 personnes ayant déclaré être aux études et faire partie d’une équipe sportive officielle au collégial ont été analysées.

Les violences sexuelles dans le sport

Selon une étude canadienne menée auprès de 1001 athlètes d’équipes nationales, près de 20 % des athlètes (17,5 % des femmes et 2,1 % des hommes) ont subi au moins une forme de violence sexuelle dans le milieu du sport. Ces actes étaient généralement commis par le personnel d’entrainement ou d’autres athlètes.

Les violences sexuelles en enseignement supérieur

Statistique Canada a réalisé l’Enquête sur la sécurité individuelle au sein de la population étudiante postsecondaire (ESIPEP) en 2019. Elle révèle que « que 44,6 % des femmes et 32,2 % des hommes ont été la cible d’au moins un comportement sexualisé non désiré dans un contexte d’études postsecondaires au cours des 12 mois précédant l’enquête. » (dans Desrocher-Laflamme et Bergeron, 2023, p.206)

Au Québec, l’Enquête sexualité, sécurité et interactions en milieu universitaire (ESSIMU), réalisée en 2016 dans 6 universités, établit que 39,9 % des étudiantes et 26 % des étudiants ont subi au moins un événement de violence sexuelle en milieu universitaire.

Violences sexuelles dans la communauté étudiante athlète

L’analyse dévoile que, depuis leur arrivée au cégep :

  • 39,9 % des personnes étudiantes athlètes ont subi des gestes de violence sexuelle commis par une personne fréquentant leur collège. Ces violences comprennent le harcèlement sexuel (35,3 %), les comportements sexuels non désirés (17,0 %) et la coercition sexuelle (4,6 %). Par ailleurs, près d’une personne sur trois a été victime d’au moins deux formes de violence sexuelle.
  • Les femmes sont plus nombreuses à déclarer avoir subi au moins un événement de violence sexuelle (45,5 %, comparativement à 28,8 % des hommes).
  • Les étudiants et étudiantes athlètes appartenant à une minorité sexuelle sont plus à risque de subir du harcèlement sexuel (56,6 %, comparativement à 32,6 % des personnes hétérosexuelles).

Contexte des événements

Selon les données récoltées, les violences sexuelles subies par les étudiants et étudiantes athlètes peuvent se dérouler dans une variété de situations :

  • Pendant les activités liées aux études (54,8 %)
  • Dans un contexte sportif (22,6 %)
  • Lors d’activités sociales (ex. fête, cinq à sept) (21,4 %)
  • Dans le contexte des tâches liées à un emploi étudiant au cégep (19,0 %)
  • En contexte virtuel (15,5 %)

Pour 89,5 % des victimes, les personnes ayant commis les gestes de violence sexuelle avaient un statut d’étudiant. Pour 10,1 % des victimes, il s’agissait également d’une personne en position de pouvoir.

Les gestes de violence sont majoritairement commis par des hommes (85,9 %). Ce pourcentage varie selon le genre de la victime : « 96,9 % des femmes et 50 % des hommes ont identifié au moins un homme responsable des gestes de [violence sexuelle en milieu collégial], alors que 21,5 % des étudiantes athlètes et 73,7 % des étudiants athlètes ont identifié au moins une femme responsable des gestes de [violence sexuelle en milieu collégial] » (p.214)

Une culture plus propice aux violences sexuelles ?

Les chercheuses s’appuient sur plusieurs études pour identifier les facteurs de risques pour les personnes qui cumulent le statut d’étudiant et d’athlète :

  • L’omniprésence des rapports d’autorité en contexte éducatif, mais aussi en contexte sportif où les relations entre athlètes et personnel d’entraînement sont basées sur le pouvoir et la proximité.
  • Les inégalités de pouvoir, par exemple entre athlète vétéran et personne recrue.
  • Le genre comme marqueur d’inégalité dans le sport et dans l’enseignement supérieur.
  • Une certaine banalisation de la violence sexuelle en milieu sportif, et le fait que les athlètes ont tendance à adhérer davantage aux mythes sur le viol et aux stéréotypes de genre.

Comment prévenir et combattre ces violences ?

À la lumière de ces facteurs de risques, les chercheuses, proposent des pistes d’intervention pour prévenir la violence sexuelle :

  • Les interventions devraient viser la communauté étudiante athlète mais aussi le personnel sportif. Ces interventions devraient notamment aborder les croyances liées au genre, les attitudes à l’égard des violences sexuelles et les relations de pouvoir. Elles devraient également prendre en compte les multiples contextes dans lesquels des rapports de pouvoir sont susceptibles de se reproduire.
  • Étant donné que les étudiantes et étudiants athlètes ont révélé être plus nombreux à avoir été témoins de violences sexuelles, elles et ils devraient être mieux outillés pour intervenir lorsqu’une situation se produit et pour réagir de façon adéquate si une confidence leur est faite.

Enfin, les chercheuses rappellent l’existence de mécanismes de dénonciation :

  • Les personnes étudiantes peuvent utiliser les guichets uniques déployés par les cégeps dans le cadre de la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur.
  • Les personnes athlètes peuvent également utiliser la plateforme Alias pour dénoncer les abus, le harcèlement et les violences dans le sport.

Référence

Desrochers-Laflamme, C. et Bergeron, M. (2023). Les violences sexuelles subies dans la communauté étudiante athlète de cinq établissements d’enseignement collégial du Québec. Recherches féministes, 36(1), 205–224. https://doi.org/10.7202/1108773ar