De nouvelles données nous rappellent que les étudiantes et étudiants des Premiers Peuples ont des réalités et des besoins particuliers, dont les établissements devraient tenir compte.

L’Université du Québec réalise périodiquement l’enquête ICOPE (Indicateurs de Conditions de Poursuite des Études), un recensement auprès des étudiantes et étudiants qui débutent un programme d’étude dans un établissement de son réseau. Un portrait de la population étudiante autochtone entrée à l’Université du Québec en 2022, rédigé par Sylvie Bonin (Direction de la recherche institutionnelle de l’Université du Québec), découle de cette enquête.

Ce portrait étant assez riche, l’ORES se concentre ici sur les éléments qui distinguent particulièrement cette population des autres étudiantes et étudiants de citoyenneté canadienne. Notons par ailleurs que 82% des personnes répondantes autochtones étaient des femmes.

Des responsabilités familiales fréquentes

La proportion d’étudiantes et d’étudiants parents est presque deux fois plus grande chez les Autochtones (41 %) que chez les Allochtones (24 %). De plus, près d’un parent autochtone sur 3 assume l’entière responsabilité de ses enfants, comparativement à un peu moins d’un parent allochtone sur 6.

Les commentaires recueillis dans le cadre de l’Enquête laissent voir certains défis liés à cette situation :

« Parmi les sujets fréquemment abordés se trouvent les responsabilités parentales. Ceux et celles qui concilient études et vie familiale nous parlent entre autres du manque de services (ex. garderie) et d’une gestion du temps complexe, surtout lorsque s’ajoute l’occupation d’un emploi. »

Bonin, 2023, p. 2

Des parcours d’études plus souvent interrompus

L’enquête montre que les personnes étudiantes autochtones sont plus âgées que les personnes étudiantes allochtones : 62 % des personnes autochtones qui débutent leur premier cycle ont 25 ans ou plus, comparativement à 41 % des personnes allochtones.

Ce constat s’inscrit en cohérence avec le fait que les parcours d’études des personnes étudiantes autochtones semblent moins linéaires : près de 6 sur 10 ont interrompu par le passé leurs études secondaires, collégiales ou universitaires, comparativement à 4 personnes allochtones sur 10.

Chez les personnes ayant interrompu des études universitaires antérieures (24 % des personnes autochtones), la principale raison évoquée est la conciliation études-famille/vie personnelle, suivie du manque d’intérêt pour le programme, du manque de motivation et des problèmes financiers. En outre, plus du quart des personnes autochtones ont fait une pause d’études de 3 ans ou plus avant de fréquenter leur programme actuel.

Une population ayant une expérience professionnelle

Près de 70 % des étudiantes et étudiants autochtones disent avoir occupé un emploi à temps plein au courant des 5 années précédant le début de leurs études, comparativement à un peu moins de 60 % des étudiantes et étudiants allochtones. Parmi ces personnes, près des 40 % des Autochtones ont conservé leur emploi pendant 4 à 5 ans, comparativement à 31 % des Allochtones.

Une fois aux études, les personnes autochtones sont moins nombreuses à occuper un emploi (65 % – comparativement à 77 % chez les Allochtones). En revanche, celles qui travaillent durant leurs études consacrent davantage d’heures à cet emploi (37 % travaillent plus de 30 heures par semaine, comparativement à 27 % chez les Allochtones).

Une population suffisamment préparée à entreprendre ses études?

L’enquête ICOPE permet d’entrevoir que les conditions de vie de nombreux étudiants et étudiantes autochtones constituent des défis à la réussite de leurs études.

Les données révèlent également que seulement 46% des personnes étudiantes autochtones considèrent avoir une très bonne ou une excellente préparation aux études, comparativement à 60 % de leurs pairs allochtones. Parmi les personnes au premier cycle à temps complet, elles sont aussi moins nombreuses à réussir tous les crédits de leur première session (73 %, comparativement à 80 % chez les Allochtones), et près de 10 % des personnes autochtones ont échoué ou abandonné avec échec tous les cours de leur première session, comparativement à moins de 2 % des personnes étudiantes allochtones.

Un projet d’études ancré dans la communauté

En plus d’être motivées par « l’acquisition de connaissances dans une discipline particulière, l’obtention d’un diplôme et l’accès à une profession », les personnes étudiantes autochtones expriment aussi la volonté de redonner à leur communauté.

Cette motivation joue un rôle prépondérant pour plusieurs étudiantes et étudiants autochtones :

« Plusieurs s’impliquent ou prévoient s’impliquer dans leur milieu, notamment par le biais de leur emploi. Notons que, tous programmes confondus, 27,4 % des personnes d’identité autochtone mentionnent avoir passé la majeure partie de leur jeunesse (avant l’âge de 20 ans) au sein d’une communauté autochtone; cette proportion grimpe à 36,7 % pour celles qui sont inscrites à un certificat de premier cycle. »

Bonin, 2023, p.6

Le lien avec la communauté se traduit également par du soutien financier qu’elle lui fournit et dont bénéficient 40 % des personnes étudiantes. Cela représente la principale source de financement des études pour les étudiantes et étudiantes autochtones.

L’importance de la communauté dans les parcours universitaires des personnes autochtones est explorée dans l’article Diversité des parcours universitaires et mieux-être en contexte autochtone, paru récemment dans Relais. La revue de vulgarisation scientifique sur la réussite en enseignement supérieur.

Référence

Bonin, S. (2023). Quelles sont les caractéristiques de la population étudiante autochtone entrée à l’Université du Québec en 2022 ?  Direction de la recherche institutionnelle, Université du Québec. https://docutheque.uquebec.ca/id/eprint/151/1/Note_technique_PP_2022_VF2.pdf