La Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire (RITPU) consacre son plus récent numéro à la formation à distance dans le contexte postpandémique. Cette parution lève ainsi le voile sur les répercussions temporaires et durables de la pandémie sur la formation à distance.

Dirigé par Simon Parent (Université de Montréal), Christian Depover (Université de Mons, en Belgique) et Bruno Poellhuber (Université de Montréal), ce numéro comporte 16 articles portant sur :

  • Les pratiques enseignantes et le développement professionnel ;
  • La gouvernance et les modalités de formation ;
  • La conception et les usages d’outils numériques. (Parent, Depover et Poellhuber, 2023)

L’ORES attire l’attention sur trois articles portant plus spécifiquement sur les modalités de formation.

Pandémie, formation à distance et santé mentale

Normand Roy, Marjorie Cuerrier et Bruno Poellhuber, de l’Université de Montréal, s’intéressent aux effets de la pandémie de COVID-19 et du passage vers la formation à distance (FAD) sur la santé mentale, le bienêtre et la formation des personnes étudiantes.

S’appuyant sur deux méta-analyses, Roy, Cuerrier et Poellhuber observent que « la redéfinition de l’environnement d’études marqué par la FAD due à la pandémie est un facteur déterminant ayant engendré des effets indésirables sur la santé mentale, le bienêtre ainsi que la formation des personnes apprenantes. » (p.38) Ce constat est par ailleurs confirmé par les résultats d’une enquête réalisée auprès d’étudiantes et d’étudiants de l’Université de Montréal à la fin du printemps 2020. Cette enquête montrait notamment que les personnes étudiantes ont souhaité bénéficier de services psychologiques, ce qui renforce l’idée que la santé mentale et le bienêtre ont été affectés par la pandémie.

Enfin, Roy, Cuerrier et Poellhuber s’intéressent à la documentation produite par l’UdeM pendant la crise sanitaire (ex. Site Web, discours, formations et ressources pédagogiques offertes) afin de brosser le portrait des transformations occasionnées par la pandémie. L’analyse de cette documentation montre que les facultés et les différents services se sont adaptés aux besoins engendrés par la pandémie, notamment par l’offre de services en santé mentale, le soutien technologique et technique et l’accompagnement pédagogique nécessaire à la transition vers l’enseignement à distance. Les prochaines années permettront de mieux comprendre l’influence de ce remaniement de l’offre de services sur les personnes apprenantes.

Pertinence de la formation hybride

Chantal Tremblay (Université du Québec à Montréal) propose une réflexion sur les modalités d’enseignement qui favorisent les apprentissages et le développement des compétences professionnelles des futures personnes enseignantes. Ses questionnements s’appuient sur le concept de valeur ajoutée pédagogique (VAP) – définit comme « une utilisation qui permet d’améliorer, de bonifier ou d’enrichir les apprentissages et le développement des compétences des étudiants et étudiantes. » (Beaudoin et al., 2022 dans Tremblay, 2023, p.57). Ainsi, Tremblay soutient que le choix de la FAD devrait se baser sur sa valeur ajoutée, en comparaison avec l’enseignement en présence.

Son texte présente trois facteurs qui influencent la VAP. Pour chaque facteur, la professeure offre des pistes de réflexion pour mieux cerner les enjeux et les apports éventuels de la FAD à l’enseignement :

  1. L’alignement pédagogique, soit la cohérence entre les objectifs d’apprentissage, les activités pédagogiques et les modalités d’évaluation d’un cours. Est-ce que les tâches réalisées par les personnes étudiantes permettent l’atteinte des objectifs d’apprentissage ? Les évaluations sont-elles cohérentes avec les objectifs du cours ?
  2. L’accessibilité des études : est-ce que la FAD permet une meilleure accessibilité des études ? Quel est le niveau de compétence numérique requis par les étudiants et les étudiantes ? Est-ce que la FAD permet une meilleure flexibilité ou une meilleure conciliation études-famille-travail ?
  3. L’intégration des personnes étudiantes à leur future profession : est-ce que la FAD permet d’« améliorer le développement des habiletés de collaboration essentielles à la profession enseignante et la construction de l’identité professionnelle » (p.64) ?

Chantal Tremblay invite ainsi à une évaluation de la valeur pédagogique de chacune des modalités d’enseignement (à distance, en présence, mais aussi hybride). Elle ajoute que les cours hybrides semblent les plus prometteurs, faisant valoir qu’à l’intérieur d’un cours, certaines séquences se prêteraient peut-être davantage à l’apprentissage en personne, tandis que d’autres bénéficieraient de la distance.

L’importance de maintenir l’enseignement en présentiel

Une équipe de l’Université de Liège, en Belgique, présente les résultats d’une étude mesurant l’efficacité d’un dispositif de travaux pratiques sous forme de classe inversée.

Dans le contexte d’un cours d’anthropologie biologique, les étudiants et étudiantes ont réalisé un travail pratique dans lequel ils et elles devaient :

  • Dans un premier temps, étudier à distance des crânes de singes et d’homininés fossiles à partir de représentations numériques en trois dimensions.
  • Dans un deuxième temps, participer en présence à une séance de manipulation physique de crânes, poser des questions aux personnes encadrant le travail pratique et réaliser un exercice.

L’équipe de recherche souhaitait comprendre si la séance en présence apportait une valeur ajoutée aux apprentissages réalisés à distance, mais aussi si l’apprentissage numérique à distance profitait à tous de façon égalitaire. Des évaluations formatives, menées au début et à la fin de la séance en présence, ont permis de répondre à ces interrogations.

Il en ressort que, dans le cadre de cette expérimentation, l’apprentissage en présence demeure nécessaire, même en contexte de tâche réalisée à distance :


« la séance de [travail pratique] en présentiel apporterait une valeur ajoutée, en matière d’apprentissage, au dispositif de [travaux pratiques] numériques à distance. Ainsi, alors que l’apprentissage numérique à distance est conçu comme une réelle « substitution », voire « augmentation » de la tâche initialement proposée en présentiel (Delforge et al., 2019), le maintien d’un enseignement en présentiel pour le dispositif présenté ici serait nécessaire pour maximiser l’efficacité des enseignements dispensés. »

(Ledent et al., 2023, p.114)

L’équipe de recherche fait ainsi valoir que l’apprentissage hybride semble particulièrement efficace en enseignement supérieur puisqu’il permet d’intégrer des pratiques numériques innovantes, tout en bénéficiant des avantages de l’enseignement en présence.

Références

Ledent, A., Brotcorne, F., Delcourt, J., Poncin, P. et Hindryckx, M.-N. (2023). Quand un dispositif d’apprentissage numérique ne peut se substituer à l’enseignement en présentiel : les travaux pratiques postpandémiques du supérieur en témoignent. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 20(2), 100-124. https://doi.org/10.18162/ritpu-2023-v20n2-09

Parent, S., Depover, C. et Poellhuber, B. (2023). La formation à distance et l’apprentissage à l’aide du numérique : une perspective postpandémique – Introduction au numéro thématique. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 20(2), 1-4. https://doi.org/10.18162/ritpu-2023-v20n2-01

Roy, N., Cuerrier, M. et Poellhuber, B. (2023). Santé mentale, bienêtre et formation : les transformations institutionnelles et facultaires opérées lors de la pandémie de COVID-19 répondent-elles aux besoins des personnes apprenantes et aux exigences de la formation à distance en milieu universitaire ?. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 20(2), 35-52. https://doi.org/10.18162/ritpu-2023-v20n2-05

Tremblay, C. (2023). Apports et limites de la formation à distance pour la formation initiale des futurs enseignants et enseignantes. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 20(2), 53-67. https://doi.org/10.18162/ritpu-2023-v20n2-06