Quels facteurs individuels, socioéconomiques, académiques, et institutionnels sont associés à l’abandon des études aux cycles supérieurs ?

Grâce à une étude de la portée (scoping review), une équipe de recherche colombienne offre quelques pistes de réponse à cette question.

Pourquoi s’intéresser à l’abandon des études aux cycles supérieurs?

Selon l’équipe de recherche, peu d’études ont porté sur l’abandon des personnes qui étudient à la maîtrise ou au doctorat, l’attention étant davantage accordée aux études au premier cycle. Pourtant, les répercussions de l’abandon aux cycles supérieurs touchent autant les universités et la société que les individus qui abandonnent.

Par exemple, l’abandon aux cycles supérieurs nuit aux établissements, en influençant leur réputation et leur attractivité notamment. À l’échelle d’une société, de hauts niveaux d’éducation sont liés à de meilleurs emplois, une meilleure qualité de vie, un renforcement des valeurs démocratiques et à un meilleur développement économique et social.

L’équipe de recherche a donc voulu identifier les variables individuelles, académiques, socioéconomiques et institutionnelles qui influencent l’abandon des études aux cycles supérieurs. Les résultats présentés découlent de l’analyse de 40 études publiées entre 2011 et 2023 et proviennent de 24 pays.   

Facteurs individuels liés à l’abandon

Le soutien des proches semble jouer un rôle prépondérant. Selon les études consultées, les individus en couple sont plus susceptibles de terminer leurs études que les personnes célibataires. Dans la même veine, le manque de soutien émotionnel de la part de la famille – notamment lorsque la famille connait peu l’enseignement supérieur – est associé à davantage d’abandons. Les problèmes de conciliation des études avec la vie familiale et la vie professionnelle sont aussi fréquemment relevés comme facteurs d’abandon. Cela est particulièrement vrai pour les étudiantes et étudiants plus âgés.

La surcharge cognitive, le désengagement, le manque de motivation contribuent également à l’abandon des études aux cycles supérieurs. Le fait de ne pas avoir, durant ses études antérieures, suffisamment développé des compétences à travailler de façon autonome nuit aussi à la poursuite des études, les niveaux d’autonomie et d’auto-efficacité exigés dans les études des cycles supérieurs étant particulièrement élevé.

Enfin, les étudiantes et étudiants étrangers semblent davantage à risque d’abandonner. Cela s’expliquerait par le manque de familiarité avec le système académique, de même que par les défis académiques et l’exclusion liés à la méconnaissance de la langue.

Facteurs socioéconomiques

Sans surprise, une situation financière précaire – et notamment l’instabilité d’emploi durant les études – nuit à la poursuite des études.

Une des études recensées a également mis en évidence que le contexte économique joue aussi un rôle sur la poursuite ou l’abandon des études : un contexte économique défavorable, avec de hauts taux de chômage, est associé à davantage d’abandons.

Facteurs académiques

Le manque de préparation pour atteindre certaines exigences liées aux cycles supérieurs peut mener à l’abandon. Par exemple, le manque de connaissances préalables, l’incompréhension du matériel de cours ou encore le manque de compétences numériques sont associés à des risques d’abandon accrus.

La satisfaction envers le programme d’études influence également la motivation à poursuivre ses études. Cette satisfaction dépend de l’expérience universitaire globale, de l’intérêt envers les études, de la charge de travail ou encore de la direction et du soutien fournis.

Pour certaines personnes, l’abandon s’explique par des problèmes liés à la recherche :

« Lorsque la recherche ne progresse pas comme prévu, ou lorsque le processus semble lourd, l’activité de recherche peut être une raison de vouloir abandonner. »  

(Valencia Quecano et al., 2024 [traduction libre])

Facteurs institutionnels

Les établissements d’enseignement influencent également la poursuite ou l’abandon des études, notamment via :

  • Les frais de scolarité et l’aide financière, qui affectent la rétention des personnes étudiantes.
  • La présence ou l’absence de politiques institutionnelles concernant la supervision des étudiantes et étudiants des cycles supérieurs.
  • La structure des programmes et de la séquence d’enseignement (la rétention est meilleure lorsque les programmes sont structurés, bien supervisés et qu’ils incluent des dates de remise intermédiaires menant à la soumission de la thèse dans les temps)
  • Les infrastructures disponibles (laboratoires de recherche, bibliothèques, technologies de pointe). Des manquements à cet égard entravent l’apprentissage, nuisent à l’expérience éducative et freinent la motivation et la persévérance.

Ces constats montrent que les causes de l’abandon sont multiples. Pour cette raison, les établissements devraient aborder le décrochage dans une perspective globale. Selon l’équipe de recherche :

  • Les établissements devraient mettre en place des programmes de soutien répondant aux besoins individuels, académiques et socioéconomiques des étudiantes et étudiants des cycles supérieurs. Concrètement, ces programmes pourraient fournir des conseils pour les études, un soutien émotionnel ou encore du soutien financier.
  • Les établissements devraient aussi envisager l’élaboration de politiques favorisant la conciliation études-travail-famille afin de créer des environnements d’études plus inclusifs et flexibles.
  • Les établissements doivent également investir dans les infrastructures et les ressources offrant un cadre et une atmosphère propice à la recherche.

Référence

Valencia Quecano, L. I., Guzmán Rincón, A. et Barragán Moreno, S. (2024). Dropout in postgraduate programs: a underexplored phenomenon – a scoping review. Cogent Education, 11(1). https://doi.org/10.1080/2331186X.2024.2326705