Alors que les établissements d’enseignement postsecondaires accueillent de plus en plus de personnes étudiantes aux origines ethniques diverses, les personnes qui travaillent directement avec ces étudiantes et étudiants sont confrontées à des noms qui leur sont moins familiers et plus difficiles à prononcer.

Des chercheuses de l’Université de Nottingham Trent (Angleterre) offrent quelques pistes de réflexion et identifient les stratégies du personnel pour apprendre à prononcer ces noms qui leur sont peu communs dans l’article « The pronunciation of students’ names in higher education: identity work by academics and professional services staff ».

De l’importance de la bonne prononciation

Les chercheuses rapportent que des études ont montré que les erreurs de prononciation sont parfois vécues comme des micro-agressions par les étudiantes et étudiants. D’autres ont révélé que les personnes étudiantes trouvent qu’il est fastidieux et répétitif de devoir constamment préciser comment prononcer leur nom. En contexte anglophone, les étudiantes et étudiants internationaux changent parfois leur nom pour un nom typiquement anglais. Bien que ces personnes évoquent des raisons pragmatiques à ce changement, la littérature scientifique a montré que cela pouvait affecter l’estime personnelle et le bien-être de ces étudiantes et étudiants.

Les chercheuses ont voulu savoir comment, dans le contexte anglais, le personnel en contact avec des étudiants et étudiantes réagit devant des noms qui ne sont pas d’origine anglaise. Leurs constats s’appuient sur deux études menées auprès de personnes enseignantes et personnes offrant des services de soutien direct aux étudiantes et étudiants. La première a regroupé 9 personnes d’un même établissement dans un groupe de discussion. La seconde a été menée auprès de 10 personnes de 9 établissements rencontrées lors d’entretiens individuels.

À noter que les personnes rencontrées se disaient toutes sensibles à l’importance de bien prononcer les noms, certaines ayant expérimenté des problèmes de prononciation de leur nom ou même changé leur nom pour ces raisons.

Bien prononcer le nom des personnes étudiantes : une question d’inclusion ?

Pour la majorité des participants et participantes, prononcer correctement le nom des personnes étudiantes s’inscrit dans la lignée de la décolonisation des curriculums ou de l’adoption de pédagogies antiracistes. Il s’agit d’un témoignage de respect qui contribue à créer un espace inclusif et à développer le sentiment d’appartenance chez les personnes étudiantes.

Les personnes enseignantes croient aussi qu’il est délicat pour certaines personnes étudiantes de signaler une mauvaise prononciation de leur nom, notamment celles dont l’anglais n’est pas la langue maternelle.    

Des stratégies multiples pour prononcer correctement les noms

En contexte de relation « un à un », l’ensemble des personnes répondantes se dit à l’aise de demander directement à la personne étudiante comment prononcer son nom. En revanche, ce n’est pas une habitude qu’elles adoptent en classe, jugeant que cela pourrait mettre la personne mal à l’aise et mettre l’accent sur une différence. Certaines personnes évitent donc de prononcer les noms de leurs étudiantes et étudiants, que ce soit en formulant des phrases qui omettent les noms ou même en évitant d’interpeller la personne étudiante. Dans ce dernier cas, les opportunités de participation en classe de ces étudiantes et étudiants sont donc considérablement réduites.

D’autres personnes participantes disent avoir adopté différentes stratégies pour apprendre à prononcer le nom de la personne étudiante, par exemple :

  • Inviter tous les étudiants et étudiantes à se présenter.
  • Demander aux personnes d’inscrire leur nom sur un papier (en incluant des indications phonétiques au besoin) et de le positionner devant eux.
  • Demander à la personne étudiante d’enregistrer son nom pour pouvoir s’entrainer à le dire correctement.
  • Dans le cas où il y a peu d’étudiantes et d’étudiants dans un cours, certaines personnes se préparent en regardant sur Internet ou en demandant à des collègues comment prononcer les noms moins familiers.

Vers un engagement institutionnel ?

Les diverses stratégies évoquées par les personnes participantes découlent d’initiatives personnelles. Les chercheuses en concluent qu’il manque d’actions institutionnelles pour sensibiliser le personnel à bien prononcer les noms des personnes étudiantes.

Elles recommandent notamment de :

  • Bonifier les formations en EDI destinées au personnel et les activités d’intégration des personnes étudiantes pour y inclure des notions sur les noms.
  • Inclure des enregistrements de la prononciation des noms dans les systèmes informatiques des établissements.
  • Encourager les membres du personnel et les personnes étudiantes à ajouter un enregistrement de leur nom dans leur signature de courriel afin de normaliser les déclarations de prononciation des noms.

Voir aussi

Les chercheuses saluent le projet Say my name [Dis mon nom] de l’Université de Warwick qui fait figure d’exception en la matière. Ce site offre plusieurs ressources pour accompagner le personnel dans l’adoption de pratiques respectueuses visant à créer « une culture où chaque personne est appelée par son nom ».

Référence

Pilcher, J., Deakin-Smith, H. et Roesch, C. G. (2024). The pronunciation of students’ names in higher education: identity work by academics and professional services staff. Oxford Review of Education. https://doi.org/10.1080/03054985.2024.2331158