Le dernier numéro de la revue française Agora débats/jeunesses s’intéresse aux « à-côtés des études », ces moments de la vie étudiante hors de l’université.

Ce numéro offre une vitrine sur des facteurs externes favorisant ou défavorisant la poursuite du projet d’études. L’ORES offre un aperçu de trois articles qui le composent.

Explorer le monde pour se découvrir

L’article d’Éric Passavant (Université de Picardie Jules Verne) porte sur les retombées d’un programme de bourses de voyage destiné aux jeunes de 16 à 20 ans. L’obtention de la bourse est conditionnelle à la réalisation d’une étude sur un thème choisi et à la tenue d’un journal de voyage.  

Par le biais d’entretiens réalisés auprès de personnes boursières, le chercheur montre comment ces expériences de mobilité internationale peuvent influencer les trajectoires étudiantes et la transition vers l’âge adulte.

Passavant observe notamment que, selon le milieu socioéconomique d’origine, les motivations et les retombées de la bourse de voyage varient :

  • Dans les milieux plus modestes, l’obtention de la bourse constitue une rare opportunité de voyager. Ce voyage devient une source d’émancipation vis-à-vis la famille et contribue à la définition d’un projet de vie.
  • Dans les milieux plus favorisés, dans lesquels le voyage est valorisé et fréquent, l’obtention de la bourse s’inscrit dans une stratégie éducative. Le voyage apparait comme occasion de développer des compétences qui pourront être avantageusement mises en valeur sur le marché de l’emploi.

Que font les personnes étudiantes quand elles n’étudient pas ?

Une équipe de recherche de s’intéresse à ce qui occupe les personnes qui étudient dans des domaines de santé – dont les programmes sont réputés exigeants – en dehors de leurs études.

Les résultats présentés sont issus de deux questionnaires réalisés auprès de personnes étudiantes en année préparatoire en santé, d’entretiens et d’observations dans divers contextes (cours, pauses, tutorat, activités variées…). Ils témoignent de la « mise en parenthèse » de la vie des personnes interrogées qui, en moyenne, disent consacrer 73 heures à leurs études par semaine.

Dans cet horaire chargé, le temps libre est décrit comme une pause d’études qui, dans une logique instrumentale, doit demeurer bénéfique à l’apprentissage. Ainsi, le sport est mis à l’horaire pour « oxygéner son cerveau », le sommeil permet d’« assurer au cerveau le repos suffisant pour être performant » et les repas entre amis permettent de réviser. Ce comportement est par ailleurs renforcé et encouragé par les personnes qui gravitent autour des étudiantes et étudiants.

La prise en compte des inégalités sociales et des enjeux de genre permet cependant de nuancer ces observations. Certaines personnes étudiantes ont en effet un emploi du temps encore plus chargé en raison de la distance qui sépare leur foyer de l’université ou encore en raison de leurs responsabilités familiales.

« À l’intersection d’enjeux de classe et de genre, les étudiantes de classes populaires ne jouissent pas de la même latitude d’organisation que leurs condisciples. Là où les femmes de classes supérieures et les hommes de tous les milieux sociaux peuvent davantage consacrer du temps au repos et aux loisirs, ces étudiantes connaissent des contraintes qui restreignent les « à-côtés » (par. 33)

Les multiples dimensions de la précarité étudiante

Fanny Bugeja-Bloch et Leïla Frouillou, de l’Université Paris Nanterre, s’intéressent aux différentes dimensions de la précarité étudiante et à leurs effets cumulatifs.

Les chercheuses se basent sur un « score de vulnérabilité » pour mieux comprendre l’ampleur des situations de précarité des étudiants et étudiantes de leur université. Cet indicateur, développé par le Réseau des observatoires de l’enseignement supérieur, est obtenu à partir des réponses à un questionnaire qui mesure différentes dimensions de la précarité (ex. difficulté à combler certains besoins essentiels, absence de proches pour aider en cas de difficulté, ne pas manger à sa faim…).

Leur article met en lumière la place centrale du logement dans les situations de précarité étudiante :

« Les difficultés de logement exacerbent les difficultés financières qui se répercutent sur le recours aux soins, sur l’alimentation, poussant en conséquence à exercer une activité rémunérée et augmentant le sentiment de vulnérabilité dans les études » (par. 16)

Les chercheuses critiquent par ailleurs la complexité des aides financières offertes aux étudiantes et aux étudiants français et le fait qu’elles varient en fonction des ressources financières parentales. À leurs yeux, l’instauration d’une allocation universelle étudiante serait plus efficace pour réduire la précarité étudiante. En plus de simplifier l’accès à l’aide financière, cette mesure contribuerait à réduire les inégalités liées à l’origine sociale et favoriserait l’autonomie des jeunes.

Références

Birolini, C., Chamboredon, A., Olivier, A., et van Zanten, A. (2024). « Même mes pauses consistent à réviser » : La première année d’études de santé et ses « à-côtés ». Agora débats/jeunesses, 96(1), 115‑130. https://doi.org/10.3917/agora.096.0115

Bugeja-Bloch, F., & Frouillou, L. (2024). Penser, mesurer et décrire les précarités étudiantes : Les apports d’une enquête locale. Agora débats/jeunesses, 96(1), 67‑84. https://doi.org/10.3917/agora.096.0067

Passavant, É. (2024). Les étudiants voyageurs : Influence des mobilités internationales sur l’orientation des boursiers Zellidja. Agora débats/jeunesses, 96(1), 85‑98. https://doi.org/10.3917/agora.096.0085