Une équipe de recherche québécoise affirme que les facteurs qui expliquent l’abandon en formation à distance (FAD) sont multiples, d'où l'importance de les croiser pour comprendre leur influence sur les parcours étudiants.

Dans un article paru dans le plus récent numéro de la revue Distances et médiations des savoirs, Cathia Papi, Louise Sauvé et Serge Gérin-Lajoie, de l’Université TÉLUQ, de même que Guillaume Desjardins, de l’Université du Québec en Outaouais, montrent que le lien entre le design pédagogique de cours à distance et l’abandon n’est pas direct, mais dépend de caractéristiques propres aux étudiant·es, de leur environnement et de leur appréciation de l’accompagnement offert.

Croiser les facteurs d’abandon et des données spécifiques

Les chercheuses et les chercheurs ont retenu trois catégories de facteurs dans les recherches sur l’abandon en FAD :

  • les facteurs propres à l’étudiant·e, soit les caractéristiques sociodémographiques et scolaires;
  • les facteurs environnementaux, soit l’emploi exercé, les finances et la famille;
  • les facteurs institutionnels, soit le design pédagogique du cours et le soutien institutionnel. 

Ces trois catégories de facteurs ont été étudiées en réunissant et en analysant différents types de données. L’équipe de recherche a constitué un échantillon de 19 cours asynchrones de premier cycle universitaire en FAD, choisis en fonction de trois critères :

  • la diversité disciplinaire : des cours dans trois départements différents ont été retenus, soit sciences de l’administration, sciences de l’éducation, sciences humaines et sociales, lettres et langues;
  • la taille de l’effectif : la moyenne des inscriptions annuelles aux cours de l’université étant de 312 inscriptions, seuls les cours ayant plus de 312 inscriptions par an ont été retenus;
  • la variabilité des taux d’abandon dans les cours : des cours dont les taux d’abandon se situent entre 4 % et 26 % ont été sélectionnés afin de ne pas avoir uniquement des cours avec de faibles ou de forts taux d’abandon.

Papi, Sauvé, Gérin-Lajoie et Desjardins se sont plus particulièrement intéressé·es à la persévérance et à l’abandon au niveau d’un cours (aller jusqu’au bout du cours ou non) et à la réinscription à l’établissement ou non après deux sessions consécutives, à n’importe quel moment du cheminement de premier cycle.

Principaux résultats

Le fait que les étudiant·es satisfait·es de l’accompagnement reçu persévèrent davantage et que celles et ceux qui en sont moins satisfait·es abandonnent davantage est conforme à ce qu’avaient relevé des recherches précédentes (§53).

En croisant les résultats portant sur l’accompagnement dans le cadre du cours avec des variables propres aux étudiant·es et à leur environnement, il est possible de mieux saisir pourquoi certain·es étudiant·es ressentent plus de satisfaction que d’autres envers des formes d’accompagnement ou des types d’interactions.

Selon Papi, Sauvé, Gérin-Lajoie et Desjardins, il n’est effectivement pas anodin que les personnes ayant une activité professionnelle à temps plein se satisfassent davantage d’un moindre accompagnement que celles qui n’ont pas d’activité professionnelle. En effet, les interactions seraient difficiles à intégrer dans un emploi du temps chargé (§53).

Il est aussi possible que les étudiant·es en union n’ayant pas d’activité professionnelle soient plus souvent en charge de la vie domestique et manquent d’interactions sociales. À défaut de pouvoir bénéficier des échanges sociaux, ces étudiant·es tendent davantage à abandonner (§53).

En somme, l’état civil et les situations familiales et financières semblent déterminant·es concernant l’abandon des cours, par rapport à l’analyse du design et de l’accompagnement.

Il est intéressant de voir comment ces facteurs jouent un rôle différencié selon les facteurs institutionnels étudiés. En effet, les étudiant·es vivant en union ont tendance à persévérer dans leurs cours, contrairement aux célibataires. L’équipe de recherche explique ce résultat par le soutien moral et l’aide aux tâches quotidiennes offerts par le conjoint·e, ce qui permet à l’apprenant·e de se concentrer sur ses études.

L’originalité de la recherche

L’originalité de cette recherche réside principalement dans la méthode privilégiée par les chercheuses et les chercheur, soit une analyse des différentes catégories de facteurs et de leurs liens.  

Le croisement des caractéristiques individuelles des étudiant·es avec les cours-types révèle des différences statistiquement significatives.

Autrement dit, les caractéristiques sociodémographiques en tant que « médiateur » de la relation entre le design pédagogique et l’abandon du cours permettent d’expliquer en partie la propension de l’étudiant·e à abandonner ou à persévérer dans son cours (§57).

Les attentes et la satisfaction des étudiant·es ne varient pas seulement selon les interactions et les rétroactions avec les personnes tutrices ou les pairs, mais aussi en fonction des situations professionnelles, financières et familiales des étudiant·es.

Référence :

Papi, C. Sauvé, L., Desjardins, G. et Gérin-Lajoie, S. (2022). « De la multiplicité des facteurs à prendre en compte pour mieux comprendre l’abandon en formation à distance », Distances et médiations des savoirs, 37.