Pourquoi les étudiantes et étudiants adultes ont-ils un taux de diplomation inférieur, alors qu’elles et ils sont généralement plus décidés quant à leur choix de carrière, davantage motivés et qu’ils consacrent plus de temps à leurs études que leurs pairs plus jeunes? C’est à cette question que répond Éric Richard, professeur de sociologie au cégep du Vieux Montréal, dans son article « Difficultés rencontrées par les étudiants adultes au collégial ».

L’analyse repose sur les résultats d’une vaste enquête longitudinale réalisée auprès d’un échantillon de 1015 étudiantes et étudiants collégiaux âgés de 24 ans ou plus. Les personnes participantes devaient répondre à cinq questionnaires entre 2020 et 2023, afin de documenter leurs difficultés et l’évolution de celles-ci au cours de leur parcours collégial.

Différents obstacles à la réussite

La recherche en sciences de l’éducation identifie trois grandes catégories d’obstacles à la poursuite des études pour les adultes :

  • Situationnels : particulièrement la situation familiale et professionnelle de la personne étudiante.
  • Dispositionnels : les « attributs et aptitudes » de la personne.
  • Institutionnels : les règles des établissements.

Les principales difficultés identifiées par les personnes étudiantes tout au long de leur parcours – soit : maintenir de saines habitudes de vie, trouver du temps pour se reposer, maintenir une vie sociale, faire les tâches ménagères, concilier études et travail rémunéré, trouver le temps pour faire des travaux hors classe – sont principalement liées à des obstacles situationnels. Néanmoins, ces embuches peuvent aussi avoir une dimension dispositionnelle ou institutionnelle, ce qui amène l’auteur à relativiser la distinction entre les catégories et à s’intéresser à l’impact combiné des différentes difficultés vécues par les adultes au collégial.

Des difficultés qui évoluent dans le temps

L’approche longitudinale a l’avantage de permettre de « décrire les changements des dynamiques des comportements » (p.18). Ainsi, le chercheur a pu observer que certaines difficultés sont stables (concilier études et travail rémunéré, concilier études et obligations parentales et s’investir dans les études selon les exigences du programme), alors que d’autres s’atténuent (gérer son stress, développer des relations avec les autres étudiants, comprendre la matière et s’adapter sur le plan technologique) ou s’accentuent avec le temps (réaliser des travaux d’équipe avec d’autres étudiants, être capable de réaliser les travaux, s’occuper des personnes à charge et endurer le manque de discipline en classe).

Une population adulte qui n’est pas homogène

Le sociologue a examiné les résultats de son enquête au prisme de trois caractéristiques des personnes étudiantes adultes : l’identité de genre, la situation parentale et l’occupation d’un emploi rémunéré. Cet exercice lui a permis de constater que les femmes sont significativement plus nombreuses à déclarer vivre des difficultés, notamment en regard du maintien de saines habitudes de vie, du poids des tâches ménagères et de la conciliation études et obligations parentales. Elles sont d’ailleurs plus nombreuses à déclarer avoir des enfants à charge (46,9%) que leurs pairs masculins (27,4%). Sans surprise, les personnes étudiantes en situation de parentalité ont davantage identifié des difficultés en lien avec la conciliation de leurs études et des responsabilités domestiques, alors que c’est l’enjeu de la conciliation avec le travail qui arrive en tête de liste des difficultés rapportées par celles qui occupent un emploi rémunéré.

Les collèges ont un rôle à jouer

Les résultats de son enquête amènent É. Richard à constater que : « Les difficultés que vivent les étudiants adultes ont beaucoup moins à voir avec leurs qualités et aptitudes intrinsèques quant à leurs compétences d’étudiants ou leurs capacités d’apprentissage qu’avec des aspects organisationnels relatifs à la conciliation des différentes dimensions de leur vie et au manque de temps. » (p.28). Afin de mieux soutenir la population adulte au collégial, le chercheur plaide pour :

  • L’adoption de mesures de soutien à la réussite spécifiquement conçues pour les adultes;
  • La prise en considération de la diversité au sein de la population adulte collégiale;
  • La poursuite de la recherche sur les enjeux de persévérance chez les étudiantes et étudiants plus âgés.

Pour aller plus loin
Éric Richard a également produit un rapport PAREA intitulé Parcours scolaires, persévérance et abandon des étudiants adultes au collégial : enquête longitudinale qui présente davantage de données en lien avec son enquête longitudinale.

Référence 

Richard, É. (2023). Difficultés rencontrées par les étudiants adultes au collégial. Canadian Journal of Higher Education, 53(2). 15‑31.