De manière générale, le jumelage interculturel consiste en une « activité d’échange entre des étudiants de diverses langues et cultures dans le cadre de leurs études, que ce soit dans un établissement d’enseignement pour adultes, un collège, un cégep ou une université » (Programme de jumelage de l’UQAM, 2019).

Depuis 2002, les jumelages interculturels pratiqués à l’UQAM visent à mettre en contact des étudiants francophones et des étudiants non francophones. En plus d’établir des ponts entre des étudiants de différents horizons culturels, ils développent chez les étudiants francophones des habiletés à travailler avec des personnes issues d’autres cultures, tout en permettant aux non-francophones d’apprendre le français de même que de connaître leur société d’accueil (Caza, 2019).

Cette expérience de plus de quinze ans des jumelages interculturels démontre que l’université peut contribuer de façon déterminante à l’intégration des personnes non francophones à la société québécoise.

Carignan, Deraiche et Guillot, 2015

Origines du projet

Le projet de jumelages interculturels est né d’une conversation entre la maître de langue Gladys Benudiz et la professeure Nicole Carignan, qui déploraient l’absence totale de contacts significatifs des étudiants non francophones avec des Québécois. La professeure Carignan a poursuivi les jumelages dans les années 2010 avec ses collègues maîtres de langue Myra Deraîche et Marie-Cécile Guillot, tel qu’expliqué dans l’ouvrage Jumelages interculturels. Communication, inclusion et intégration, publié aux Presses de l’Université du Québec, en 2015.

Image : Presses de l’Université du Québec

Peu de temps après, les échanges avec un enseignant du Collège Vanier, Philippe Gagné, ont mené à la création du Groupe de recherche sur les jumelages interculturels (GReJI) ayant pour mission de répertorier les acteurs impliqués dans les jumelages interculturels au Québec et de favoriser la création de nouveaux jumelages interculturels et interlinguistiques entre divers groupes et régions (Caza, 2018).

Avec les années, le projet a permis à des milliers d’étudiants (environ 12 000) en langue seconde, éducation, travail social, psychologie, communication et développement de carrière d’être jumelés dans l’apprentissage du français. À l’UQAM,  les futurs enseignants du primaire et du secondaire – toutes disciplines confondues – participent aux jumelages de manière obligatoire.

Avantages et bénéfices des jumelages interculturels

Le premier avantage de la pratique du jumelage interculturel pour les étudiants non francophones est d’échanger avec des personnes qui parlent français, qui viennent du Québec ou d’ailleurs dans la francophonie. Selon le site web Jumelages interculturels de l’UQAM, c’est l’occasion de découvrir la culture francophone dans toute sa diversité, d’en apprendre davantage sur le Québec ou sur les autres sociétés francophones. En effet, il n’est pas nécessaire pour les étudiants francophones d’être né au Québec – d’où la richesse interculturelle francophone du projet.

Un deuxième avantage est de pratiquer régulièrement la langue française. Deux manières de faire sont possibles :

  • pratique orale : il s’agit de parler, d’interagir, d’écouter dans le cadre de rencontres prédéterminées;
  • pratique écrite : les personnes jumelées peuvent clavarder ensemble sur les réseaux sociaux, lire ou écrire des textes.

Enfin, un troisième avantage d’une activité de jumelage interculturel encadrée est d’interagir dans un cadre sécurisant, avec le soutien d’un enseignant. Les personnes jumelées décident elles-mêmes du lieu de rencontres et de la fréquence de celles-ci.

La formule retenue prévoit habituellement quatre rencontres d’une heure et demie en dehors des heures de cours. Les principes qui guident ces rencontres sont : réciprocité, coopération et égalité. Les participants ont le même statut, sans paternalisme.

La professeure Nicole Carignan souligne que si, aux premiers contacts, les personnes jumelées ne voyaient que des différences avec leur jumeau ou leur jumelle, elles ont plutôt noté des ressemblances et des valeurs communes avec le temps. Selon elle, les personnes jumelées prennent aussi conscience des défis de l’immigration et des sacrifices, laissent rapidement tomber leurs préjugés et sont impressionnés par le parcours de ces immigrants.

Citée par Caza, 2014

Les personnes jumelées qui apprennent le français se familiarisent quant à elles avec le fonctionnement de leur société d’accueil, comme en témoigne des étudiants non-francophones dans la vidéo suivante :

Vidéo : Site web Jumelages interculturels

Selon Nicole Carignan, les problèmes d’adaptation des immigrants ont longtemps été considérés comme étant de leur propre ressort, portant seuls le poids de l’échec ou du succès de leur intégration à la société d’accueil (citée par Caza, 2014). Or, la pratique des jumelages interculturels montre que cette intégration peut aussi dépendre des efforts de la majorité d’accueil.

Une boîte à outils en ligne

Le site web Jumelages interculturels développé par le Groupe de recherche sur les jumelages interculturels (GReJI) et lancé en mai 2019, constitue une étape importante dans la mise en commun des ressources sur le sujet. Le site comprend des outils, notamment pour les acteurs en enseignement supérieur, qui veulent organiser des jumelages interculturels dans leur propre établissement, programme ou classe.

La particularité des jumelages interculturels en contexte postsecondaire est la présence d’un échange entre porteurs de culture dans le cadre d’une formation linguistique et professionnelle.

GReJI, 2019

L’approche pédagogique y est expliquée, de même que les différentes étapes de la démarche. On y retrouve aussi une grille pour l’organisation des jumelages ainsi que des exemples d’activités pédagogiques.

Selon le GReJI, une approche pédagogique appropriée peut favoriser les échanges interculturels et les apprentissages du français lors des jumelages. Cette approche privilégie :

  1. la sensibilisation des étudiants à la diversité ethnoculturelle;
  2. l’encouragement des étudiants non francophones à la pratique du français avec des étudiants francophones;
  3. la responsabilisation des futurs professionnels aux défis de demain en tant que société d’accueil;
  4. le développement de compétences de communication interculturelle.

La pratique des jumelages interculturels contribue ainsi à changer les conceptions erronées, à réduire le sentiment de menace identitaire et à augmenter le sentiment de sécurité linguistique (Carignan, citée par Caza, 2014).