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Formation continue en enseignement supérieur : des parcours de réussite étudiante
L’autochtonisation est un principe de plus en plus mis de l’avant en enseignement supérieur, dans une perspective d’inclusion, de décolonisation et de réconciliation avec les Premiers Peuples (Gaudry et Lorenz, 2018). Comment ce principe s’incarne-t-il concrètement dans les pratiques des établissements ? Au Cégep Marie-Victorin, la RAC pour les Autochtones est un des leviers mis en place.
L’autochtonisation « implique que les valeurs, les principes et les modes d’organisation des Premiers Peuples soient respectés et intégrés dans les structures, les services et l’enseignement. Cela demande de revisiter les pratiques de gouvernance, d’embauche, de reconnaissance des acquis, de (co)gestion, et ce, en collaboration ouverte avec les Premiers Peuples » (CAPRES, 2018)
Un projet né dans le Grand Nord
Dans une perspective de développement des compétences au sein des communautés autochtones, le Cégep Marie-Victorin déploie ses activités de formation continue dans le Grand Nord depuis plusieurs années déjà. Cette présence dans le milieu a permis de constater d’importants besoins en termes de reconnaissance des compétences. En effet, de nombreuses personnes exercent différentes compétences au sein de ces communautés nordiques, sans pour autant avoir le diplôme ni le statut social et le salaire qui viennent avec la certification. Pour réduire ce déficit de reconnaissance, l’accès à des services de reconnaissance des acquis et des compétences (RAC) en anglais est apparu comme la voie à privilégier.
En 2015, un financement du ministère de l’Enseignement supérieur issu de l’Entente Canada-Québec relative à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement des langues secondes a permis la mise en chantier du projet de RAC autochtone en anglais.
La première étape dans le déploiement du projet a été de trouver des partenaires autochtones ainsi que dans le milieu collégial anglophone. La Commission de développement des ressources humaines des Premières Nations du Québec (CDRHPNQ) est rapidement devenue l’organisme partenaire pilier dans le projet. Dès le départ, la Commission a notamment joué un rôle crucial pour déterminer, à partir des besoins identifiés sur le terrain, les programmes qui devaient être offerts par le biais d’une démarche de RAC.
Les quatre programmes offerts par le biais d’une démarche de RAC pour les Autochtones
Et les personnes candidates francophones ?
En principe, les personnes autochtones dont le français est la première ou la seconde langue peuvent accéder à la vingtaine de programmes offerts par le biais d’une démarche de RAC par le Cégep. Le Cégep Marie-Victorin accueille des personnes candidates autochtones en provenance de partout au Québec, de Manawan à Uashat mak Mani-Utenam sur la Côte-Nord.
Outre la langue, les personnes autochtones francophones ou anglophones font néanmoins face à plusieurs obstacles communs en matière de reconnaissance de leurs compétences. Ainsi, l’autochtonisation des programmes en anglais a permis de revoir certaines pratiques du côté de la RAC en français (Cégep Marie-Victorin (s.d.)).
Autochtonisation 101
Autochtoniser la RAC signifie adapter le processus de manière à répondre aux besoins spécifiques des candidats et candidates autochtones, notamment en offrant un accompagnement qui tient compte du « besoin de reconstruction relationnel » (Cégep Marie-Victorin, p.10). Du côté de l’équipe du cégep, cela implique d’abord de s’initier à la notion d’apprentissage chez les Premiers Peuples, de se sensibiliser à la réalité de la vie dans une communauté, et de prendre conscience de l’héritage colonial, particulièrement dans le rapport des populations autochtones avec les institutions blanches, symboles d’assimilation et de dépossession culturelles.
Concrètement, il a fallu, de concert avec les partenaires du terrain, créer une instrumentation complète pour soutenir la mise en œuvre du projet : quelles compétences faut-il évaluer pour chacun des programmes ? Comment nommer ces compétences dans leur contexte ? Quelle palette de moyens peut-on proposer aux personnes candidates pour en faire la démonstration ?
L’ensemble du processus (voir la figure ci-dessous) et des outils d’évaluation ont été repensés pour faire en sorte que la personne « se reconnaisse et sente que ses expériences en milieux autochtones sont valorisées et se retrouvent au cœur de son évaluation en RAC, et ce, en tout respect des standards attendus du programme d’études » (Cégep Marie-Victorin, p.30).
Un processus repensé
AVANT
REPENSÉ
La source : Cégep Marie-Victorin, p.26.
Accompagnement et sécurisation culturelle
Pour Michèle Laplante, travailleuse sociale, ancienne enseignante au collégial et aujourd’hui conseillère pédagogique en RAC, « l’accompagnement en RAC, c’est absolument crucial », et ce, quel que soit le profil du candidat ou de la candidate. La personne conseillère en RAC et les spécialistes de contenu doivent vulgariser les différentes exigences à chacune des étapes du processus, soutenir la motivation, valoriser les efforts et faire ressortir les capacités cachées de la personne en quête de reconnaissance.
La démarche de RAC pour les Autochtones demande de faire preuve d’une grande souplesse administrative : adapter l’échéancier, offrir un soutien pour remplir les formulaires, fournir des modèles de lettres, privilégier les entretiens oraux aux évaluations écrites lorsque cela est possible, etc. Michèle Laplante insiste aussi sur l’importance de sécuriser la relation avec la personne candidate autochtone.
Comment cela se traduit-il ? Voici un exemple : habituellement, plusieurs spécialistes de contenu interviennent dans un processus de RAC. Il peut s’agir de personnes enseignantes ou professionnelles dans la discipline, à la retraite ou encore en exercice. Cette multiplicité des personnes intervenantes ne fonctionne pas en RAC autochtone. Pour bâtir une relation de confiance, il est souhaitable que la personne candidate établisse un lien quasi exclusif avec la personne spécialiste de contenu. Dans la mesure du possible, le cégep tente d’assigner un seul expert ou une seule experte pour l’accompagnement lors de l’ensemble des évaluations.
Des retombées individuelles aux effets multiplicateurs
Le recrutement de personnes autochtones candidates à la RAC demeure un défi. Malgré les assouplissements, plusieurs obstacles doivent être surmontés, notamment pour construire la relation de confiance et contrer l’effet rebutant des exigences administratives. Les partenaires impliqués dans le projet sont présents sur le terrain, pour amener des candidates et des candidats potentiels à reconnaître la valeur de leurs compétences, souvent invisibles à leurs propres yeux.
L’impact de la RAC pour les Autochtones ne se mesure pas en nombre de diplômes décernés. Une seule personne qui cogne à la porte du bureau de la RAC est une victoire en soi, et l’expérience de cette personne rayonnera dans son milieu. Pour de nombreuses personnes candidates, dont la majorité sont des femmes, offrir un modèle inspirant à ses enfants et à sa communauté constitue une motivation centrale. Sur le plan individuel, la RAC ouvre la porte à une reprise de pouvoir sur sa vie à travers une plus grande autonomie économique et personnelle.
La démarche a aussi un impact transformateur sur les personnes professionnelles qui interviennent comme conseillères ou spécialistes de contenu.
« La RAC, ce n’est pas juste une démarche d’évaluation, c’est une démarche d’échange d’expertises. Les spécialistes disent toujours « j’apprends autant que la personne évaluée ». C’est un échange réciproque. »
Michèle Laplante, conseillère pédagogique en RAC
Commencer par où ?
Pour s’engager sur le chemin de la sécurisation culturelle, Michèle Laplante rappelle qu’il faut « commencer par s’éduquer soi-même et accepter d’être confronté, de ne pas avoir raison, de ne plus savoir, de plonger dans l’inconnu. Mais c’est stimulant ! », s’empresse-t-elle d’ajouter.
À quiconque souhaite développer un projet d’autochtonisation dans un établissement d’enseignement supérieur, elle invite à garder en tête une condition de base : « trouvez des partenaires du milieu. C’est la clé pour pouvoir se former, rejoindre les personnes que l’on souhaite rejoindre, et développer avec elles une relation de confiance ».
L’écriture de cette pratique inspirante s’appuie sur une entrevue réalisée avec Michèle Laplante, conseillère pédagogique en RAC au Cégep Marie-Victorin. Mme Laplante a approuvé le contenu de ce texte.
Pour en savoir plus, consultez la section La reconnaissance des acquis et des compétences, de quoi parle-t-on? du dossier Formation continue en enseignement supérieur : des parcours de réussite étudiante.
Références
Cégep Marie-Victorin (s.d.). La reconnaissance des acquis et des compétences chez les personnes candidates autochtones. Guide à l’intention des personnes conseillères et spécialistes de contenu en RAC. Bureau de la RAC et Centre d’éducation interculturelle et internationale du Cégep Marie-Victorin.
CAPRES (2018). Étudiants des Premiers Peuples en enseignement supérieur. https://oresquebec.ca/dossiers/etudiants-des-premiers-peuples-en-enseignement-superieur/
Gaudry, A. et Lorenz, D. (2018). Indigenization as inclusion, reconciliation, and decolonization: navigating the different visions for indigenizing the Canadian Academy. AlterNative: An International Journal of Indigenous Peoples, 14(3), 218‑227. https://doi.org/10.1177/1177180118785382
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