L’écriture de cette pratique inspirante s’appuie sur trois rencontres virtuelles avec deux gestionnaires et deux professionnelles du CPNN. La première entrevue a été réalisée auprès de Francis Verreault-Paul et Guylaine Malaison le 25 juin 2021. La seconde a été réalisée le 28 juin 2021 auprès de Mylène Girard pour le soutien en français. La troisième entrevue a été réalisée le 30 juin 2021 auprès de Laurie Lavoie pour le soutien à la réussite.
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Le Centre des Premières Nations Nikanite (CPNN) de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) place l’étudiant·e autochtone au centre de toutes ses actions, et c’est ainsi qu’il bâtit et consolide son offre de services et de soutien aux étudiant·es autochtones. Le service aux étudiant·es a même été élargi afin d’offrir aux étudiant·es de la Côte-Nord les mêmes services qu’aux étudiant·es du campus de Saguenay. Avec une équipe dynamique, à l’écoute et innovante, le CPNN tente de développer des pratiques inspirantes, notamment afin de répondre aux besoins des étudiant·es des Premiers Peuples.
C’est ainsi que Mylène Girard, responsable du soutien en français, et Laurie Lavoie, responsable du soutien à la réussite, sont formées pour comprendre les défis scolaires propres aux communautés autochtones, sont engagées dans la voie de la réconciliation et abordent l’étudiant·e sollicitant leurs services comme un être humain avant tout.
Une gouvernance mixte
En 2021, le CPNN fête ses 30 ans. Le Centre a changé de nom – Centre d’études amérindiennes à l’origine – au fil des ans, mais le même souci d’œuvrer avec et non seulement pour les étudiant·es autochtones le caractérise. De différentes manières, les étudiant·es autochtones sont au cœur du CPNN, depuis 30 ans.
L’approche empreinte de compassion et de réconciliation des Services aux étudiants (SAE) est aussi le fruit d’une vision des gestionnaires du CPNN. Depuis 2019, le Centre relève du vice-rectorat aux partenariats, aux affaires internationales et autochtones de l’UQAC. Le fait qu’un vice-rectorat soit dédié aux affaires autochtones constitue une pratique de gestion inédite au sein du milieu universitaire québécois.
Un fait notable : la gouvernance du CPNN est composée d’employé·es autochtones et allochtones. Guylaine Malaison, directrice des Centres de formation à l’UQAC, partage le gouvernail du CPNN avec Francis Verreault-Paul, chef des relations avec les Premières Nations pour le CPNN et toute la communauté universitaire de l’UQAC.
Selon ce dernier, cette mixité enrichit la culture d’entreprise et lui insuffle une dynamique relationnelle saine, résolument engagée sur la voie de la réconciliation. De plus, autant les enjeux et les décisions stratégiques que les pratiques de terrain du CPNN tiennent compte de la perspective autochtone.
Nikanite signifie « va de l’avant » en innu.
Francis Verreault-Paul
Mandat du CPNN
Logeant depuis 2016 dans un nouveau pavillon, le CPNN « est un lieu de partage, d’échanges et de rassemblements ouvert à toute la communauté universitaire » (site web du CPNN, 2021). Cela dit, le CPNN offre des services spécifiques aux étudiants·es autochtones autant au campus de Saguenay qu’à celui de Sept-Îles, où les étudiant·es autochtones sont aussi nombreux·euses. Les mêmes services sont ainsi offerts aux deux campus.
Si l’accessibilité des étudiant·es des Premiers Peuples à l’enseignement supérieur a longtemps été le cheval de bataille du CPNN, les services se sont adaptés aux besoins évolutifs de la population étudiante. Ainsi, le soutien à la réussite scolaire, le soutien en langue française et l’offre de cours en langues autochtones répondent mieux aux nouvelles réalités étudiantes autochtones. En plus de déployer des efforts pour accroitre l’accessibilité aux études pour les Premiers Peuples, l’équipe du CPNN accompagne résolument ses étudiant·es jusqu’à l’obtention de leur diplôme universitaire.
Précisément, le CPNN :
- « déploie une variété de formations ainsi qu’un service d’accueil et d’accompagnement favorisant la réussite et la persévérance scolaires des étudiant·es autochtones;
- joue un rôle clé au niveau de la recherche autochtone à l’UQAC;
- développe « avec et par » les Premiers Peuples, de la formation universitaire répondant aux besoins spécifiques des communautés;
- déploie, en complémentarité avec les Services aux étudiant·es de l’UQAC, une offre de services de soutien (pédagogique et psychosocial) répondant aux besoins, enjeux et réalités des étudiant·es autochtones;
- s’assure d’offrir un milieu universitaire culturellement sensible et sécurisant ».
Site web du CPNN, 2021
Service de soutien en français
La maîtrise de la langue française est un enjeu pour l’obtention d’un diplôme d’études collégiales et universitaires, voire pour l’insertion professionnelle des étudiant·es autochtones. Alors que plusieurs d’entre elles·eux s’inscrivent dans des programmes de formation en éducation, le Test de certification en français écrit pour l’enseignement (TECFÉE), exigé pour obtenir le brevet d’enseignement, peut constituer un défi pour certain·es.
Détentrice d’un baccalauréat en enseignement du français au secondaire et d’une maîtrise en linguistique, Mylène Girard est responsable du volet « soutien en français » au CPNN depuis l’automne 2020. Selon elle, les profils linguistiques des étudiant·es autochtones qui fréquentent le CPNN sont variés. Pour certain·es, le français est la langue seconde; pour d’autres, la scolarisation s’est faite en français, de concert avec l’apprentissage d’une langue maternelle autochtone à la maison. Ce bilinguisme comporte son lot de défis, comme n’importe quel bilinguisme. De plus, les difficultés rencontrées peuvent différer d’un·e étudiant·e à l’autre. Mylène Girard s’adapte à chaque étudiant·e et offre un service personnalisé.
Elle résume en quatre points la nature de ses interventions de soutien en langue française, soit :
- un soutien pour le passage du TECFÉE pour les étudiant·es en éducation;
- un soutien pour le passage du Test de français de l’UQAC (TFUQAC) pour ceux et celles qui sont admis·es à l’Université sans posséder un diplôme d’études collégiales;
- un soutien pour les cours de français d’appoint;
- et enfin, un soutien pour réviser la qualité de la langue française d’un travail scolaire.
Par ailleurs, l’École de langues de l’UQAC, en partenariat le CPNN, offre un cours de français d’appoint spécialement conçu pour la population étudiante autochtone. Plusieurs autres cours de langues, langue française ou langues autochtones, sont offerts à l’UQAC, sous l’égide du CPNN.
Il est important de noter que l’UQAC s’est dotée d’un chargé de cours spécialisé en langues autochtones, bonifiant ainsi l’offre ponctuelle de cours en langues autochtones du CPNN.
Service de soutien à la réussite
Hormis la maîtrise de la langue française et le perfectionnement des langues autochtones, le soutien à la réussite ou à l’apprentissage constitue un autre volet des services aux étudiant·es du CPNN.
Le service offert par Laurie Lavoie, éducatrice spécialisée, consiste à enseigner les rudiments du métier d’étudiant·e à la population étudiante autochtone du Centre. Sur ce point, les enjeux sont semblables à ceux rencontrés par les étudiant·es allochtones. Son offre de services se décline ainsi :
- « Apprendre à organiser son temps et ses tâches;
- Développer des moyens pour vivre avec le stress;
- Développer ses stratégies d’apprentissage;
- Améliorer ses compétences en période de stage;
- Apprendre à s’adapter aux études universitaires ». (Site web du CPNN, 2021)
Chaque étudiant·e apprend à bien planifier sa session grâce aux outils de gestion du temps (calendrier, agenda électronique, etc.). Les ateliers servent également à initier les étudiant·es aux outils technologiques, comme la plateforme Moddle. Laurie Lavoie tente d’inculquer une méthode de travail à ses étudiant·es, voire des stratégies d’apprentissage qui les mèneront à obtenir leur diplôme. L’éducatrice spécialisée peut quelquefois les diriger vers des conseiller·ères d’orientation, si l’étudiant·e doute de la pertinence de son cheminement scolaire, ou vers un·e travailleur·euse social·e, si l’enjeu social interfère avec le cheminement de l’étudiant·e.
Les défis que doit surmonter la population étudiante autochtone sont nombreux. Selon Laurie Lavoie, la conciliation études-travail-famille serait un défi de taille pour certain·es étudiant·es en raison du rythme d’études à temps plein exigé pour obtenir de l’Aide financière aux études. Un autre défi important est la culture des établissements d’enseignement qui favorise l’écrit alors que certain·es étudiant·es autochtones, même s’ils·elles ne sont pas réfractaires à l’écrit, évolueraient plus facilement dans l’oralité.
Pour bonifier l’offre de soutien à l’apprentissage proposée par Laurie Lavoie, un programme de mentorat a récemment été mis sur pied et sera officialisé à l’automne 2021 aux campus de Saguenay et de Sept-Îles, jumelant de nouveaux·elles étudiant·es avec des étudiant·es-mentor·es autochtones de deuxième ou troisième année universitaire. Les étudiant·es-mentor·es sont choisi·es selon deux critères : 1) être autochtone afin de favoriser l’intégration au milieu; et 2) être en situation de réussite.
Afin de favoriser la persévérance scolaire et de bien accompagner les étudiant·es autochtones dans leurs divers questionnements sur leur parcours de formation et de travail, l’équipe du CPNN s’est dotée d’une conseillère en orientation. Cette dernière est localisée à Sept-Îles, mais offre également ses services aux étudiant·es du campus de Saguenay.
Adaptation et flexibilité
Les ressources professionnelles du CPNN, Mylène Girard et Laurie Lavoie, qui travaillent en collaboration et en cohérence avec les SAE de l’UQAC, ont suivi de nombreuses formations pour les préparer à interagir avec les étudiant·es autochtones. Un enjeu comme la sécurisation culturelle et des réalités comme l’autochtonisation, la colonisation et la décolonisation sont abordés dans ces formations. En effet, le Centre tente d’accueillir les étudiant·es des Premiers Peuples dans un esprit et un contexte de sécurisation culturelle.
Ainsi, les professionnelles du CPNN sont conscientes que les compétences, les connaissances et les bonnes intentions ne suffisent pas pour réussir une intervention. Encore faut-il évaluer les besoins des étudiant·es autochtones selon les normes de leur société, sans imposer unilatéralement les normes d’une profession et d’une culture allochtones.
Dans cet esprit, Mylène Girard intègre des exemples culturellement signifiants pour la réalité autochtone dans ses ateliers et ses exercices de langue française. Elle a aussi observé que les étudiant·es qui consultent son service apprennent beaucoup par observation, et que la méthode inductive du précis au général réussit particulièrement bien.
Mylène Girard et Laurie Lavoie tentent chaque jour d’affiner leurs interventions en s’adaptant aux besoins et aux réalités étudiantes autochtones. Selon elles, un critère de leur propre réussite en tant que ressources pour les SAE du CPNN serait leur capacité à se former et à s’adapter aux réalités étudiantes. Adaptation et flexibilité constituent les clés de voûte de leurs pratiques.
À l’écoute d’une population étudiante unique et diversifiée
Avant d’aborder le français ou les outils et méthodes pour atteindre la réussite scolaire, il est fréquent que Mylène Girard et Laurie Lavoie tissent des liens avec leurs étudiant·es en discutant d’enjeux plus personnels ou familiaux. Gagner leur confiance constitue un geste primordial, selon les deux intervenantes. Une fois ce lien instauré, elles constatent une plus grande assiduité dans les rencontres.
Une majorité de la population étudiante qui fréquente le CPNN est féminine et mère, ce qui oriente l’approche des services. Par exemple, le Centre accueille souvent les autres membres de la famille de l’étudiante; les enfants y sont les bienvenus, et jouissent d’un espace pour jouer et s’exprimer. Ainsi, la réalité familiale des étudiantes autochtones nécessite que les horaires des rencontres soient plus flexibles; ce à quoi acquiescent Laurie Lavoie et Mylène Girard.
D’un point de vue scolaire, les besoins des étudiant·es des Premiers Peuples ne sont pas nécessairement distincts des autres. La population étudiante autochtone partage souvent avec les étudiant·es allochtones les mêmes défis au regard de la gestion du temps, ou les mêmes difficultés devant une règle ardue de la langue française. Encore une fois, c’est le profil d’étudiante mère de la population étudiante du CPNN qui oriente les défis et le soutien. Souvent, il s’agit pour ces femmes d’un retour aux études. Elles doivent se réapproprier les outils technologiques en plus de concilier le travail, la famille et les études.
Cela dit, les étudiant·es autochtones ne sont pas un bloc monolithique. Certain·es réussissent mieux que d’autres ou ne ressentent pas le besoin de se retrouver dans un environnement de sécurisation culturelle. Il y a autant de cas de figure que d’étudiant·es autochtones. La majorité des étudiant·es des Premiers Peuples réussissent leurs apprentissages d’une manière autorégulée.
En somme, grâce à une équipe humaine et rigoureuse, sensible aux enjeux vécus par sa population étudiante, le CPNN réussit à répondre à plusieurs besoins spécifiques des étudiant·es des Premiers Peuples. Les SAE du CPNN ne sont donc pas calqués sur ceux offerts à la population allochtone. Cela dit, l’étudiant·e autochtone est un être humain devant relever des défis en fonction du racisme ambiant dans un contexte colonial, certes, mais aussi en fonction de ses choix de vie, de son cheminement scolaire particulier, de sa motivation et de sa détermination.
Des services en croissance
Les deux ressources professionnelles qui accompagnent les étudiant·es pendant leurs études animent des ateliers de groupe, mais assurent aussi des suivis individuels. En raison de la pandémie, les interventions ont été réalisées en mode virtuel durant la dernière année, mais, en 2021-2022, les rencontres pourront avoir lieu en présentiel.
Le CPNN en quelques chiffres
- 32 communautés desservies;
- 24 programmes destinés aux Premières Nations;
- 25 professeur·es impliqué·es auprès des Premières Nations ou dont les travaux portent sur celles-ci.
Tiré du document intitulé « Portrait de Nikanite »
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